Dermatose nodulaire contagieuse : chronique estivale d'une maladie émergente

Premier cas de dermatose nodulaire contagieuse diagnostiqué en France, chez une vache d'un élevage situé à Cessens (Savoie).

© Gautier Bouchard

Michel JEANNEY

Exercice

Confirmée pour la première fois le 29 juin en France en Savoie, après une première détection en Europe depuis 2017 (en Sardaigne le 21 juin), la dermatose nodulaire contagieuse n'a cessé depuis de peser lourdement sur l'activité des vétérinaires notamment de Savoie et de Haute-Savoie. La lutte contre la maladie dans l'Hexagone a rythmé l'actualité estivale, depuis sa première détection jusqu'à l'amélioration de la situation sanitaire constatée sur le terrain dès la première quinzaine d'août.

La dermatose nodulaire contagieuse (DNC) a été confirmée pour la première fois en France le 29 juin par le laboratoire national de référence, grâce à la perspicacité de notre jeune confrère Gautier Bouchard, praticien à la clinique de l'Albanais à Rumilly (Haute-Savoie), qui a suspecté le premier cas sur une vache en Savoie, à Cessens (lire son interview ici).

Préalablement, la maladie avait fait l'objet d'une première détection en Europe depuis 2017, en Sardaigne le 21 juin puis dans le Nord de l'Italie le 25 juin.

Objectif : éradication

Dès son diagnostic en France, la DNC mobilise de nombreux acteurs dont les vétérinaires (et leurs renforts, la réglementation permettant notamment d'enrôler les étudiants vétérinaires) en Savoie et en Haute-Savoie. L'objectif est l'éradication de cette maladie classée ADE par l'Union européenne (déclaration obligatoire et éradication immédiate).

Du côté des organisations professionnelles vétérinaires (OPV), le SNVEL* et la SNGTV** s'impliquent et apportent notamment aux confrères, pour le premier, un soutien administratif et logistique et, pour le second, des informations et des supports techniques. Le Crov Aura*** a, pour sa part, facilité les procédures d'inscription (ou de réinscription) des renforts étudiants (et retraités). Les écoles nationales vétérinaires, en particulier VetAgro Sup, se sont également fortement mobilisées dans la lutte contre la maladie.

Face à la multiplication des cas (24 foyers en Savoie et Haute-Savoie au 15 juillet), la ministre de l'Agriculture réunit, le 16 juillet, le Comité national d'orientation de la politique animale et végétale (Cnopsav), dont les OPV sont parties prenantes. Il approuve à la quasi-unanimité la stratégie de lutte : abattage total dans les foyers et vaccination dans les zones réglementées, qui débute dès le 18 juillet.

Vétérinaires pris à partie

Mesure contestée par certains éleveurs, avec le soutien de la Coordination rurale ou de la Confédération paysanne, l'abattage total (qui, en fait, n'est pas forcément total car, comme le permet la réglementation européenne, ce sont les unités épidémiologiques qui sont concernées, en lieu et place des élevages) crée, dès le début de l'épizootie, des tensions sur le terrain, dont les vétérinaires sont les victimes. Certains subissent même des agressions inacceptables.

Le choix d'abattre totalement les unités épidémiologiques a été fait car les bovins dans les foyers ne peuvent pas être considérés comme des « animaux sains » : ils sont potentiellement infectés, silencieusement porteurs du virus de la maladie à incubation lente (de 4 à 28 jours), sans que les analyses ne puissent systématiquement le confirmer.

Un rappel qu'effectue, dans ce contexte tendu, le président du SNVEL, notre confrère David Quint, dans une lettre ouverte en soutien aux vétérinaires, adressée, le 26 juillet, à tous les acteurs. Il y appelle à l'apaisement et à l'application de la stratégie adoptée par le Cnopsav, basée sur la science. Pour lui, le temps des débats arrivera après la crise, la priorité étant pour l'heure la lutte contre la maladie.

Parallèlement, dans une ordonnance publiée le 30 juillet, la juge des référés du Conseil d'Etat rejette la requête du Gaec Duchêne et de la Coordination rurale visant à suspendre l'abattage des six génisses qui avaient échappé, en raison de l'obstruction de l'éleveur et du syndicat agricole, à l'abattage total d'un lot de vaches dans lequel un animal atteint de DNC avait été découvert.

La juge souligne que la réglementation européenne en matière de biosécurité ne prévoyait qu'une possibilité de « report » (et non d'annulation), qui doit s'effectuer « après réalisation d'une évaluation des risques », lesquels sont « à ce jour, particulièrement élevés ».

De même, le tribunal administratif de Grenoble rejetera, le 22 août, un recours déposé par la Confédération paysanne et par une éleveuse de bovins viande de Haute-Savoie contre « la décision de la préfecture d'abattre [son] dernier lot de vaches mères ».

Un premier cas dans l'Ain

Le 31 juillet, le ministère de l'Agriculture annonce qu'un tiers des bovins de la zone concernée est vacciné et réaffirme l'intérêt de l'abattage total, alors que certains éleveurs continuent de militer en faveur d'un abattage partiel.

Le 4 août, la France dénombre 64 foyers, tous répartis en Savoie et en Haute-Savoie.

Le 12 août, trois semaines seulement après le début de la vaccination contre la DNC, « les chiffres remontés par les vétérinaires font état d'un taux de vaccination dans la zone vaccinale dépassant les 70 % des bovins concernés », se félicite le ministère de l'Agriculture. « Les opérations ayant démarré le 18 juillet et la protection vaccinale étant effective 21 jours après injection, l'immunisation des bovins de la zone commence à se mettre en place », explique le ministère.

Le 23 août, alors que la propagation de la DNC ralentit en Savoie et en Haute-Savoie, un premier foyer de DNC est confirmé dans l'Ain. Ce nouveau foyer s'ajoute aux 76 foyers répartis dans 41 élevages, recensés au 22 août par les autorités.

Tirer les leçons de la crise

Ainsi, si l'amélioration globale conforte la stratégie de lutte approuvée par le Cnopsav le 16 juillet, face à ce nouveau foyer, les acteurs appellent à ne pas baisser la garde.

Les OPV militent par ailleurs pour tirer les leçons de cette nouvelle crise sanitaire pour mieux gérer celles à venir. Elles prônent une logique de prévention et d'anticipation avec des « vétérinaires présents, formés et disponibles ». Cela suppose un coût qui doit être assumé collectivement, estime le SNVEL.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

** SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

*** Crov Aura : Conseil régional de l'Ordre des vétérinaires Auvergne-Rhône-Alpes.

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Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1762

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