Risque rabique pour les vétérinaires : raisonner la prévention au cas par cas
Vie de la profession 48919Tout vétérinaire a donc normalement été un jour vacciné contre la rage.
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Prophylaxie
Suite au cas de rage ayant provoqué la mort d'une femme au CHU de Reims, les vétérinaires praticiens sont nombreux à s'interroger sur la conduite à tenir concernant leur propre protection. Particulièrement impliqué dans la prévention des morsures et du risque rabique, notre confrère Henri Touboul est l'auteur de plusieurs communications sur ces sujets. La prévention du risque rabique se raisonne selon lui au niveau individuel.
■ La Dépêche Vétérinaire : Quel schéma de prévention antirabique conseilleriez-vous à un vétérinaire praticien ?
Henri Touboul, formateur SNGTV* dans le cadre de la formation des vétérinaires sanitaires sur la rage et I-Cad : Tous les cas de rage humaine enregistrés ces dernières décennies sont des cas importés. La vaccination doit tenir compte de ce fait.
Si un vétérinaire se fait griffer ou mordre par un chien ou un chat d'origine inconnue et venant d'une zone où la rage est endémique, comme l'Afrique du Nord ou l'Asie, je lui conseillerais de se rendre dans un centre de prévention antirabique et de suivre un traitement. De tels centres sont présents dans tous les départements ou presque.
Le risque rabique s'évalue au cas par cas mais ne doit jamais être négligé.
Par ailleurs, un chat même s'il n'a jamais quitté son domicile peut avoir été contaminé par un virus rabique de chauve-souris. Ce risque aussi doit être pris en compte en cas de morsure ou griffure.
Les professionnels de santé incitent d'ailleurs toutes les personnes qui travaillent dans l'environnement des chiroptères à se faire vacciner.
■ D.V. : Quelle est la durée de protection conférée par la vaccination antirabique en humaine et quelles sont les spécificités de ce vaccin ?
H.T. : La vaccination est obligatoire ou fortement conseillée dans les écoles pour les étudiants. Tout vétérinaire a donc normalement été un jour vacciné contre la rage.
Le vaccin est commercialisé par l'Institut Pasteur (vaccin rabique Pasteur ND) et ses RCP ne précisent pas de durée de validité mais indiquent que « les rappels sont fonction du niveau de risque d'exposition et des contrôles sérologiques, conformément aux recommandations officielles ».
A noter qu'il n'existe pas de vaccin spécifique pour protéger contre la rage des chiroptères mais les études ont montré une certaine immunité croisée.
Ce que je conseillerais aux vétérinaires praticiens, c'est de réaliser à l'occasion de prises de sang annuelles ou bisannuelles un titrage en anticorps antirabiques pour évaluer leur niveau de protection. Ce dernier est très individu-dépendant et la fréquence des rappels de vaccination en dépend.
■D.V. : Les vétérinaires doivent-ils systématiquement déclarer une morsure/griffure reçue en consultation ?
H.T. : Oui, en théorie, toute morsure ou griffure reçue en consultation doit faire l'objet d'une déclaration à la DDPP** ou sur le site d'Icad de préférence, d'une surveillance sanitaire de 15 jours et d'une évaluation comportementale pour les chiens.
Les vétérinaires doivent également inciter les propriétaires à déclarer les morsures ou griffures dont ils sont victimes, les médecins n'étant pas toujours au courant de cette règlementation. Ils doivent par ailleurs leur conseiller de redoubler de vigilance quand ils voyagent en Afrique ou en Asie vis-à-vis des animaux errants.
Par ailleurs, les vétérinaires doivent aussi déclarer sur I-Cad les importations illégales, les animaux faisant alors l'objet d'une surveillance sanitaire de 6 mois.
Autre point important, certaines DDPP demandent au vétérinaire de couper la tête du carnivore lorsqu'il meurt au cours de la surveillance sanitaire. C'est un acte qui peut être risqué pour le praticien. L'idéal serait qu'une navette vienne chercher le corps entier de l'animal pour effectuer les prélèvements de système nerveux central dans un laboratoire bien équipé. Cela se fait dans certaines DDPP. ■
* SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.
** DDPP : Direction départementale de la protection des populations.