Création d'une école vétérinaire privée : l'Ordre énonce les conditions

Sur les 5 dernières années, le nombre de jeunes vétérinaires français formés à l'étranger a été multiplié par 2,6, selon l'Ordre.

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Michel JEANNEY

Enseignement

Face au projet de création d'une école vétérinaire privée en France, le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires énonce les critères auxquels doit répondre le diplôme délivré par un tel établissement. Conformément au droit européen, le principe même d'ouverture d'une école privée est, selon lui, légitime. De leurs côtés, les représentants syndicaux de la profession ont émis de fortes réserves sur l'adéquation de ce projet de création d'un établissement privé aux besoins de la profession. Cette réticence, sinon cette hostilité, est papable auprès d'une bonne partie de la profession.

Réagissant au débat autour du projet de création d'une école vétérinaire privée et le dépôt d'amendements qui se proposent d'autoriser et d'encadrer la possibilité de création de tels établissements en France (lire DV n° 1545), le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires (Cnov) juge, dans un communiqué du 21 octobre, « que le principe même d'ouvrir la formation vétérinaire à des établissements de l'enseignement supérieur agricole privés agréés par le ministère de l'Agriculture est légitime ».

« Il serait injustifié de refuser ce qui est autorisé au sein de l'Union européenne pour la formation des vétérinaires et reconnu par la directive 2013/55/UE », explique l'instance.

Qualité du service rendu aux usagers

Le Cnov confirme qu'il « a pris connaissance du dépôt de deux amendements (lire ci-après NDLR) visant à autoriser la formation vétérinaire à des établissements d'enseignement supérieur agricole privés agréés par le ministre en charge de l'agriculture, dans le cadre du projet de loi dit de « programmation de la recherche 2021 à 2030 » qui sera débattu en première lecture les 28 et 29 octobre prochains au Sénat ».

« Au vu de ces éléments et en application des dispositions du Code rural et de la pêche maritime et de la directive précitée », le Cnov, qui se dit « soucieux de la qualité du service rendu aux usagers et à l'Etat par la profession vétérinaire en France », indique « qu'un diplôme délivré par un tel établissement d'enseignement supérieur agricole privé agréé en France devra impérativement s'engager à répondre » à plusieurs critères.

Ces critères sont :

« - formation vétérinaire conforme au référentiel d'activité professionnelle et de compétences à l'issue des études vétérinaires (annexe de l'arrêté ministériel du 20 avril 2007 relatif aux études vétérinaires) ;

- prise en compte dans la formation des besoins de l'Etat en termes de santé publique vétérinaire ;

- haut niveau de formation scientifique et clinique visant à garantir la qualité du service rendu ;

- formation conforme aux standards européens de l'Association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire ;

- évaluation de la formation par une autorité administrative indépendante française, le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ;

- unicité du diplôme de docteur vétérinaire en France, toutes espèces, qui exclut de facto l'accès partiel à la profession vétérinaire ;

- reconnaissance du diplôme par les autres pays membres de l'Union européenne ;

- délivrance du titre de docteur-vétérinaire après soutenance de la thèse ».

Contribuer à la recherche

« L'établissement d'enseignement supérieur agricole privé agréé devra également être en mesure de contribuer à la capacité de recherche et d'excellence scientifique de l'enseignement vétérinaire français sans que le recrutement dudit établissement vienne affaiblir la communauté enseignante des quatre écoles nationales vétérinaires », précise l'Ordre.

« Considérant qu'un projet de formation vétérinaire dans un établissement d'enseignement supérieur agricole privé est actuellement à l'étude, le Cnov estime logique et normal que des parlementaires se saisissent du dossier pour lever les obstacles législatifs et règlementaires et mettre ainsi en cohérence le droit et le principe posé », poursuit l'Ordre.

Il souligne qu'il « sera vigilant à ce que les critères d'exigence ci-dessus définis soient rigoureusement respectés par tout porteur de projet d'ouverture d'un cursus de formation dans un établissement d'enseignement supérieur agricole privé ».

45 % de primo-inscrits à l'Ordre formés hors de France

L'Ordre inscrit chaque année des vétérinaires diplômés d'établissements européens de formation vétérinaire. « La proportion de jeunes diplômés formés hors de France (dans des établissements d'enseignement publics ou privés) qui s'inscrivent pour la première fois à l'Ordre chaque année est d'environ 45 % (455 primo-inscrits en 2019) », rappelle-t-il.

En outre, les chiffres publiés par l'Atlas démographique de la profession vétérinaire montrent que, sur les 5 dernières années, le nombre de jeunes vétérinaires français formés à l'étranger a été multiplié par 2,6.

Face à ce projet de création d'une école vétérinaire privée, le président du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, Laurent Perrin, et celui de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (qui accueille notamment en son sein les représentants des enseignants des écoles nationales vétérinaires), Jean-Yves Gauchot, ont émis de vives réserves, contestant son adéquation aux besoins de la profession (lire DV n° 1545).

Pour les syndicats, il faut plutôt renforcer les moyens des établissements publics

Ils s'interrogent sur le réel contrôle qui pourra être exercé sur la qualité de l'enseignement dispensé dans ce type d'établissement, sur l'incapacité d'un tel projet à résoudre la désertification rurale et sur le risque qu'il fait courir, à terme, à la profession par l'instauration vraisemblable d'une formation à deux vitesses.

Ils militent plutôt pour un renforcement des moyens des quatre écoles nationales vétérinaires publiques, de façon à leur permettre d'accueillir un plus grand nombre d'élèves, comme cela a été déjà amorcé.

Le débat est ouvert mais l'hostilité d'une bonne partie de la profession à ce projet d'école privée est palpable.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1546

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