Vente en ligne de médicaments vétérinaires non soumis à prescription : un nouveau cadre

Tous les médicaments nécessitant une ordonnance - qu'il s'agisse d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires, d'hormonothérapies ou de vaccins - restent strictement exclus de la vente en ligne.

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Règlementation

Le 7 septembre est paru au Journal officiel un décret daté de la veille encadrant la vente en ligne de médicaments vétérinaires. Seuls sont concernés ceux non soumis à prescription, la vente en ligne des médicaments nécessitant une ordonnance restant interdite en France. La vente en ligne des APE dérogataires n'est pas soumise - pour le moment - aux règles d'encadrement fixées par ce décret. Ce dernier met les vétérinaires à égalité avec les pharmacies en leur offrant la possibilité de vendre ces médicaments non soumis à prescription à leurs clients en complément de leur activité de délivrance à la clinique. Même si ce texte reste complexe à appliquer, notre confrère David Quint, président du SNVEL*, s'en félicite car il préserve les principes déontologiques qui régissent la relation vétérinaire-client.

La Dépêche Vétérinaire : Quels sont en pratique les médicaments visés par le décret du 6 septembre ?

David Quint, président du SNVEL* : Le décret publié le 6 septembre concerne exclusivement les médicaments vétérinaires non soumis à prescription obligatoire. Il a été pris en application de l'ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 d'adaptation du droit national au règlement (UE) 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires.

Une interrogation concernait les antiparasitaires externes (APE). Interrogée sur ce point la Direction générale de l'alimentation a précisé qu'« en l'absence de base légale permettant d'appliquer à ces médicaments les règles fixées par le projet de décret, les APE demeurent exclus de son champ d'application ». La vente en ligne des APE dérogataires n'est pas soumise aux règles d'encadrement fixées par ce décret. « Une modification de l'article L. 5143-2 du code de la santé publique sera nécessaire pour inclure les APE dans les dispositions réglementaires relatives à la vente en ligne », complète la DGAL. Pour l'instant, les APE dérogataires sont donc vendus en dehors de tout cadre réglementaire.

Par ailleurs, tous les médicaments nécessitant une ordonnance - qu'il s'agisse d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires, d'hormonothérapies ou de vaccins - restent strictement exclus de la vente en ligne. La France a, dès le départ, fait le choix clair de ne pas ouvrir ce canal de distribution pour les médicaments sur ordonnance, alors que le règlement européen 2019/6 laissait cette possibilité aux États membres.

D.V. : Qu'est-ce que cela implique pour les vétérinaires ?

D.Q. : Le texte consacre un équilibre : les vétérinaires pourront désormais vendre à leurs clients, via leur site de vente en ligne, les médicaments non soumis à prescription en complément de leur activité de délivrance à la clinique. Cela signifie concrètement qu'un vétérinaire qui suit un animal pourra proposer à ses propriétaires, via Internet, l'achat de médicaments sans ordonnance en même temps que la vente des croquettes.

Cette ouverture a une double conséquence :

- elle permet aux vétérinaires de répondre aux nouvelles habitudes d'achat des propriétaires d'animaux, très tournés vers la commande en ligne, notamment depuis la pandémie de Covid ;

- elle garantit aussi que la relation vétérinaire-client reste le socle de la délivrance ; la règle est en effet que seuls les clients suivis par le vétérinaire pourront accéder à cette vente en ligne, avec une exception : les médicaments dits dérogataires (des APE) pourront à terme être vendus à toute personne, même sans contrat de soins, dès lors qu'ils seront intégrés au décret..

D.V. : Le SNVEL a-t-il été partie prenante dans ce dossier ?

D.Q. : Oui. Le SNVEL et le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires ont été consultés par la Direction générale de l'alimentation dans le cadre des échanges interministériels. Le SNVEL a défendu avec constance l'idée que les vétérinaires ne pouvaient pas être laissés en retrait par rapport aux pharmaciens d'officine.

En effet, les pharmacies peuvent proposer sur leurs sites Internet ce type de médicaments en vente libre, à tous. Les vétérinaires se seraient trouvés en situation de désavantage concurrentiel encore plus fort, incapables de proposer, même aux propriétaires des animaux qu'ils suivent, les mêmes produits que les pharmaciens.

Nous avons donc plaidé pour que les vétérinaires aient la possibilité de proposer ces médicaments en ligne. Mais il faut insister : il ne s'agit pas de transformer les cliniques en officines ouvertes à tous par Internet puisque le Code de la santé publique distingue bien les deux catégories d'ayants droit, autorisant l'officine ouverte aux seuls pharmaciens et ne permettant aux vétérinaires la vente de médicaments qu'à leurs clients, après un diagnostic.

Le décret impose au contraire un système sécurisé qui identifie les clients et qui cantonne la vente en ligne à ceux qui relèvent déjà de la clientèle du vétérinaire afin de rester cohérents avec leur rôle médical et avec les obligations réglementaires et déontologiques qui les distinguent d'un distributeur de produits de consommation.

D.V. : Ce décret vous satisfait-il ?

D.Q. : Tenant compte du fait que la vente en ligne de médicaments vétérinaires est quoi qu'il en soit permise par le règlement UE 2019/6, le décret consacre un double objectif :

- protéger la profession vétérinaire contre un risque de marginalisation économique, en lui permettant de se positionner sur la vente en ligne, comme les autres ayants droit ;

- préserver les principes déontologiques qui régissent la relation vétérinaire-client, en excluant l'ouverture totale de type « officine ».

Certes, le texte reste complexe à appliquer car il faudra que chaque vétérinaire qui souhaite proposer ce service mette en place un site conforme et sécurisé. Mais, sur le plan des principes, c'est une avancée équilibrée et conforme à la philosophie du règlement européen.

D.V. : Quelles dérives ce décret est-il censé contrer ?

D.Q. : Le décret cherche à répondre à deux risques majeurs :

- la captation du marché par les pharmacies en ligne ; si rien n'avait été fait, les propriétaires d'animaux se seraient potentiellement progressivement tournés vers les sites de pharmacies pour leurs achats de vermifuges ou d'antiparasitaires, laissant les vétérinaires à l'écart d'un segment qui représente une part importante de leur activité économique ;

- l'émergence d'« officines vétérinaires » incontrôlées ; le texte encadre la vente : seuls les clients suivis pourront acheter en ligne, les sites devront être sécurisés et la pratique sera rattachée à l'exercice médical du vétérinaire ; cela évite de voir apparaître des sites Internet de vétérinaires se comportant comme de simples distributeurs, sans respect de la relation de soins.

En résumé, ce décret traduit une mise en conformité avec le droit européen mais aussi un choix politique et professionnel : préserver l'équilibre entre l'accès facilité pour les propriétaires d'animaux et la reconnaissance du rôle médical des vétérinaires, sans quoi la profession aurait été affaiblie au profit d'autres acteurs.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1764

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