Particularités thérapeutiques du chat : voie d'administration cutanée en dermatologie

Lésion cutanée localisée redevable de soins topiques (antiseptiques et antibiotiques).

© D.R.

Arnaud MULLER

Dip. ECVD, CES D

Eric GUAGUÈRE

Dip. ECVD, DESV D

Clinique vétérinaire Saint-Bernard

(59160 Lomme)

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Pharmacologie

La prescription d'un médicament doit tenir compte de certaines spécificités liées à la voie d'administration : pénétration, distribution, acceptabilité, législation. Celle d'un médicament à visée dermatologique chez le chat répond à un impératif de traitement et doit prendre en compte la capacité de la molécule administrée à atteindre sa cible cutanée. Après les particularités liées aux voies d'administration orale et injectable (DV n° 1763), voici celles liées à la voie d'administration cutanée.

Particularité de la voie cutanée (traitements topiques)

À l'exception des spot on antiparasitaires, la voie topique est sous-utilisée dans l'espèce féline, qui a la réputation de l'apprécier très modérément. De plus, le léchage risque d'altérer l'efficacité et d'augmenter la toxicité du médicament concerné.

Ainsi, les topiques antiseptiques et antibiotiques devraient être employés plus fréquemment chez le chat, parfois avec une tonte préalable (photo).

Une étude rétrospective portant sur 52 chats présentant une pyodermite superficielle rapporte ainsi le recours à un traitement topique dans plus de la moitié des cas. Il est utilisé seul dans 31 % des cas et associé à un traitement systémique dans 21 %.

Son efficacité est toutefois difficile à déterminer en raison du caractère rétrospectif de l'étude et de la variété des protocoles utilisés1.

Les topiques visant à restaurer la barrière cutanée sont également très certainement intéressants chez le chat allergique.

Le comportement de toilettage du chat doit faire privilégier une forme à pénétration rapide et parfois la mise en place transitoire d'une collerette.

Certaines localisations (face, pavillons auriculaires) sont peu accessibles au léchage et sont donc plus aisément traitées par un produit topique.

Ne négligeons toutefois pas la grande variabilité de diffusion des topiques, avec notamment une absorption très différente entre les chats et les chiens, puisque la peau du chat est plus mince que la peau du chien :

- la biodisponibilité des formulations topiques de sélamectine est plus élevée chez le chat (74 %) que chez le chien (4,4 %) du fait d'un flux transdermique probablement plus important2 ;

- la mise en place d'un timbre transdermique de fentanyl se traduit par une atteinte de la concentration plasmatique à l'état d'équilibre plus rapide chez les chats que les chiens (6-12 heures vs
18- 24 heures).

Shampooings

La nécessité d'une balnéation, d'un temps de pause et d'une phase de séchage constitue un inconvénient majeur du shampooing chez de nombreux chats.

À noter enfin que des principes actifs incorporés dans certains shampooings thérapeutiques canins sont toxiques et donc à proscrire dans l'espèce féline (goudron, disulfure de sélénium, ammoniums quaternaires, phénols, perméthrine)3.

Mousses

La mousse est souvent plus facile à appliquer que le shampooing chez le chat. Le poil peut cependant prendre un aspect collant après application. Notons que cette galénique ne possède pas les mêmes bénéfices mécaniques que le shampooing (pas de phase de rinçage et donc d'élimination physique).

Émulsions et lotions

Ces présentations sont mieux tolérées que les shampooings car elles ne mouillent que modérément les poils.

Lorsqu'il s'agit d'une formulation en spray, il est souvent préférable d'appliquer le produit directement sur les mains puis de frictionner le pelage pour ne pas effrayer le chat avec le bruit du spray.

Cependant, pour les sprays à base de corticoïdes, la pulvérisation se fait directement sur la peau ou sur une compresse, qui est ensuite tamponnée sur la zone à traiter4.

Pommades, crèmes, gels

Les gels, du fait de leur composante aqueuse, sont moins occlusifs que les crèmes ou les pommades et sont donc plus adaptés à l'espèce féline. Attention toutefois au léchage pour ceux qui contiennent du propylène glycol.

Rappelons ici l'intérêt de la pommade à base d'acide fusidique, permettant le traitement antibiotique de zones lésionnelles restreintes et évitant l'administration systémique d'un antibiotique.

- Cas particulier des topiques auriculaires

Une toxicité neurologique a été rapportée pour deux topiques auriculaires récents (gel Neptra ND et solution Osurnia ND), utilisés hors AMM chez le chat, amenant à proscrire leur emploi dans cette espèce.

Lingettes

Chez le chat, les lingettes sont très utiles pour des lésions localisées, notamment au niveau de la face ou des espaces interdigités, mais aussi parfois sur des zones plus étendues (alopéciques ou après tonte).

Spot on

Cette forme galénique est remarquablement bien adaptée au chat car l'application est aisée et l'ingestion, limitée. En plus de la gamme très étendue de spot on antiparasitaires, des spot on à base d'acides gras essentiels et/ou d'huiles essentielles ont été développés et permettent l'utilisation de ces molécules chez le chat.

L'efficacité d'un spot on contenant des acides gras essentiels et des huiles essentielles (Dermoscent Essential 6 ND spot on) a par exemple été documentée dans un cas d'adénite sébacée associée à une folliculite murale chez un chat5.

L'efficacité de ce spot on a également été étudiée chez 10 chats obèses présentant une séborrhée dorsale liée à un défaut de toilettage6.

- Cas particulier des topiques antiparasitaires

Outre la toxicité directe liée à un possible léchage (de l'individu lui-même ou d'un congénère), une toxicité neurologique a été décrite avec l'éprinomectine (Nexgard Combo ND), liée à une mutation du gène MDR1 (ABCB1) caractérisée en 2021 par Mealey et coll.7. On pensera évidemment aussi à la toxicité des perméthrines chez le chat à partir de spot on pour chiens appliqués accidentellement3.

Références

1 Yu HW, Vogelnest LJ. Feline superficial pyoderma : a retrospective study of 52 cases (2001-2011). Vet Dermatol.2012 ; 23 : 448-e86.

2 Sarasola P, Jernigan AD, Walker DK, Castledine J, Smith DG, Rowan TG. Pharmacokinetics of selamectin following intravenous, oral and topical administration in cats and dogs. J Vet Pharmacol Ther.2002 ; 25 : 265-72.

3 Malik R, Ward MP, Seavers A, Fawcett A, Bell E, Govendir M, et al. Permethrin spot-on intoxication in cats. Literature review and survey of veterinary practioners in Australia. J Feline Med Surg. 2010 ; 12 : 5-14.

4 Schmidt V, Buckley LM, McEwan NA, Rème CA, Nuttall TJ. Efficacy of a 0.0584 % hydrocortisone aceponate spray in presumed feline allergic dermatitis : an open label pilot study. Vet Dermatol. 2011 ; 23 : 11-e4.

5 Glos K, von Bomhard W, Bettenay S, Mueller RS. Sebaceous adenitis and mural folliculitis in a cat responsive to topical fatty acid supplementation. Vet Dermatol. 2016 ; 27 : 57-e18.

6 Jamoteau A, Bensignor E. Utilisation d'un spot on à base d'huiles essentielles pour le contrôle des états kérato-séborrhéiques du chat : étude ouverte. Inf Derm Vet. 2007 ; 17 : 24-7.

7 Mealey KL, Burke NS, Connors RL. Role of an ABCB11930_1931del TC gene mutation in a temporal cluster of macrocyclic lactone induced neurologic toxicosis in cats associated with products labeled for companion animal use. J Am Vet Med Assoc.2021 ; 259 : 72-67.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1764

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