Télémédecine vétérinaire : l'expérimentation est lancée pour 18 mois

Le vétérinaire doit s'assurer que l'acte de télémédecine ne compromet pas le pronostic médical de l'animal.

© Rostislav Sedlacek-Adobe

Maud LAFON

Exercice

Un décret, entrant en vigueur le 7 mai, définit les modalités de recours aux différentes facettes de la télémédecine vétérinaire dans le cadre d'une expérimentation de 18 mois. Il était attendu depuis le 9 avril, date du courrier dans lequel le ministre de l'Agriculture annonçait aux organisations professionnelles le coup d'envoi prochain de cette modalité d'exercice pour pallier notamment les difficultés de consultations physiques engendrées par la crise du Covid-19 (lire DV n° 1525). L'objectif est de tirer les enseignements permettant de pérenniser cette nouvelle approche de la médecine vétérinaire.

Le ministre de l'Agriculture l'avait promis avant la fin du mois d'avril. Finalement, le décret n° 2020-526 du 5 mai 2020 relatif à l'expérimentation de la télémédecine par les vétérinaires a été publié au Journal officiel du 6 mai pour une entrée en vigueur le 7. Il avait été soumis à l'examen du Conseil d'État en procédure d'urgence.

Renvoyant aux modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation relative à la télémédecine par les vétérinaires, il a pour objet de « préciser les conditions d'expérimentation pour dix-huit mois de la télémédecine vétérinaire pour réaliser des actes de téléconsultation, télésurveillance, télé expertise, télé assistance médicale et régulation médicale vétérinaire ».

Il autorise cette voie d'exercice « à titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois à compter de (son) entrée en vigueur », soit jusqu'au 7 novembre 2021.

« Cette expérimentation vise à recueillir des informations sur les pratiques des vétérinaires en matière de télémédecine, l'intérêt de ce type d'exercice, notamment au regard de l'amélioration du maillage territorial et du renforcement de la relation entre détenteurs d'animaux et vétérinaires, les difficultés et risques encourus, ainsi que les outils technologiques nécessaires, en vue d'être en mesure de définir, le cas échéant, une réglementation pérenne », ajoute le texte.

Responsabilité du vétérinaire

Il rappelle que « la mise en place de la télémédecine relève de la seule responsabilité du vétérinaire, qui doit s'assurer que l'acte de télémédecine ne compromet pas le pronostic médical de l'animal ».

Très attendu par les organisations professionnelles, ce décret donne donc le coup d'envoi d'une modalité d'exercice que le ministre de l'Agriculture avait annoncé par courrier aux organisations professionnelles le 9 avril (lire DV n° 1525). Cette voie d'abord de la médecine « apportera des solutions à des problématiques d'éloignement en zone rurale, d'optimisation du temps en canine » et « répond surtout à une attente des propriétaires », constate notre confrère Eric Lejeau, secrétaire général du SNVEL*.

Le cadre précis pour encadrer et sécuriser son usage était cependant selon lui nécessaire.

Il ajoute que « cette phase de test prend vraiment tout son sens en termes de santé publique aujourd'hui » et « sera, comme identifié par VetFuturs, un levier de développement dans tous les secteurs, des productions animales à la médecine des animaux de compagnie en passant par l'équine ».

Différentes catégories d'actes

Le décret précise la définition des différentes catégories d'actes de télémédecine dans ses troisième et quatrième articles. Il définit les actes de télémédecine comme « des actes de médecine et de chirurgie des animaux (...) réalisés à distance au moyen d'un dispositif utilisant les technologies de l'information et de la communication. Ceux-ci comprennent la téléconsultation et la télésurveillance vétérinaires (...) ainsi que la téléexpertise, la téléassistance médicale et la régulation médicale vétérinaires ».

Le décret précise ensuite ces différentes catégories (lire ci-dessous).

La télémédecine vétérinaire doit respecter la réglementation relative aux médicaments vétérinaires et le décret souligne par exemple que « les médicaments contenant des substances antibiotiques d'importance critique ne peuvent être prescrits lors d'un acte de télémédecine ».

La téléconsultation et la télésurveillance vétérinaires s'effectuent par ailleurs dans le respect des obligations de continuité et de permanence de soins.

Déclaration d'activité au Cro

Pour participer à cette expérimentation de télémédecine, les vétérinaires doivent être inscrits au tableau de l'Ordre et adresser au Conseil régional de l'Ordre (Cro) compétent une déclaration d'activité en télémédecine vétérinaire, valable pendant la durée de cette expérimentation, précisant les catégories d'actes de télémédecine qu'il entend pratiquer.

Par cette déclaration, il s'engage à respecter les dispositions du présent décret et à fournir au conseil de l'ordre des vétérinaires toutes données nécessaires à l'élaboration d'un rapport de suivi, assuré par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires (Cnov), qui fera le bilan de l'expérimentation et évaluera ses résultats.

>> LIRE AUSSI : Télémédecine : déjà plusieurs outils disponibles

Les vétérinaires intéressés doivent accompagner leur déclaration d'une attestation indiquant que les outils utilisés disposent d'une qualité de son et d'image adaptée aux types d'actes de télémédecine pratiqués, permettant notamment, pour les téléconsultations, un échange entre le client et le vétérinaire de telle sorte que ce dernier puisse en tirer les informations utiles à la qualité de la consultation.

Il appartient au vétérinaire, s'il utilise une plate-forme permettant le paiement des honoraires, de s'assurer que celle-ci respecte la sécurité des données personnelles et bancaires du client.

Liste mise à jour régulièrement

La liste des vétérinaires proposant des actes de télémédecine est publiée sur le site Internet du Cro compétent et régulièrement mise à jour. En cas de manquement constaté, le Cro a autorité pour retirer un vétérinaire de la liste et lui interdire ainsi de pratiquer les actes de télémédecine.

Au niveau national, le Cnov est donc chargé d'adresser un rapport d'évaluation de cette phase test au ministre de l'Agriculture quatre mois avant la fin de la période d'expérimentation. Ce dernier recueillera ensuite l'avis du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale sur ce rapport.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Gros Plan : Différents actes aux définitions précises

Dans ses troisième et quatrième articles, le décret n° 2020-526 du 5 mai 2020 relatif à l'expérimentation de la télémédecine par les vétérinaires, entré en vigueur le 7 mai, précise la définition des différentes catégories d'actes relevant de la télémédecine vétérinaire, à savoir : téléconsultation, télésurveillance, télé expertise, télé assistance et régulation.

« La téléconsultation vétérinaire a pour objet de permettre à un vétérinaire de donner une consultation à distance en temps réel .

La télésurveillance vétérinaire a pour objet de permettre à un vétérinaire d'interpréter à distance des données nécessaires au suivi médical d'un animal ou au suivi sanitaire d'une population animale.

L'enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le propriétaire ou l'éleveur ou tout organisme qu'il a autorisé à cette fin.

Dérogation possible

La téléconsultation et la télésurveillance vétérinaires ne peuvent être effectuées que :

- dans le cadre du suivi sanitaire permanent (...), dès lors qu'une visite physique du troupeau a été réalisée depuis moins de six mois ; le Conseil régional de l'Ordre compétent peut accorder une dérogation à un vétérinaire pour porter ce délai à douze mois maximum, lorsque cette prolongation permet d'assurer un meilleur service de la clientèle et est justifiée par des conditions liées aux particularités géographiques ou démographiques ainsi que par les besoins de la santé animale ou les intérêts de la santé publique vétérinaire ;

- dans les autres cas, pour un seul animal, dès lors que celui-ci a fait l'objet, au cours des douze derniers mois, d'une consultation réalisée par le même vétérinaire ou par un vétérinaire exerçant au sein du même domicile professionnel d'exercice. »

Avis à distance

Concernant la télé expertise vétérinaire, elle a pour objet « de permettre à un vétérinaire de solliciter à distance l'avis d'un ou de plusieurs vétérinaires [ habilités à exercer en France ] en raison de leur formation ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge de l'animal ou des animaux ».

La téléassistance médicale vétérinaire vise de son côté à « permettre à un vétérinaire d'assister à distance, au cours de la réalisation d'un acte, un autre vétérinaire ou les personnes (...) autorisées à pratiquer des actes de médecine et de chirurgie des animaux ».

Enfin, la régulation médicale vétérinaire a pour objet « de fournir au demandeur, en situation présumée d'urgence, la conduite à tenir au vu des commémoratifs recueillis ». M.L.


Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1528

Envoyer à un ami

Password lost

Reçevoir ses identifiants