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Origine d'une contamination alimentaire par Escherichia coli entérohémorragique : il n'y a pas que la viande !

Selon une enquête en France sur des cas de SHU sur dix ans, la viande n'a été un facteur de risque de contamination que dans un peu plus de la moitié des cas (54 %), suivie par la consommation de fromage au lait cru (22 %), le contact avec un animal de ferme (20 %), une eau de baignade (19 %) et le lait cru (5 %).

© Michael Pettigrew - Fotolia.com

Jeanne BRUGERE-PICOUX

Professeur honoraire de l'école vétérinaire d'Alfort

Académie nationale de médecine

Académie vétérinaire de France

Santé publique

Alors que des dizaines de cas d'intoxication alimentaire par Escherichia coli entérohémorragique ont été détectés dans l'Aisne, la piste de la consommation d'une viande contaminée a été considérée dès le début comme la piste la plus probable. Or d'autres sources de contamination sont possibles.

Au 30 juin 2025, on nous annonce 29 cas d'intoxication alimentaire par Escherichia coli entérohémorragique (ECEH) dans l'Aisne et le parquet de Saint-Quentin s'est dessaisi du dossier pour le pôle de santé publique du Parquet de Paris.

Sur 28 cas (27 enfants, une personne âgée) il y a eu 10 hospitalisations d'enfants dont 9 atteints d'un syndrome hémolytique et urémique (SHU) et un décès. Les 28e et 29e cas sont dus à une contamination secondaire par transmission interhumaine au sein d'une famille par défaut de mesures de biosécurité.

Généralement les personnes atteintes ont un système immunitaire déficient (très jeunes enfants, personnes âgées).

La consommation de viande, piste la plus probable ?

Si l'origine de la contamination n'est toujours pas connue, la consommation d'une viande contaminée fut considérée dès le début comme la piste la plus probable. C'est ainsi que quatre boucheries locales et deux rayons de supermarché ont été fermés sur les 24 établissements vendant de la viande que compte la ville.

Le risque lié à un abattage clandestin réalisé sans mesures de biosécurité adéquates dans un abattoir non agréé, voire au domicile, au moment de la fête de l'Aïd el-Kébir qui a débuté cette année le 6 juin ne peut pas être formellement exclu.

Les investigations ont été confiées à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), à la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires et phytosanitaires et au commissariat de Saint-Quentin.

La bactérie a été retrouvée dans certaines de ces boucheries mais des analyses nécessitent de confirmer si les isolements sont identiques aux colibacilles isolés dans les selles des malades et quel est le dénominateur commun pour tous ces cas car d'autres facteurs de risque d'un SHU pédiatrique sont connus dans les cas de SHU pédiatriques.

Les cas de contamination par ECEH sont le plus souvent sporadiques et, de ce fait, sous-estimés car le centre national de référence (CNR) des ECEH étudie principalement les toxi-infections alimentaires collectives (Tiac), même si la fiche de renseignements demande s'il y a eu un contact avec un animal dans l'anamnèse.##span class="NextColumn"##

Les enseignements d'une enquête sur des cas de SHU

L'enquête réalisée sur ce sujet en France par Bruyand et al., publiée dans Eurosurveillance en 2019, a répertorié 1 215 cas de SHU pendant dix années entre 2007 et 2016.

Ces cas ont présenté un pic saisonnier au mois de juin avec une répartition géographique hétérogène. La viande n'a été un facteur de risque de contamination que dans un peu plus de la moitié des cas (54 %), suivie par la consommation de fromage au lait cru (22 %), le contact avec un animal de ferme (20 %), une eau de baignade (19 %) et le lait cru (5 %). Cette enquête ne signale pas de légumes bio ou de jus de pomme bio, autres facteurs de risques connus depuis.

On peut remarquer que cette enquête commence au début de la mode des visites de fermes pédagogiques et des mini-fermes dans les foires ou les zoos, qui avait justifié une alerte sur ce sujet en 2008 de l'Académie vétérinaire de France puis, en 2024, de l'Académie nationale de médecine.

En effet, cette mode avait commencé dès l'année 2000 dans les pays anglo-saxons qui ont alerté sur les cas de SHU observés lorsque de jeunes enfants avaient un contact avec des ruminants asymptomatiques, réservoirs d'ECEH.

Le comportement naturel main/bouche des enfants âgés de moins de 5 ans, âge peu adapté à la recommandation de lavage des mains, favorisait cette contamination féco-orale.

Recommandations de l'Académie de médecine

En 2024, l'Académie nationale de médecine a rappelé que le contact des jeunes enfants avec les animaux de compagnie non traditionnels (ACNT) doit donner lieu à des précautions sanitaires en formulant plusieurs recommandations : information du public des risques potentiels liés à un contact étroit entre de jeunes enfants et des animaux, lavage des mains après avoir touché l'animal, affichage des mesures de « biosécurité » instauré dans les établissements accueillant les enfants et les ACNT, déconseiller fortement que des enfants de moins de 5 ans touchent des ACNT (ruminants, en particulier) dans les lieux publics, interdiction de zones de restauration trop proches d'une mini-ferme (ou d'un « petting-zoo »), afin d'éviter que de jeunes enfants nourrissent des animaux tout en mangeant leur propre repas.

Aucune de ces recommandations n'a été signalée dans les médias depuis le 12 juin, début de l'alerte à Saint-Quentin. Au contraire, nous avons assisté à une polémique regrettable sur l'abattage rituel halal (les colibacilles sont dans l'intestin et non dans l'oesophage !).

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1761

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