Morsures : un parage chirurgical est nécessaire systématiquement chez l'humain

Les morsures de chats provoquent des plaies punctiformes, profondes, qui s'infectent fréquemment.

© Alice Mayoly

Maud LAFON

Santé publique

Toute morsure ou griffure d'un chat ou d'un chien devrait faire l'objet d'une prise en charge médicale et chirurgicale codifiée pour contrer les risques mécaniques et infectieux qu'elle engendre. Lors d'une journée de formation organisée par l'Association de protection vétérinaire, le Dr Alice Mayoly, chirurgienne de la main, a précisé la conduite à tenir dans une telle situation.

Les membres supérieurs, et plus particulièrement les mains, sont une localisation préférentielle des morsures et griffures canines et félines. Pour sa sixième journée annuelle, le 30 septembre, à Maisons-Alfort, l'Association de protection vétérinaire (APV) a donné la parole au Dr Alice Mayoly, chirurgienne de la main aux hôpitaux universitaires de Marseille-Timone, pour qu'elle précise la conduite à tenir lors d'un tel accident. Le vétérinaire comme son personnel fait en effet partie des victimes fréquentes de morsures.

Le médecin a donné quelques données épidémiologiques même si l'incidence des morsures est « probablement sous-estimée » : 100 000 morsures par an en France attribuées aux animaux domestiques, 60 000 morsures pour 100 000 personnes chez les propriétaires d'animaux domestiques, 33 décès à leur imputer au cours des 20 dernières années (souvent par atteinte d'un gros axe vasculaire), 1 % des consultations en urgence, 60 à 80 % dues aux chiens.

Dans 90 % des cas, l'animal est connu de la victime et le membre supérieur est une localisation préférentielle. Chez l'enfant, il s'agit du visage.

63 % de morsures canines

Une étude menée à l'hôpital de Marseille confirme ces données avec 63 % des morsures imputables au chien et une localisation au membre supérieur dans 83 % et à la main dans 61 % des cas.

Les morsures sont problématiques par leurs complications mécaniques et/ou infectieuses. En effet, si dans 42 % des cas les plaies ne se compliquent pas, elles peuvent, dans le cas inverse, donner lieu à une arthrite (19 %), une infection cutanée (16 %), un phlegmon (9 %), une ostéite (6 %) ou une fracture ouverte (5 %).

Le risque est différent selon qu'il s'agit d'une morsure de chien ou de chat. Dans le premier cas, la morsure est souvent plus impressionnante car délabrante avec de possibles complications mécaniques. Les morsures de chats sont pourtant tout aussi problématiques car si les plaies sont punctiformes, elles sont profondes et s'infectent fréquemment.

« Le risque infectieux implique de respecter une procédure codifiée et systématique dans la prise en charge des morsures d'origine animale » , a insisté la chirurgienne.

Perte de substance

D'autre part, le risque mécanique qu'elles génèrent est particulièrement important au niveau des mains du fait de la proximité et de la petite taille des éléments anatomi­ques sous-jacents et de l'absence de masses musculaires protectrices.

Le risque mécanique concerne les lésions tissulaires : délabrement cutané, perte de substance nerveuse, tendineuse et/ou vasculaire. Les structures osseuses peuvent également être touchées avec des luxations, fractures ouvertes. A l'extrême, ces morsures peuvent entraîner des sub-amputations ou amputations.

Chez l'enfant, plus souvent mordu au visage, le risque mécanique de lésions tissulaires se double d'un potentiel préjudice esthétique. Les morsures au visage sont donc plus volontiers suturées, d'autant que le risque infectieux est moindre dans cette localisation.

A l'inverse, les complications infectieuses des morsures situées sur d'autres parties du corps sont problématiques. Ce risque s'évalue en analysant trois paramètres : le type de plaie (localisation, profondeur, proximité d'éléments nobles), l'animal mordeur (30 à 50 % de contaminations après morsure de chat versus 5 à 25 % après morsure de chien) et le terrain du patient (immunodéprimé, porteur de valves cardiaques, de prothèses).

Infections systémiques retardées

L'infection locale ou loco-régionale apparaît entre 6 et 24 heures après la morsure tandis que l'infection systémique est plus retardée.

Au niveau des germes incriminés, la conférencière a indiqué avoir retrouvé dans son expérience hospitalière une grande majorité de Pasteurella  sur les prélèvements bactériologiques issus de morsures de chats et chiens mais les germes classiquement décrits dans la littérature sont également des streptocoques, staphylocoques, Neissera , Moraxella , Fusobacterium , Bacteroides .

Les infections typiquement retrouvées après morsure animale sont : l'infection cutanée (cellulite, abcès) +/- associée à une lymphangite ; l'infection articulaire ou arthrite septique ; l'infection des gaines digitales d'un doigt ou phlegmon des gaines. Les principaux signes cliniques retrouvés sont : un aspect inflammatoire local plus ou moins étendu, une masse rénitente en cas d'abcès collecté, une douleur élective à la palpation et la mobilisation d'une articulation (arthrite septique), une douleur à l'extension du doigt et la palpation du cul-de-sac de la gaine digitale (phlegmon des gaines).

Ces infections sont des urgences chirurgicales à prendre en charge dans les 6 heures au risque d'engendrer des complications graves avec des séquelles fonctionnelles irréversibles : destruction articulaire, fonte purulente du tendon...

Les infection osseuses ou ostéites sont plus tardives et généralement la conséquence d'une plaie négligée non prise en charge initialement. Elles sont parfois difficiles à traiter.

Interrogatoire initial

Concernant la prise en charge de ces morsures, le Dr Mayoly a précisé la conduite à tenir en insistant sur l'interrogatoire et l'examen clinique initial avec un bilan radiographique systématique. Les informations à recueillir concernent à la fois l'animal et le patient et doivent permettre l'évaluation des risques mécaniques et infectieux.

Quelle que soit la taille de la morsure, le parage chirurgical devait être systématique, même sur des plaies punctiformes, sous anesthésie locale, loco-régionale ou général, dans l'idéal dans les 6 heures.

L'antibioprophylaxie n'est pas forcément nécessaire si le parage chirurgical a été réalisé dans les délais impartis mais s'envisage sur des plaies à haut risque septique ou si la prise en charge est intervenue après 10 heures.  « L'antibioprophylaxie ne se substitue pas au parage chirurgical », a insisté le médecin.

Le sujet de la fermeture de la plaie est controversé mais, actuellement, un parage chirurgical satisfaisant autorise la fermeture de la plaie à condition de réaliser des points lâches et un drainage de la plaie. Seules les plaies de la main, les plaies avec inoculation profonde (chat particulièrement), les plaies déjà au stade d'infection et les plaies vues au-delà de la 10 e heure doivent être laissées en cicatrisation dirigée.

En cas de complications infectieuses, l'amoxicilline-acide clavulanique est proposé en première intention (doxycycline seule ou clindamycine associée à une fluoroquinolone en cas d'allergie) pour une durée de 15 jours en cas d'infection cutanée et jusqu'à 6 semaines en cas d'ostéite.

Dans l'attente d'une prise en charge optimale, pour la désinfection locale, l'intervenante a recommandé préférentiellement l'usage de la chlorhexidine avec la possibilité d'effectuer un pansement humide, imbibé de ce désinfectant.

Attention aux maladies infectieuses systémiques

Le Dr Mayoly a rappelé le risque de complications infectieuses systémiques spécifiques aux morsures animales : rage, tétanos, maladie des griffes du chat (adénopathie 2 à 3 semaines après la morsure), tularémie, leptospirose et rat bite fever en cas de morsure par un rat.

Pour le tétanos et la rage, le risque de contamination doit impérativement être évalué à chaque morsure animale pour mettre en place une prophylaxie adaptée immédiate si besoin.

Ainsi, en cas de morsure, un rappel de vaccin contre le tétanos n'est pas nécessaire si la vaccination date de moins de 20 ans chez les personnes de moins de 65 ans ou de moins de 10 ans pour les plus âgées.

L'intervenante a concédé que, comme de nombreux médecins, elle n'était pas au courant de l'obligation de déclaration d'une morsure animale à la mairie. Cette obligation incombe pourtant à tout professionnel, y compris les vétérinaires. Un formulaire spécifique de déclaration est téléchargeable sur les sites des Ordres des médecins et des vétérinaires.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1684

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