Un excédent annuel de 500 à 600 diplômés vétérinaires à l'horizon 2030, prévoit le CGAAER

La mission estime qu'entre 800 et 950 étudiants sont ainsi formés à l'étranger dans 16 États membres de l'Union européenne, principalement la Roumanie, l'Espagne, la Belgique et le Portugal.

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Michel JEANNEY

Démographie

Un rapport du CGAAER* sur la démographie vétérinaire prévoit un excédent de 500 à 600 diplômés vétérinaires par an à l'horizon 2030 en France par rapport aux besoins estimés du secteur. Cette situation résultera de la hausse du nombre de vétérinaires formés en France et du flux massif entrant de vétérinaires français formés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. Dans un tel contexte, la création de nouvelles écoles vétérinaires dans l'Hexagone ne peut plus être justifiée par l'argument du manque d'effectifs vétérinaires.

Alors qu'une pénurie de praticiens vétérinaires est observée depuis plusieurs années en France, les résultats d'une « mission d'étude sur la démographie vétérinaire et d'expertise sur l'opportunité et la faisabilité de la création d'une sixième école vétérinaire », menée par le CGAAER*, ont été rendus publics le 4 décembre. Ils concluent notamment à un taux net excédentaire annuel de 500 à 600 vétérinaires praticiens, malgré des hétérogénéités régionales, à l'horizon 2030.

La mission conduite par notre confrère Jean-Pierre Orand et Grégoire Thomas avec l'appui de notre confrère Stéphane Martinot, tous trois inspecteurs généraux au ministère de l'Agriculture, visait notamment à analyser les projets de création de nouvelles écoles vétérinaires annoncés.

Pour ce faire, elle a d'abord examiné la démographie vétérinaire actuelle et future, en s'appuyant sur ses propres enquêtes et échanges ainsi que sur les données de l'Observatoire national démographique vétérinaire, des écoles et les études prospectives de l'Ordre national des vétérinaires.

« À l'heure actuelle en France, un déficit entre l'offre de vétérinaires diplômés et le besoin de recrutement est observé et surtout ressenti pour le secteur des vétérinaires praticiens dans le monde rural et de l'élevage », notent les auteurs.

De plus en plus d'étudiants français formés à l'étranger

Leurs analyses montrent que le nombre d'étudiants vétérinaires entrant en école vétérinaire en France a progressé de 75 % depuis 2017 par l'accroissement des effectifs dans les quatre écoles publiques auxquelles s'ajoute désormais une cinquième école privée. A horizon 2030, les écoles publiques et l'école privée « produiront » ainsi quelque 820 diplômés par an.

Parallèlement, les auteurs de la mission observent que le phénomène déjà ancien de recours aux études vétérinaires proposées dans l'Union européenne « s'avère en forte accélération depuis quelques années entraînant un flux massif de diplômés rentrants en France pour exercer ».

Selon une enquête qu'ils ont menée sur les motivations de ces étudiants français se formant à l'étranger, ce flux n'est pas près de se tarir, le choix de partir à l'étranger résultant avant tout du niveau de sélection important exigé en France pour intégrer une école vétérinaire, qu'elle soit nationale ou privée.

La mission estime qu'entre 800 et 950 étudiants sont ainsi formés à l'étranger dans 16 Etats membres de l'Union européenne, principalement la Roumanie, l'Espagne, la Belgique et le Portugal.

A ce flux annuel désormais majeur, s'ajoute un certain nombre de diplômés de nationalité étrangère venant exercer en France, estimé à 200 vétérinaires chaque année.

Selon le rapport, ces deux chiffres combinés aux diplômés des écoles françaises, conduisent à estimer un flux annuel de 1 700-1 800 diplômés candidats à exercer la médecine et la chirurgie des animaux en France à horizon 2030 et au-delà. En outre, ce nombre risque encore d'augmenter dans les années suivantes si certains pays tels que l'Espagne et le Portugal poursuivent l'ouverture de nouvelles entités de formation vétérinaire le plus souvent privées.

Un besoin de diplômés estimé entre 1 200 et 1 400 par an

En regard, l'analyse prospective des besoins en recrutement de vétérinaires praticiens se stabilise, selon elle, entre 1 200 et 1 400, compte tenu des besoins liés aux départs en retraite, des sorties du tableau de l'Ordre des vétérinaires en reconversion, des nouveaux modes d'exercice et de l'évolution des soins aux populations animales urbaines et rurales.

L'analyse démographique permet de conclure à un taux net excédentaire de 500 à 600 vétérinaires praticiens par an à l'horizon 2030, ce qui impose de réfléchir à une future diversification des débouchés, les auteurs du rapport citant « les métiers de la recherche, la santé publique vétérinaire ou l'industrie (pharmaceutique ou agro-alimentaire) ».

Compte tenu de ces prospectives démographiques, « la réflexion quant à l'opportunité et la faisabilité de la création d'école vétérinaire en France n'est pas liée à un besoin accru de diplômés mais se base sur une question de choix politique de renforcer la souveraineté de la France dans la formation des vétérinaires, déjà en partie assurée par le plan de soutien en cours » dans les écoles nationales vétérinaires, souligne la mission.

Plusieurs projets de nouveaux établissements

Elle fait état de plusieurs projets de nouveaux établissements avec des atouts et des points de faiblesse pour chacun. Ainsi, le projet de nouvelle école publique à Limoges, qui est porté par la région Nouvelle-Aquitaine, bénéficie d'un appui politique régional marqué et d'efforts d'attractivité du territoire. Des faiblesses en termes de portage institutionnel conforme au Code rural et de la pêche maritime, de projet pédagogique et technique et de modèle économique sont cependant relevées.

Les autres projets concernent des écoles privées : celui, très élaboré, de l'EI Purpan en Pays Basque et celui, embryonnaire, de Metz en Grand Est.

« En ce qui concerne la création de nouvelles écoles, il s'agit d'un choix politique spécifique de développement et d'éventuelle souveraineté nationale pour lequel la mission émet des conditions structurelles, techniques et pédagogiques incontournables, justifiant les moyens supplémentaires qui seraient à déployer », préviennent les auteurs du rapport.

Besoin d'attractivité des zones rurales

Quels que soient les choix futurs les concernant, la mission recommande fortement de « consolider » le plan de renforcement des écoles nationales vétérinaires existantes au-delà de 2026 (une 2e tranche conditionnelle du plan au-delà de 2026 non encore traduite budgétairement vise à aboutir à 200 étudiants par promotion au lieu de 180 à la rentrée 2025).

Elle relève aussi que « le besoin subsistant de renforcer la population de vétérinaires praticiens et/ou leur installation en zone rurale ne dépend pas uniquement du nombre de jeunes vétérinaires, ni de la localisation d'une nouvelle école, mais d'un plan d'ensemble multifactoriel, d'attractivité, déjà initié dans un certain nombre de régions ».

Enfin, afin d'apporter un soutien aux étudiants faisant leurs études vétérinaires en Europe, la mission recommande d'étudier la faisabilité et l'opportunité d'accompagner ces étudiants français partis à l'étranger avec un système de bourses sociales, dès lors que leurs études sont faites dans des établissements accrédités de l'Union européenne. Sur les 27 écoles ou universités identifiées, 6 n'ont pas fait l'objet d'une accréditation européenne, essentiellement au Portugal pour des établissements ouverts récemment.

Encore plus d'infos !

Le rapport du CGAAER est en ligne

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

>> LIRE AUSSI : « Cet excédent ne résoudra pas le problème du maillage vétérinaire en zone rurale »

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1732

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