Démographie vétérinaire à horizon 2030 : « L'excédent ne résoudra pas le problème du maillage vétérinaire en zone rurale »

Jean-Yves Gauchot est président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France.

© Jacques Graf

Interrogé sur l'excédent annuel de 500 à 600 diplômés vétérinaires à l'horizon 2030 annoncé par un rapport du CGAAER* publié le 4 décembre, le président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF) prévient que cet excédent ne résoudra pas le problème du maillage vétérinaire en zone rurale, celui-ci étant davantage dépendant de facteurs économiques et d'attractivité des territoires. Dans un tel contexte, l'intérêt de créer de nouveaux établissements d'enseignement vétérinaire s'évanouit. Il faut également travailler à la diversification des débouchés : la FSVF organise un séminaire syndical le 15 janvier prochain sur le cursus et la formation des vétérinaires à l'école vétérinaire d'Alfort.

La Dépêche Vétérinaire : Un rapport du GGAAER* prévoit un excédent annuel de 500 à 600 diplômés vétérinaires à l'horizon 2030. Que vous inspire cette perspective dans le contexte actuel de pénurie de main d'oeuvre vétérinaire ?

Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF) : Nous avons désormais un outil de suivi prospectif (l'Atlas démographique vétérinaire NDLR). Il y a d'ailleurs, dans le rapport, une information erronée à ce sujet : c'est l'ensemble de la profession (FSVF, Avef**, Afvac***, SNGTV****, Cnov*****) qui a financé cet outil issu d'une mission confiée au consultant Phylum. La Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) y avait également financièrement participé, preuve si besoin en était de l'attente d'un tel outil de pilotage.

Je partage les conclusions des rapporteurs. Cet excédent viendra combler dans un premier temps le déficit actuel, déficit dont on ne sait pas évaluer précisément le niveau. Par ailleurs, cet excédent permettra sûrement d'orienter des vétérinaires vers des voies autres que la pratique et, en tant que président de la FSVF, soucieux de l'influence de la profession vétérinaire au bénéfice des attentes sociétales, je me réjouis que nous ayons un vivier de vétérinaires pour combler les attentes des secteurs de la recherche vétérinaire, de l'industrie, de la santé publique vétérinaire, de l'agro-écologie. Le rapport montre d'ailleurs que quitter le tableau de l'Ordre n'est pas quitter la profession et cela donne de la perspective.

Par contre, cet excédent ne résoudra pas le problème du maillage vétérinaire en zone rurale peu dense en élevage car, dans ces zones, c'est un sujet de modèle économique, d'attractivité des territoires et de formations des jeunes vétérinaires aux enjeux de l'élevage de demain (transition agro-écologique, biodiversité...).

D.V. : Dans un tel contexte, est-il opportun selon vous de soutenir la création de nouvelles écoles en France ?

J.-Y.G. : La réponse est dans la question. Je suis d'ailleurs étonné du soutien du président du Sénat au projet de l'école de Metz. La mission identifie bien ce que nous savions, qu'il y a des étudiants qui font le choix délibéré de se former à l'étranger.

Il y a cependant un sujet à réfléchir comme le projet d'un cursus pédagogique public, centré sur la formation à la santé globale (Une seule santé) et les productions animales, d'une 6e année dans une région comme la Nouvelle-Aquitaine (Limoges). La difficulté d'un tel projet est, au-delà du fond pédagogique à construire avec les autres écoles nationales vétérinaires (ENV), de ne pas fragiliser le modèle économique déjà très fragile de nos 4 ENV.

On a d'ailleurs fait part de nos craintes auprès du ministère pour ne pas réduire le plan de renforcement promis et, même avec un tel plan de renforcement, nos ENV auraient besoin de plus. Le plan de renforcement des ENV promis par l'Etat est non tenu à ce jour.

On doit souligner que les missionnaires recommandent de sécuriser ce plan en prévision d'augmentation des effectifs au sein des ENV.

D.V. : Comment doit-on se préparer à l'arrivée d'ici quelques années de cet excédent de diplômés dans le secteur vétérinaire ?

J.-Y.G. : Cela va être le travail des syndicats et moins de l'Ordre.

On peut dresser quelques pistes : se donner les moyens de renforcer l'attractivité des postes de recherches, de santé publique vétérinaire, dans l'industrie pharmaceutique mais aussi agro-alimentaire, dans l'agro-écologie.

Je note que nos confrères spécialistes déplorent leur faible nombre : il y a donc de la marge. Le rapport note qu'en France, nous sommes à 0,29 vétérinaire pour 1 000 habitants. En Allemagne, on est légèrement au-dessus de 0,40 : il y là aussi de la marge.

La FSVF organise un séminaire syndical le 15 janvier 2025 sur le sujet du cursus et de la formation de nos jeunes. Ce point sera largement au centre de nos débats car l'adaptation aux enjeux de demain passe par une adéquation, et même plus, une symbiose entre les attentes du terrain et la formation initiale. Là est sans doute notre plus grand défi. L'histoire vétérinaire en France montre que la profession ne s'est pas suffisamment investie dans la formation initiale.

Côté pratique vétérinaire, la mission relève que la délégation d'acte prévue (certes en attente d'une stabilité gouvernementale), bien qu'elle ne soit qu'une régularisation de ce qui se fait en grande partie sur le terrain, permettrait d'augmenter la productivité et regrette que cette délégation n'aille pas plus loin. Il nous faudra être vigilants car une partie de la profession, face aux excédents démographiques, pourrait craindre la délégation. Ce serait une erreur à mes yeux.

On peut identifier également un risque de paupérisation d'une main d'oeuvre vétérinaire en surnombre et insuffisamment valorisée dans les chaînes.

Il nous faudra profiter de cette démographie excédentaire pour investir sur la formation autour des enjeux de demain. La mise en place d'un observatoire des métiers piloté par les syndicats, car transversal à l'ensemble des métiers vétérinaires, est sans doute à envisager.

Enfin, tout en s'assurant de l'enjeu de souveraineté française de la formation vétérinaire, le nombre de places dans nos ENV et dans l'école vétérinaire privée devra être adapté, le nombre total de diplômés vétérinaires étant augmenté de 75 % en 2030 par rapport à 2017.

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

** Avef : Association vétérinaire équine française.

*** Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

**** SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

***** Cnov : Conseil national de l'Odre des vétérinaires.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1732

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