Plainte pour harcèlement et sexisme : « L'ENVA s'en remet à la justice pour établir les faits dans leur intégralité »

Notre confrère Christophe Degueurce, directeur de l'ENVA, a annoncé le déploiement de nouvelles mesures de prévention.

© M.L.

Société

Interrogé sur le dépôt de plainte pour harcèlement et discrimination sexiste au parquet de Créteil, le directeur de l'école vétérinaire d'Alfort (ENVA), notre confrère Christophe Degueurce, déclare en avoir pris connaissance par voie de presse. Il rappelle que l'ENVA met en oeuvre des dispositifs destinés à accompagner les personnels et à traiter les signalements qui lui sont rapportés. Quant à la prévention du suicide, l'école a engagé, bien avant le rendu du rapport Truchot, un plan d'action en faveur de la santé mentale des étudiants.

La Dépêche Vétérinaire : Le parquet de Créteil enquête sur des faits de harcèlement moral et de discrimination sexiste de la part de la direction de l'école vétérinaire d'Alfort, notre consoeur Valérie Freiche étant à l'origine de la plainte. Comment réagissez-vous face à cette enquête ?

Christophe Degueurce, directeur de l'école nationale vétérinaire d'Alfort : L'école nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) a pris connais­sance des publications
de Radio France lundi 10 novembre 2025. Elle conteste les allégations et les insinuations qui y sont formulées et regrette profondément ce qu'elle perçoit comme une instrumentalisation d'événements tragiques, événements qui ont fortement marqué la communauté alforienne.

Nous n'avons pas connaissance de cette plainte, pour laquelle nous n'avons pas été contactés.

L'ENVA réaffirme son engagement constant en faveur du bien-être et de la santé mentale de ses étudiants et de son personnel. Je détaillerai cela dans mes autres réponses.

Nous apprenons ainsi, par voie de presse, qu'une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Créteil. L'école s'en remet naturellement à la justice pour établir les faits dans leur intégralité.

D.V. : Est-il exact que ces faits avaient déjà fait l'objet de signalements auprès du ministère de l'Agriculture ?

C.D. : Je reprends les termes de la dépêche AFP qui signale que le ministère a reçu « quatre signalements concernant l'école nationale vétérinaire d'Alfort ». « Dans trois cas, la cellule n'a pas constaté d'éléments systématiques caractérisant des cas de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d'agissements sexistes » et des enquêtes « ont montré que l'école vétérinaire et le ministère avaient pris les mesures de protection nécessaires, notamment au travers de réorganisations de service ». Enfin, « concernant un cas, au regard de la complexité de la situation, le ministère a confié une enquête administrative aux inspections générales ».

Pour répondre plus globalement, l'ENVA met en oeuvre des dispositifs destinés à accompagner les personnels et à traiter les signalements qui lui sont rapportés. Des enquêtes administratives ont été menées lorsque cela s'avérait nécessaire. Dès lors que les faits sont rapportés à une cellule de signalement, cela donne lieu à une procédure assortie d'actions ou d'audits et pouvant aller jusqu'à la sanction.

Par exemple, la direction a eu recours notamment à un cabinet extérieur spécialiste de ce sujet pour une situation lourde. Sans entrer dans les détails, la direction a conduit des actions déterminées afin de rétablir la situation.

Le harcèlement relevant d'un délit pénal, je prête une attention extrêmement forte à la chose et à la nécessité de faire la lumière sur ces situations, de les corriger si elles doivent l'être. Cela engage ma responsabilité personnelle.

Les dispositifs existent et sont de mieux en mieux identifiés et nous amplifions les actions de formation des agents, notamment à travers un cycle dédié aux managers et la sensibilisation à la lutte contre toute forme de discriminations et harcèlements. Nous travaillons à les rendre davantage identifiables. Tout est toujours perfectible.

D.V. : Un nouveau suicide chez une interne de 24 ans a eu lieu peu après la rentrée. Le rapport Truchot pointe des « difficultés sérieuses » sur la santé mentale des étudiants vétérinaires tout en soulignant que les écoles vétérinaires sont engagées dans la réponse à la situation. Quelles sont les mesures mises en place à l'école vétérinaire d'Alfort ?

C.D. : Quelques précisions sur cette question. Je conteste l'expression « un nouveau suicide ». Ce geste ne peut et ne doit pas être banalisé.

Son suicide, alors qu'elle commençait tout juste un internat à l'ENVA, a été un drame pour toute la communauté. C'est sans conteste le moment le plus difficile que j'ai eu à vivre au cours de mes neuf années de directorat. Nous pensons à ses proches.

Pour ce qui est du rapport Truchot et du plan d'action qui en découle, l'ENVA et les trois autres ENV n'ont pas attendu cette étude pour travailler sur le sujet. Nous avons constaté les effets de la période de la Covid-19 dans les semestres qui ont suivi les confinements et avons partagé une situation générale avec nos collègues européens. Cette étude nous l'avons voulue, organisée, animée, financée... et rendue publique afin que d'autres puissent s'en nourrir, comme nous nous tenons au courant d'autres travaux. Ce n'est pas une étude subie.

Elle venait à la suite de l'étude publiée sur le mal-être des vétérinaires et des études de Vétos-Entraide. Pourquoi avons-nous eu recours à cette nouvelle étude ? Car nous sommes en responsabilité et devons nous appuyer sur des études robustes du point de vue méthodologique. C'est pourquoi nous avons fait appel à une équipe réputée.

Rien que ça montre la gravité avec laquelle nous avons traité cette question.

Les résultats sont équivalents pour les 4 ENV, alors que les rythmes, les méthodes, les activités cliniques sont différents, et des résultats similaires sont issus d'autres filières, en France comme en Europe. Ceci plaide en faveur d'une dimension systémique mais qui doit être traitée à l'échelle des établissements puisque les leviers sont locaux.

Bien sûr, compte tenu de ces publications aux résultats proches, nous n'avons pas attendu la publication du rapport pour engager des actions (réformes du cursus, formations des managers, renforcement de l'accompagnement par des psychologues, partenariat avec NightLine, plans de prévention, recrutements, requalification des lieux dédiés à l'enseignement et à la vie étudiante...).

En lisant l'étude, on identifie trois stresseurs principaux : la charge de travail ; les relations pédagogiques ; les difficultés financières. Et trois ressources majeures : la vie sociale et associative ; les relations pédagogiques ; les capacités personnelles.

Dorénavant, nous allons, en plus de ce que nous avons déjà fait :

- déployer un nouveau plan de prévention sur la santé mentale, les addictions révélées par l'enquête Truchot, la nutrition et la lutte contre les discriminations ;

- former les personnels à la détection des atteintes à la santé mentale ;

- mettre en place un suivi longitudinal de l'état de santé mentale de nos étudiants afin d'évaluer et d'ajuster l'efficacité des actions engagées ; cette dernière démarche est actuellement en cours d'élaboration en collaboration avec le Pr Truchot.

Nous sommes extrêmement attentifs à cette question, d'où l'initiative prise par les ENV de cette étude Truchot et des actions déjà engagées.

Que cela soit imparfait, je l'entends. Tout est améliorable, perfectible mais nous progressons.

Laisser entendre le contraire était factuellement mensonger.

Encore plus d'infos !

Réaction des ENVF suite au rapport Truchot : ici , et détail du plan d'action engagé par l'ENVA : ici.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1773

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