Maillage vétérinaire en territoires ruraux : un arrêté, des avancées et des travaux à poursuivre

Le dispositif de stage en tutorat de 18 semaines pour des étudiants vétérinaires dans des cabinets vétérinaires en zones rurales doit être poursuivi grâce au soutien de l'Etat et des collectivités territoriales grâce aux dispositions de la loi DADDUE et ses textes d'application.

© David Quint

Valérie DUPHOT

Exercice

Un arrêté du 8 novembre relatif à la désignation de zones caractérisées par une offre insuffisante de soins et un suivi sanitaire insuffisant des animaux d'élevage, dans les zones rurales à faible densité d'élevages, matérialise l'avancée de la feuille de route pour le maintien du maillage vétérinaire dans les territoires ruraux. Le ministère de l'Agriculture a rencontré les organisations professionnelles, le 26 octobre, et rappelle les chantiers engagés et les réalisations concrètes.

L'arrêté du 8 novembre, publié au Journal officiel du 9 novembre, autorise désormais les collectivités territoriales et leurs groupements à soutenir financièrement les vétérinaires et les étudiants s'engageant à exercer auprès des animaux d'élevage dans certaines zones rurales qu'il désigne (zones éligibles, lire ci-après).

Cette avancée résulte de la loi DDADUE du 3 décembre 2020 (lire DV n° 1550) et de ses textes d'application. Deux décrets avaient été publiés au Journal officiel du 13 mai, précisant les modalités de ces aides à l'installation, l'un pour les vétérinaires et l'autre pour les étudiants (lire DV n° 1575).

Le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral se félicite de cette nouvelle avancée. Il attendait depuis longtemps des annonces vers les praticiens exerçant en zone rurale concernant le maillage territorial notamment (lire ci-après).

D'autres chantiers sont engagés, comme l'a rappelé le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, qui a rencontré, le 26 octobre, les organisations professionnelles vétérinaires et agricoles et les représentants des collectivités pour faire le point sur l'avancée de la feuille de route pour le maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux.

Cette réunion a permis de « saluer le travail collectif effectué et renouveler l'engagement et la mobilisation des différents acteurs dans la lutte contre la désertification vétérinaire ».

En 2017, le ministère de l'Agriculture s'est engagé en lien avec la profession agricole et vétérinaire dans une feuille de route pour le maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux. « Depuis, de nombreux chantiers ont été engagés en faveur de l'ancrage territorial des vétérinaires et de la transition numérique de l'élevage avec un certain nombre de réalisations concrètes à la clé », précise le ministère.

Depuis 2021, une voie post-bac permet le recrutement direct de 160 élèves dans les écoles vétérinaires.

Augmentation des effectifs étudiants

« Avec un cursus en école vétérinaire (EV) de 6 ans au lieu de 7 ou 8 ans par les autres voies de recrutement, ils entreront plus précocement sur le marché du travail pour répondre aux besoins du secteur. Pour accompagner l'augmentation de 35 % des effectifs étudiants en EV sur les 8 dernières années, les écoles vétérinaires se voient renforcées dans leurs moyens humains et financiers », explique le ministère.

« Le dispositif de stage en tutorat de 18 semaines pour des étudiants vétérinaires dans des cabinets vétérinaires en zones rurales, salué pour son efficacité quant à l'installation future des jeunes en milieu rural, doit être poursuivi grâce au soutien de l'Etat et des collectivités territoriales grâce aux dispositions de la loi DADDUE et ses textes d'application », annonce le ministère.

La publication d'un décret le 5 mai 2020 a autorisé la télémédecine vétérinaire à titre expérimental pour 18 mois.

Identifier des outils opérationnels

L'un de ses objectifs est de faciliter le travail des vétérinaires en milieu rural en limitant leur temps de déplacement. « Un nouveau décret va permettre de prolonger cette expérimentation pour mener en parallèle la réflexion sur le suivi sanitaire permanent des animaux par les vétérinaires avec les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires », annonce le ministère.

Une démarche a été lancée pour la réalisation en 2022 de six diagnostics territoriaux via un appel à projets multipartenarial financé par le ministère de l'Agriculture : « Ce dispositif à destination des acteurs locaux permettra de mettre en place une méthodologie de diagnostic territorial et d'identifier des outils opérationnels de lutte contre la désertification adaptés à la situation de chaque territoire ».

Poursuivre le travail commun

Les travaux du portail informatique Calypso accessible aux vétérinaires, destiné à répondre aux obligations de cession des antibiotiques et à faciliter le travail des vétérinaires sur le terrain et les échanges de données avec l'Etat, se sont poursuivis dans le respect de la loi sur la protection des données RGPD.

Ce projet, financé par les ministères de l'Agriculture et de la Fonction publique pour la première version du dispositif qui sera effective en 2023, bénéficie de crédits à hauteur de 4,5 millions d'euros.

Une plaquette sur les actions réalisées est disponible sur le site du ministère (https://urlzs.com/dGwqD).

Le ministère de l'Agriculture et les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires se sont engagés à poursuivre la mise en oeuvre de la feuille de route et travailler ensemble sur leurs sujets d'intérêt commun : la contractualisation, la délégation des actes vétérinaires, les tarifs de prophylaxie et le suivi sanitaire permanent.

Arrêté du 8 novembre : « Une partie de la solution mais restent l'amélioration de l'attractivité du métier et la reconnaissance du service rendu à la collectivité »

Notre confrère Laurent Perrin (président du SNVEL*) réagit à la publication de l'arrêté du 8 novembre relatif au soutien financier possible des vétérinaires et des étudiants pour exercer dans certains territoires ruraux. Il précise l'impact des annonces du ministère de l'Agriculture lors de la réunion du 26 octobre, qui vont dans le bon sens et matérialisent la prise en compte des problématiques vétérinaires par le ministre de tutelle.

La Dépêche Vétérinaire : Que pense le SNVEL* de l'arrêté du 8 novembre sur le soutien financier possible des vétérinaires et des étudiants s'engageant à exercer dans certaines zones rurales par les collectivités territoriales et leurs groupements ?

Laurent Perrin (président du SNVEL) : La possibilité d'octroi de ces aides fait partie de l'arsenal indispensable de soutien au maillage en zone rurale. Elle était souhaitée par les vétérinaires et les collectivités territoriales qui, proches du terrain, percevaient l'urgence de la situation.

C'est une partie de la solution, importante certes, mais la base reste l'amélioration de l'attractivité du métier sur le plan économique et la reconnaissance du service rendu à la collectivité (permanence et continuité de soins, garantie de la qualité sanitaire des aliments et du bien-être animal en élevage).

D.V. : La réunion du 26 octobre avec le ministre de l'Agriculture a-t-elle apporté des réponses concrètes et positives à d'autres problèmes rencontrés par la profession ?

L.P. : Le SNVEL attendait depuis longtemps des annonces vers les consoeurs et confrères exerçant en zone rurale. Le maillage est en souffrance et, à défaut de gages donnés à la profession, les abandons de l'activité auprès des productions animales se multipliaient.

Le ministère fait aujourd'hui des annonces précises : sur les stages tutorés, sur l'aide aux initiatives locales de diagnostics et d'action sur la présence vétérinaire, sur la télémédecine en la liant au travail sur le suivi sanitaire permanent, sur la mise en place du portail Calypso, sur le mandat sanitaire et cela, après l'annonce d'un plan de renforcement des écoles vétérinaires.

Tout cela va dans le bon sens et matérialise la prise en compte de nos problématiques par notre ministre de tutelle.

D.V. : Quel est l'avis du SNVEL sur l'impact de la télémédecine sur le travail du vétérinaire rural ?

L.P. : La télémédecine est un outil de choix dès lors qu'il s'inclut dans le suivi sanitaire permanent des élevages et ne s'y substitue pas. Elle est le complément du suivi de l'élevage en exploitation et en améliorera l'efficacité.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé, le 26 novembre, au ministère de maintenir en cohérence ces deux dossiers, la télémédecine et la réforme du suivi sanitaire permanent, qui doivent être traités simultanément. Cette demande a été entendue.

D.V. : Quelles réponses urgentes attend le SNVEL sur la contractualisation, la délégation des actes vétérinaires, les tarifs de prophylaxie et le suivi sanitaire permanent ?

L.P. : Sur le suivi sanitaire permanent, le point critique est l'indispensable lien à écrire dans les textes entre suivi sanitaire permanent et engagement à la permanence et continuité de soins. L'un ne peut aller sans l'autre sauf à nier la nécessité de la proximité entre l'éleveur et son vétérinaire.

Plus largement que les tarifs de prophylaxie, c'est le modèle de la rémunération du mandat sanitaire dans sa globalité qui est à repenser. L'engagement du vétérinaire à assurer les missions historiques confiées par l'Etat, mais aussi l'épidémiosurveillance et la garantie de la disponibilité lors de crises sanitaires, ne peut être rémunéré uniquement sur les actes réalisés dont le volume ne fait que se réduire du fait de l'amélioration de la qualité sanitaire du cheptel. Là aussi, une vraie contractualisation est à mettre en place.

Le travail sur la délégation d'actes au sein des établissements de soins vétérinaires doit aboutir pour permettre d'améliorer l'efficacité de nos entreprises.

Les projections sur le besoin en diplômes vétérinaires tenaient compte de la mise en place de cette délégation. Sans elle, les projections sont encore plus inquiétantes.

Sur la contractualisation entre l'éleveur et son vétérinaire, le dossier est ouvert depuis longtemps. Je souhaite que les travaux reprennent de façon constructive entre les parties prenante pour mettre en place un dispositif souple adaptable à toutes les situations.

Celui-ci ne doit pas être trop ambitieux car nous nous exposerions au risque d'échouer. Définir un socle de besoin commun à tous les éleveurs incluant la permanence et la continuité de soins, la réalisation du bilan sanitaire d'élevage et du protocole de soins, la télémédecine et le travail sur les données d'élevage dont l'échange doit être fluidifié et sécurisé serait un premier objectif.

Le développement de modules supplémentaires sur la reproduction, le suivi de l'alimentation, le bien-être animal et finalement proposer à certains le all inclusive permettrait de constituer un modèle où chaque binôme éleveur/vétérinaire trouverait la solution qui lui convient.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Gros Plan : Les zones éligibles

L'arrêté* du 8 novembre, publié au Journal officiel du 9 novembre 2021, fixe les zones éligibles à des aides délivrées par les collectivités territoriales ou leurs groupements à des vétérinaires, sociétés d'exercice vétérinaire ou étudiants vétérinaires exerçant auprès des animaux d'élevage.

Cet arrêté est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 10 novembre. Il s'appuie sur l'étude menée par l'école vétérinaire de Toulouse sur la densité des élevages et l'offre de soin associée dans les départements français pour définir les zones éligibles :

Auvergne-Rhône-Alpes

Bourgogne-Franche-Comté

Bretagne

Centre-Val de Loire

Corse

Grand Est

Hauts-de-France

Ile-de-France

Normandie

Nouvelle-Aquitaine

Occitanie

Pays de la Loire

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

* Arrêté du 8 novembre 2021 pris pour application de l'article L. 241-13 du code rural et de la pêche maritime et relatif à la désignation de zones caractérisées par une offre insuffisante de soins et un suivi sanitaire insuffisant des animaux d'élevage, dans les zones rurales à faible densité d'élevages.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1594

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