Homéopathie : l'Académie vétérinaire rend son avis

L'AVF insiste sur le fait qu'une communication institutionnelle apporte une information permanente sur la démarche scientifique, la médecine fondée sur les preuves et les médecines complémentaires.

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Maud LAFON

Thérapeutique

Dans un avis du 6 mai, publié le 14 juin 2021, l'Académie vétérinaire de France confirme l'inefficacité thérapeutique des préparations homéopathiques vétérinaires sur la base des études cliniques disponibles. L'exercice exclusif en homéopathie ne devrait notamment, selon elle, pas pouvoir être revendiqué par des vétérinaires. Des réserves sur l'efficacité attendue et consentement éclairé du propriétaire sont deux autres de ses recom­mandations en cas de recours à l'homéopathie.

Interrogée par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires « afin de savoir si l'homéopathie vétérinaire était compatible avec les exigences scientifiques de la pratique médicale des docteurs vétérinaires et avec les règles de bonnes pratiques professionnelles qu'ils doivent respecter » , l'Académie vétérinaire de France (AVF) a publié, le 14 juin, un avis adopté le 6 mai sur cette médecine alternative.

L'AVF propose par ailleurs d'apporter sa contribution à la réflexion sur l'homéopathie dans le champ de l'enseignement et la pratique de la médecine vétérinaire.

Son avis se base sur plusieurs observations : bases historiques et scientifiques de l'homéopathie, attentes sociétales vis-à-vis des médecines vétérinaires alternatives et complémentaires ; observation de résultats positifs des vétérinaires et des détenteurs d'animaux avec cette médecine ; devoir du vétérinaire de prendre des décisions médicales justifiées en combinant expérience personnelle et données scientifiques.

Transposition à l'animal

L'AVF constate que les fondements de l'homéopathie, qui reposent sur les trois théories historiques des similitudes, de l'infinitésimalité et de l'individualité, peuvent être remis en question en médecine vétérinaire pour plusieurs raisons : « sources scientifiques mal ou non définies et absence d'évolution notable au cours du temps » , transposition à l'animal de pathogénésies* déterminées essentiellement pour l'espèce humaine, approche individuelle non validée pour des lots d'animaux ou des troupeaux.

Elle précise que « ni en médecine humaine, ni en médecine vétérinaire, au stade actuel, les études cliniques n'apportent de preuves scientifiques suffisantes pour soutenir l'efficacité thérapeutique des préparations homéopathiques ».

Effet placebo

Ainsi, « chez l'Homme, l'effet placebo avec attente est la seule explication plausible, mais aussi suffisante, des effets de l'homéopathie en l'état actuel de la science, mais également des effets non spécifiques associés à tout acte thérapeutique » et « chez l'animal, l'effet contextuel est la seule explication plausible, mais aussi suffisante, des effets de l'homéopathie en l'état actuel de la science ».

L'AVF rappelle que « les préparations homéopathiques vétérinaires ont un statut règlementaire spécifique et, soit ne sont pas soumises à l'autorisation de mise sur le marché (AMM) prévue pour les autres médicaments (procédure d'enregistrement), soit peuvent obtenir une AMM sur le principe d'un usage revendiqué bien établi ne conduisant pas à l'apport d'études d'efficacité et de tolérance dans le dossier d'AMM » .

Etudes cliniques

Au vu de ces constatations, l'AVF émet une série de recommandations et appelle notamment à la mise en place d'études cliniques en lien avec les principes de la médecine fondée sur les preuves.

Elle souhaite que « la médecine vétérinaire conventionnelle soit définie comme une médecine fondée sur les faits et les preuves et ne soit pas qualifiée d'allopathique » et qu' « il soit réaffirmé que la médecine vétérinaire doit être avant tout globale et qu'en conséquence, le qualificatif de médecine vétérinaire holistique ne puisse être accaparé par des pratiques particulières  ».

Elle préconise que « l'homéopathie, en médecine vétérinaire, à l'instar de ce qui prévaut en médecine humaine, ne soit pas reconnue ni ne puisse être revendiquée actuellement comme une activité médicale vétérinaire exclusive » et appelle à une communication institutionnelle « sur la démarche scientifique, la médecine fondée sur les preuves et les médecines complémentaires, adaptée respectivement aux vétérinaires, au grand public et notamment aux détenteurs d'animaux ».

Attention à la perte de chance

Elle suggère aux vétérinaires homéopathes de prendre « pleinement conscience de l'engagement accru de (leurs) responsabilités en raison de l'absence actuelle de confirmation scientifique de l'efficacité » .

Le recours à des préparations homéopathiques devrait selon l'AVF faire l'objet d'un consentement éclairé et ne pas induire  « une perte de chance en retardant l'établissement d'un traitement reconnu efficace » .

Une prescription de préparation homéopathique devrait être « assortie, sur tout support adapté, d'une mention selon laquelle, en l'état actuel des connaissances, l'homéopathie vétérinaire relèverait d'un effet contextuel » et la dénomination « médicament homéopathique », être remplacée par celle de « préparation homéopathique » , avec, précisé sur l'étiquetage : « l'efficacité de la préparation n'a pas été démontrée selon les normes en vigueur » .

L'AVF recommande qu' « en médecine vétérinaire, aucun diplôme universitaire d'homéopathie ne soit délivré par les écoles et autres établissements publics, que la formation à l'homéopathie ne puisse s'effectuer que dans le cadre d'une formation prenant en compte les réalités de la démarche scientifique » . Des séminaires interdisciplinaires de réflexion sur les approches non conventionnelles devraient être proposés en écoles vétérinaires.

Thérapeutiques scientifiquement éprouvées

Elle préconise que « le Code de déontologie vétérinaire, dans une prochaine version, fasse explicitement référence, dans le paragraphe concernant l'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux, aux bonnes pratiques professionnelles fondées sur les preuves scientifiques et les données acquises de la science ».

Enfin, elle recommande que « l'attention soit attirée sur la difficulté représentée par l'injonction toujours faite aux éleveurs en agriculture biologique de recourir en priorité à des pratiques telles que l'homéopathie, alors que, dans tous les cas, avec le souci hautement légitime d'utiliser le moins d'intrants possible, l'injonction devrait être de recourir à des thérapeutiques scientifiquement éprouvées » .

Encore plus d'infos !

Site Internet : https://urlz.fr/fYoP.

* Ensemble des signes (ou symptômes) provoqués par l'expérimentation d'une substance sur plusieurs personnes censées être en bonne santé. 


Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1581

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