Covid-19 : risque faible de transmission entre humain et chat d'après une étude sur les animaux d'étudiants vétérinaires alforiens

Les animaux de l'étude vivaient en contact étroit avec des étudiants vétérinaires dont certains ont été atteints par le Covid-19.

© Veera-Adobe.com

Maud LAFON

Recherche

Alors qu'il a été démontré expérimentalement que le chat, avec le furet, est sensible au Sars-CoV-2, une récente étude réalisée sur des animaux appartenant à des étudiants de l'école vétérinaire d'Alfort, relativise cette sensibilité puisqu'aucun des animaux n'a été infecté par le virus malgré les contacts quotidiens intenses et répétés sur le campus. Ces résultats démontrent un taux de transmission du Sars-CoV-2 très faible (en dessous du nombre de reproduction de 1) dans des conditions naturelles entre les humains et les animaux de compagnie.

Pour clarifier le rôle des animaux de compagnie dans l'épidémie de Covid-19, une étude*, en attente de publication, a été réalisée à l'école vétérinaire d'Alfort (ENVA) sur 12 chiens et 9 chats vivant en contact étroit avec 20 étudiants, parmi lesquels 2 ont été testés positifs au Covid-19 et 11 des 18 autres ont montré des signes cliniques compatibles avec cette infection virale (fièvre, toux, anosmie...), entre le 25 février et le 18 mars.

Bien que quelques animaux aient présenté des signes cliniques compatibles avec une infection à coronavirus, aucun d'entre eux n'a été testé positif au Sars-CoV-2 par RT-PCR et aucun anticorps contre le virus n'a été détecté dans leur sang avec un test d'immunoprécipitation.

« Cette étude, rendue publique le 7 avril, s'inscrit dans le cadre d'un travail en cours à l'ENVA qui vise à préciser le statut sérologique des chats et des chiens en pleine épidémie de Covid-19 », précise notre confrère Marc Eloit, professeur de virologie à l'école, responsable du laboratoire de découverte d'agents pathogènes de l'Institut Pasteur et co-auteur de l'étude.

Cluster d'animaux d'étudiants

Ayant été informés de la présence d'étudiants malades et propriétaires d'animaux, les membres de son équipe ont travaillé rapidement sur ce cluster et ont publié les résultats en moins d'une semaine.

« Nous souhaitons aujourd'hui étendre nos investigations à une population d'animaux symptomatiques et avons fait appel, via la direction de l'ENVA, aux vétérinaires de la région parisienne pour qu'ils nous fassent part de leurs suspicions cliniques », ajoute Marc Eloit.

Les praticiens concernés sont invités à contacter notre consoeur Sophie Le Polder qui supervise le projet**.

Pour rappel, trois études principales concernant les animaux de compagnie et leur sensibilité au Covid-19 ont été publiées ou sont en cours de réalisation :

- une étude chinoise qui a rapporté, à Wuhan, jusqu'à 14 % de sérologie positive chez 102 chats testés*** ;

- une étude d'inoculation expérimentale du virus chez différentes espèces animales, qui a montré qu'expérimentalement, le chat (surtout dans leur jeune âge) et le furet étaient sensibles**** (lire DV n° 1524) ;

- les études en cours à l'ENVA.

Concernant celle qui vient d'être rendue publique, elle a été réalisée sur les animaux d'étudiants qui vivaient à leur contact étroit, dans des chambres de 12 à 17 m². Tous les chats dormaient avec eux et c'était le cas pour 33 % des chiens.

Contact étroit

La très grande majorité des étudiants acceptaient le léchage des mains et du visage par leurs animaux.

Tous les chats étaient des Européens, 6 chiens étaient de races croisées et les 6 autres, de race labrador, malinois, berger blanc suisse ou berger des Shetlands.

L'âge moyen était de 3,3 ans pour les chats et 2,7 ans pour les chiens.

Des signes respiratoires et digestifs ont été notés chez trois chats. Les autres animaux étaient asymptomatiques.

Les tests sérologiques ont été effectués, le 25 mars, chez les animaux. En parallèle, une série de 58 sérologies réalisées avant l'épidémie de Covid-19, entre octobre 2015 et octobre 2018, chez 51 chiens de 32 races différentes et 7 chats - 5 européens, 1 angora turc, 1 rex devon - a servi de témoin.

La recherche d'anticorps dirigés contre le Sars-CoV-2 a été effectuée sur les 79 sérums des deux cohortes en utilisant un test d'immuno-précipitation luciférase (LIPS) ciblant deux antigènes : le domaine S1 de la protéine Sars-CoV-2 Spike S et la partie C-terminale (résidus 233-419) de la nucléoprotéine N Sars-CoV-2.

Pas de différence significative

Aucun anticorps spécifique du Sars-CoV-2 n'a été détecté dans la cohorte d'animaux alforiens et aucune différence statistique significative n'a été constatée avec la cohorte « pré-épidémique ».

Par ailleurs, des écouvillons nasaux et rectaux ont été prélevés pendant une semaine, à partir du jour du prélèvement sanguin (25 mars) et se sont révélés négatifs chez tous les animaux alforiens par RT-PCR.

« Nous avons conclu qu'aucun des animaux inclus dans cette étude n'avait été ou n'était infecté par le Sars-CoV-2 malgré les contacts quotidiens intenses et répétés sur le campus et, plus encore, en dépit de contacts fréquents et durables avec les patients atteints de Covid-19 dans de petits espaces » , indiquent les auteurs.

Les auteurs expliquent la différence de résultats comparée à l'étude de séroprévalence féline chinoise*** par une charge virale potentiellement plus élevée chez les patients chinois ou des contacts plus fréquents avec des chats infectés.

Taux d'infection nul ou très faible

« Le faible nombre de chats de notre étude n'est cependant pas incompatible avec une séroprévalence de 10 % » , ajoute Marc Eloit.

Toutefois, quand, entre humains, la contamination entre une personne infectée et une personne saine est très rapide, cela ne semble pas, selon lui, être le cas entre un humain et un chat même si « cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de transmission ».

Ainsi, « malgré la sensibilité de certaines espèces animales révélée dans des conditions expérimentales qui font du chat juvénile, en particulier, un modèle potentiel de réplication du Sars-CoV-2, nos résultats étayent la preuve d'un taux d'infection par le Covid-19 nul ou très faible chez les chiens et les chats de compagnie, même en situation de contacts répétés et en proximité d'humains infectés. Cela suggère que le taux de transmission de Sars-CoV-2 entre les humains et les animaux de compagnie dans des conditions naturelles est probablement extrêmement faible, en dessous d'un nombre de reproduction de 1 » , concluent les auteurs.

Études en cours dans les écoles vétérinaires

Des études ultérieures de réplication virale sont encore nécessaires pour caractériser avec précision un rôle possible des animaux de compagnie, et en particulier des félins, en tant que vecteurs hôtes intermédiaires de Sars-CoV-2 dans différents contextes internationaux, en incluant des cohortes plus nombreuses et en étudiant le rôle de l'âge des animaux et de la charge virale.

Les écoles vétérinaires participent par ailleurs activement aux études sur le Covid-19. Les équipes de l'école vétérinaire de Toulouse sont investies, par exemple, dans le séquençage du génome complet du virus, en partenariat avec l'Inrae*****, l'Institut Pasteur de Paris et le laboratoire de virologie du CHU de Purpan, à Toulouse (Haute-Garonne), et d'autres projets de recherche sont en cours dans les quatre écoles.

* Absence of Sars-CoV-2 infection in cats and dogs in close contact with a cluster of Covid-19 patients in a veterinary campus, Sarah Temmam & al., Biorxiv, 7 avril 2020, doi : https://doi.org/10.1101/2020.04.07.029090.

** Courriel : sophie.lepoder@vet-alfort.fr.

*** Sars-CoV-2 neutralizing serum antibodies in cats: A serological investigation, Zhang, Q & al, BioRxiv, 1 er avril 2020, https://doi.org/10.1101/2020.04.01.021196.

**** Susceptibility of ferrets, cats, dogs, and different domestic animals to SARS-coronavirus-2, Jianzhong Shi & al, Biorxiv, 30 mars 2020, doi: https://doi.org/10.1101/2020.03.30.015347.

***** Inrae : Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

Envoyer à un ami

Mot de passe oublié

Reçevoir ses identifiants