Vétérinaires et ASV conscients des enjeux environnementaux en lien avec leur profession

Les participants se montrent particulièrement demandeurs d'informations sur l'écotoxicité des antiparasitaires et des antibiotiques vétérinaires en vue d'une utilisation plus raisonnée de ces molécules.

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Corinne DESCOURS-RENVIER

Enquête

Vétérinaires pour la biodiversité et Ecovéto ont publié, en novembre, les résultats d'une enquête conjointe sur les enjeux environnementaux associés à l'exercice de la médecine vétérinaire. Elle a permis de recueillir l'opinion des praticiens, des étudiants vétérinaires et des ASV sur des thèmes comme l'impact de leur activité sur la santé publique, l'alimentation durable ou la protection des écosystèmes. Cette première étude de grande ampleur montre que la majorité des professionnels de la santé animale est sensible aux thématiques proposées.

A l'occasion d'une webconférence organisée en novembre, l'association Vétérinaires pour la biodiversité (VPB) a présenté les résultats d'une enquête sur la perception des enjeux environnementaux liés à l'exercice de la médecine vétérinaire. Cette étude, menée en collaboration avec Ecovéto, s'inscrit dans le prolongement du Livre blanc publié en 2020 par le groupe de réflexion VetFuturs France1.

Au cours de l'enquête, qui s'est déroulée du 1er mars au 31 juillet, les deux associations ont recueilli 1 109 réponses. Les participants, 190 ASV, 212 étudiants vétérinaires et 707 vétérinaires, étaient invités à donner leur avis sur dix thèmes identifiés par VPB et Ecovéto comme pouvant avoir un lien avec leur activité professionnelle : biodiversité, climat, pollution (BCP)...2.

« C'est la première étude de cette ampleur portant sur la perception des enjeux environnementaux dans les structures vétérinaires », explique notre confrère Alain Moussu, président de VPB. « Elle montre que la majorité des professionnels de la santé animale est sensible aux thématiques proposées ».

Ainsi, vétérinaires, étudiants et ASV sont d'accord à plus de 85 % avec la première proposition portant sur la responsabilité environnementale des établissements de soins vétérinaires (ESV) : « Vétérinaires et ASV ont la responsabilité de reconnaître et de réduire les impacts environnementaux de leurs pratiques : consommation d'énergie, émissions de gaz à effet de serre, gestion des déchets, pollutions associées à notre exercice ».

Prise de conscience collective

De nombreux participants ont manifesté à cette occasion leur souhait d'améliorer la gestion des déchets dans leur structure. Une vingtaine d'entre eux envisagent même d'optimiser la performance énergétique des bâtiments ou d'installer des sources d'énergie renouvelable.

En ce qui concerne la deuxième proposition portant sur les systèmes alimentaires dura­bles (« L'activité vétérinaire a la capacité de soutenir des systèmes agricoles durables et résilients, qui garantissent la sécurité alimentaire et la stabilité financière des producteurs, tout en contribuant à l'atténuation et à l'adaptation au changement climatique, à la maîtrise des pollutions et à la protection de la biodiversité »), les trois groupes se positionnent favorablement à 80 %. Les participants estiment toutefois que les leviers d'action sont à rechercher davantage du côté des consommateurs et des politiques.

Alain Moussu souligne que la troisième proposition, qui traite de l'impact de l'activité vétérinaire sur la santé publique (« La protection de la santé publique est un objectif historique de la médecine vétérinaire. Cet objectif englobe la prise en compte de l'impact environnemental des animaux domestiques et concerne donc les maladies émergentes zoonotiques, les résistances aux antibiotiques et antiparasitaires, les pollutions des sols, de l'air et de l'eau »), est celle qui a recueilli le plus d'assentiment dans les trois groupes (plus de 95 % des réponses).

« La médecine vétérinaire est effectivement confrontée à un dilemme : assurer l'ensemble de ses missions sans impacter la santé publique », rappelle notre confrère. « Les résidus médicamenteux et les déchets de soins notamment constituent des sources de pollution potentielles ».

A ce titre, les participants se montrent particulièrement demandeurs d'informations sur l'écotoxicité des antiparasitaires et des antibiotiques vétérinaires en vue d'une utilisation plus raisonnée de ces molécules.

Rôle clé dans la protection des écosystèmes

Plus de 80 % des ASV, plus de 90 % des étudiants et jusqu'à 94 % des vétérinaires sont d'accord avec la quatrième proposition concernant la protection des écosystèmes (« Le Livre blanc énonce parmi ses conclusions : les dégradations de la biodiversité interpellent directement les vétérinaires et ils ont un rôle déterminant à jouer dans sa préservation »).

De nombreux participants voudraient même développer les partenariats avec des associations de protection de la nature ou des organismes publics comme l'Office français de la biodiversité pour se former de ce domaine.

Avec 90 % d'avis positifs, les répondants ont également manifesté leur intérêt envers le bien-être de la faune sauvage, considérée comme un cinquième enjeu (« La notion de bien-être des animaux sauvages est floue : ils doivent chaque jour subvenir à leurs besoins vitaux et éviter d'être prédatés, ils sont en mode survie. Toutefois, il est avéré que les conditions de vie des animaux sauvages sont souvent dégradées par les activités humaines et que des cruautés inutiles à leur égard sont encore autorisées par la loi. Garantes du bien-être animal, les professions vétérinaire et ASV sont concernées par les cruautés infligées aux animaux sauvages et par la dégradation de leurs conditions de vie »).

Ils soulignent en particulier l'urgence d'améliorer les conditions de prise en charge des animaux sauvages par les cliniques et les centres de soins, notamment au niveau financier.

Explorer les liens entre environnement et santé animale

Plus de 75 % des ASV et plus de 85 % des étudiants et des vétérinaires sont d'accord pour développer la recherche scientifique comme le suggère la sixième proposition (« L'exercice de la médecine vétérinaire s'appuie sur les connaissances établies par la recherche scientifique. Les liens avérés entre les paramètres BCP et la santé impliquent une nécessaire adaptation des pratiques médicales. Certains domaines de recherche sont encore peu étudiés en médecine vétérinaire comme les facteurs environnementaux dans les maladies chroniques et les cancers »).

Le concept Une seule santé3 gagnerait à être intégré à leur formation initiale selon plus de 80 % des ASV et plus de 90 % des vétérinaires et des étudiants ainsi qu'à leur formation continue pour plus de 90 % d'entre eux (septième enjeu : « La formation initiale des vétérinaires et des ASV doit préparer les actrices et acteurs de la santé animale à l'adoption de pratiques influencées par le concept Une seule santé. »/huitième enjeu : « La formation continue des vétérinaires et des ASV doit préparer les actrices et acteurs de la santé animale à l'adoption de pratiques influencées par le concept Une seule santé »).

Vétérinaires et ASV, médiateurs du vivant

Plus de 85 % des ASV et plus de 90 % des vétérinaires et des étudiants se perçoivent par ailleurs comme une source majeure d'informations pour leurs clients (neuvième enjeu : « Les vétérinaires et ASV sont en position idéale pour jouer une fonction médiatrice/vulgarisatrice/catalyseuse auprès de leurs clients en diffusant des informations sur la possession responsable d'animaux de compagnie, sur des pratiques agricoles durables, sur les enjeux de biodiversité, sur l'utilisation raisonnée des médicaments vétérinaires (par exemple antibiotiques et antiparasitaires), sur l'impact des polluants environnementaux sur les trois santés (perturbateurs endocriniens, modification des microbiotes...) »).

Les ASV, en particulier, sont décrits comme étant au coeur de la communication auprès du grand public.

C'est finalement la dixième proposition (« À l'instar d'autres enjeux à caractère éthique, l'engagement de l'ESV en regard des enjeux BCP pourrait être mis en valeur auprès des clients et autres parties prenantes grâce à une communication/labellisation dédiée ») qui recueille la plus faible proportion d'adhésions dans les trois groupes avec 64 % à 74 % d'avis positifs seulement.

L'idée d'un label Une seule santé en particulier rencontre un succès mitigé en raison de la complexité logistique de ce type de labellisation et des risques de greenwashing.

« Malgré certains biais dans le recrutement des participants, qui s'est fait via les réseaux sociaux et la presse professionnelle, l'étude présentée ici révèle donc une prise de conscience des enjeux environnementaux au sein des établissements vétérinaires », se réjouit Alain Moussu.

Encore plus d'infos !

L'étude en ligne : www.vpbiodiv.com/rapport-enquete-vpb-ecoveto-enjeux-bcp

1 A l'initiative du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires et du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

2 Interprétation numérique des résultats réalisée par Hex Data.

3 Qui met en lumière les interconnexions entre santés humaine, animale et écosystémique.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1777

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