BI Journée mondiale des vétérinaires

Usage des anesthésiques alpha2-agonistes chez le spitz nain : pas de contre-indication particulière chez les chiens en bonne santé

Compte tenu de leur faible poids corporel, le risque de surdosage est majoré dans les races naines.

© Birute Vijeikiene-Adobe

Jacques BIETRIX

Elisabeth BEGON

Flore DEMAY

Sylviane LAURENTIE

Département inspection, surveillance du marché et pharmacovigilance Anses-ANMV

Pharmacovigilance

Suite à la circulation, dans les milieux impliqués dans l'élevage et/ou le soin des chiens de race spitz nain (loulou de Poméranie), de documents faisant état de contre-indications possibles à l'usage des alpha2-agonistes chez ces animaux, l'Anses-ANMV* fait le point sur les données disponibles en pharmacovigilance et revient sur certaines recommandations essentielles en anesthésiologie. Aucune donnée bibliographique ou de terrain ne permet de suspecter une sensibilité particulière des chiens de race spitz aux alpha2-agonistes.

En 2020, plusieurs vétérinaires praticiens et propriétaires de chien de race spitz nain (loulou de Poméranie) ont pu être confrontés à une information - relayée notamment sur les réseaux sociaux - faisant état de la contre-indication de l'usage des alpha2-agonistes (médétomidine en particulier) chez ces animaux, en raison de la sensibilité particulière de cette race vis-à-vis de l'hypotension engendrée par cette classe de médicaments.

Toutefois, l'Anses-ANMV* tient à souligner qu'il n'existe, à ce jour, aucune donnée scientifique permettant d'étayer ce risque particulier.

Même si un certain nombre d'effets indésirables, impliquant entre-autres des alpha2-agonistes, sont régulièrement portés à la connaissance de l'agence, l'analyse des données disponibles à ce jour ne permet en aucune manière d'objectiver une symptomatologie particulière ou une fréquence plus élevée de ces incidents chez les chiens de race spitz.

Bilan des déclarations

Un bilan des déclarations de pharmacovigilance enregistrées dans la base de données de l'ANMV impliquant les chiens de race spitz a ainsi été réalisé. Sur les 20 dernières années, un seul cas d'effet indésirable concernant l'usage d'un alpha2-agoniste (xylazine) est rapporté chez un chien de race spitz nain et rapporte de la difficulté au réveil avec désorientation et troubles nerveux suite à un surdosage de xylazine et de kétamine.

A titre de comparaison, sur la même période, 759 déclarations d'effets indésirables ont concerné l'utilisation d'alpha2-agonistes chez les chiens toutes races confondues.

Une recherche similaire dans la base de données Eudravigilance (qui recense a minima tous les cas graves déclarés dans le monde) a permis d'identifier 16 autres cas d'effets indésirables (14 graves et 2 non graves) en lien avec l'utilisation d'alpha2-agonistes chez des chiens de race spitz nain, avec des signes cliniques déclarés similaires à ce qu'on retrouve dans les autres races (apnée, bradycardie, arrêt cardiaque, décès, troubles neurologiques ou digestifs). L'utilisation concomitante d'autres médicaments est rapportée dans la grande majorité des cas.

A titre de comparaison, sur la même période, 3 292 déclarations d'effets indésirables ont concerné l'utilisation d'alpha2-agonistes chez les chiens toutes races confondues.

Enquête européenne

Une enquête a également été réalisée auprès de l'ensemble des autorités compétentes de l'Union européenne (UE) pour savoir si des informations relatives à l'usage des alpha2-agonistes chez les chiens de race spitz (publications, signaux de pharmacovigilance, données issues de rumeurs ou de réseaux sociaux) étaient disponibles dans les autres pays de l'UE. Dix-neuf pays ont répondu à l'enquête. Les résultats de cette enquête n'ont pas permis de mettre en évidence de rumeur similaire dans les autres pays de l'UE, ni de publication (scientifique ou autre) faisant état de ce risque particulier dans ces pays.

Enfin, après consultation de la bibliographie disponible sur le sujet et avis de différents experts et vétérinaires spécialistes en anesthésiologie, il apparaît qu'aucune donnée bibliographique ou de terrain ne permet de suspecter une sensibilité particulière des chiens de race spitz aux alpha2-agonistes. Cependant, comme tous les chiens de petit gabarit, un risque d'hypothermie doit être pris en compte lors de l'anesthésie de ces animaux1, l'hypothermie pouvant conduire à des bradycardies sévères susceptibles de majorer significativement la mortalité péri-anesthésique quelle que soit la race ou les médicaments anesthésiques utilisés.

De même, compte tenu de leur faible poids corporel, le risque de surdosage est majoré dans les races naines et des précautions doivent être prises (comme la pesée précise des animaux) pour l'éviter.

Prédisposés à certaines anomalies

Les spitz nains sont également prédisposés à certaines anomalie trachéales (collapsus trachéal) 2 ou cardiaques (persistance de canal artériel, tétralogie de Fallot, sick sinus syndrome) 3 qui sont susceptibles d'augmenter le risque anesthésique. Ces maladies doivent être surveillées et prises en compte dans l'élaboration du protocole anesthésique le cas échéant.

Enfin, un respect des bonnes pratiques anesthésiques et des conditions d'utilisations des médicaments employés, telles que mentionnées dans leurs RCP, reste essentiel pour garantir une bonne sécurité d'utilisation des anesthésiants vétérinaires quels que soit les médicaments utilisés.

Pour déclarer un effet indésirable chez l'animal suite à l'utilisation d'un médicament vétérinaire : https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr/

* Anses-ANMV : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail-Agence nationale du médicament vétérinaire.

Bibliographie :

1 Warne, L.N., et al., Standards of care, Anaesthesia guidelines for dogs and cats.Aust Vet J, 2018. 96(11): p. 413-427.

2 Reynier, F. and J. Hernandez, Traitement du collapsus trachéal : une nouvelle technique disponible.L'essentiel, 2008(89): p. 21-24.

3 Parker, H.G., K.M. Meurs, and E.A. Ostrander, Finding cardiovascular disease genes in the dog. J Vet Cardiol, 2006. 8(2): p. 115-27.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1577

Envoyer à un ami

Mot de passe oublié

Reçevoir ses identifiants