Universités du SNVEL : à la recherche du bien-être du monde vétérinaire
Mercredi 3 Avril 2024 Vie de la profession 50383Les participants ont pu suivre une visite guidée de l'école vétérinaire de Toulouse qui fête cette année ses 60 ans.
© Françoise Thomas-Toufayan
Maud LAFON
Événement
Poursuivant leur tour de France des écoles nationales vétérinaires, les Universités de printemps du SNVEL* se sont déroulées les 21 et 22 mars, à l'école vétérinaire de Toulouse. Le thème « Véto et heureux », au travers de nombreuses interventions, a donné aux participants les clés d'une vie professionnelle épanouie.
Contrer la sinistrose et donner au vétérinaire les clés d'un modèle heureux a servi de fil directeur aux Universités de printemps du SNVEL*, les 21 et 22 mars. Après Oniris en 2022 et VetAgro Sup l'an dernier, c'est l'école vétérinaire de Toulouse qui a accueilli ce rendez-vous annuel prévu à l'école vétérinaire d'Alfort l'an prochain.
Sous le soleil midi-pyrénéen, les 130 participants, étudiants et professionnels (vétérinaires et partenaires du SNVEL et de la profession) ont assisté aux conférences et ateliers dont l'un des objectifs rappelés par notre confrère Laurent Perrin, président du SNVEL, est de « retisser du lien entre la formation universitaire et le terrain ».
Notre consoeur Françoise Bussiéras et Anne Daumas, respectivement secrétaire générale et directrice du SNVEL, ont introduit les conférences en précisant la notion de QVCT pour Qualité de vie et conditions de travail, un des piliers de la responsabilité sociétale et environnementale, nouveau leitmotiv des entreprises, dont le volet social est au moins aussi important que le côté écologique.
Santé mentale des équipes
« Qualité de vie au travail (QVT) et QVCT sont des notions qui ont émergé quand on commençait à évoquer la santé mentale des équipes. La QVT a été définie dans un accord national interprofessionnel de 2013 et la QVCT a été abordée dans un second accord signé en 2020 », ont rappelé les intervenantes.
Les deux désignent des démarches individuelles et collectives mises en place par les entreprises et axées autour d'une même ambition : améliorer la santé des collaborateurs et la performance des entreprises.
Des outils de diagnostics globaux ont été mis en place au sein de la profession - baromètres et initiative Vigie Veto (lire ci-après) - et des outils sont disponibles pour les vétérinaires (webinaire sur le droit à l'erreur, ressources en ligne...) et s'articulent autour de plusieurs thématiques : dialogue professionnel et social, organisation du travail, santé au travail, compétence et parcours professionnel, égalité au travail, management et projet social de l'entreprise (lire ci-après).
Co-construction d'une bonne ambiance
« La bonne ambiance dans une entreprise ne se décrète pas. Elle naît d'une co-construction avec des démarches adaptées à la taille des structures », a insisté Françoise Bussiéras en mettant en avant la notion de méthode qui doit prévaloir.
Les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires sont eux aussi partie prenante dans cette évolution sociétale et Julie Membot, responsable RSE chez MSD Santé animale, a présenté le baromètre mis en place par son laboratoire aux Etats-Unis pour aider à évaluer l'état de santé, de bien-être et de santé mentale des vétérinaires.
Les deux dernières enquêtes menées dans le cadre de ce baromètre l'ont été en octobre et novembre 2023 auprès de 4 700 vétérinaires et, en septembre et octobre 2023, auprès de 2 271 membres d'équipes vétérinaires.
« Les résultats sont satisfaisants et montrent une réelle progression du taux de bien-être et de satisfaction par rapport à la précédente enquête de 2021 », a constaté notre consoeur. Ainsi, 94 % des vétérinaires américains sont fiers de leur métier et 74 % sont satisfaits de leur carrière.
Un segment à surveiller est celui des jeunes vétérinaires qui connaissent un facteur de risque supplémentaire aux Etats-Unis : l'endettement.
Déclinaison française du baromètre MSD
Le laboratoire a décliné ce baromètre en France avec une première édition en 2021 ayant reçu 1 181 réponses, soit 4 % des vétérinaires et auxiliaires vétérinaires du pays. Ses résultats permettent de souligner les trois défis majeurs auxquels doit faire face la profession : la pénurie de vétérinaires et de personnel, leur niveau de stress, la charge de travail écrasante.
Des différences existent entre la perception des vétérinaires et celle des auxiliaires vétérinaires, les premiers étant plus soucieux de l'équilibre vie professionnelle/vie personnelle et la peur de l'erreur tandis que les seconds mettent en avant l'enjeu de la rémunération, de la reconnaissance et le plan de carrière.
Le lancement de la deuxième vague du baromètre français est en cours.
Pour approfondir davantage le ressenti des auxiliaires vétérinaires, notre confrère Théo Delsarte a présenté les résultats d'un autre questionnaire diffusé, avec le soutien de La Dépêche Vétérinaire, dans le cadre de sa thèse d'exercice ciblant la QVT des auxiliaires vétérinaires (AV, qui englobent également les ASV) (lire DV n° 1669).
Constat moins pessimiste en France pour les AV
Au Royaume-Uni, 54 % des AV souhaitent quitter leur poste dans les deux années à venir. Les réponses obtenues par notre confrère témoignent d'un constat moins noir en France même si certains items restent inquiétants : 44 % des AV ressentent un stress dans leur clinique, la reconnaissance par le vétérinaire n'est bonne que pour 58,5 % des interrogés (or c'est elle qui influence le plus la QVT), la répartition de l'intensité du travail dans la journée est mauvaise pour plus d'un AV sur deux, le conflit est fréquent pour 51 % des AV, 87,4 % déclarent recevoir un salaire insuffisant, etc. En France, 32,2 % des AV envisagent de quitter leur poste dans les 5 ans à venir.
La bonne conciliation vie privée-vie professionnelle a été illustrée à l'échelle de l'étudiant par l'exemple de notre consoeur Amélie Mugnier qui a réussi à évoluer en rugby à haut niveau tout en bouclant son cursus vétérinaire, aménagé spécialement.
Les moments conviviaux ont jalonné ces universités avec notamment, le 21 mars, une visite guidée de l'école vétérinaire de Toulouse, qui fête cette année ses 60 ans, suivie d'un dîner au Stade toulousain, haut lieu du sport national de la région, le rugby.
Actualité syndicale
L'après-midi du dernier jour des universités a été consacré à l'actualité syndicale avec une présentation, par notre confrère David Quint, vice-président du SNVEL, des évolutions concernant la délégation des actes, l'indépendance et la rémunération du mandat sanitaire. Le matin, une restitution des ateliers tenus la veille a été effectuée (lire ci-après).
En conclusion de ces journées, Laurent Perrin a invité les participants à la prochaine édition des universités, au printemps 2025, à l'école vétérinaire d'Alfort. ■
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
Gros Plan : Des outils dédiés
Grilles d'évaluation, outils informatiques, baromètres : les outils d'évaluation du bien-être en entreprise vétérinaire sont nombreux. Certains d'entre eux ont été présentés à l'occasion des Universités du SNVEL*, le 22 mars, à l'école vétérinaire de Toulouse.
Elément de réponse au thème choisi cette année pour les Universités de printemps du SNVEL*, être heureux en étant vétérinaire, plusieurs outils applicables aux structures vétérinaires ont été présentés par les intervenants.
Notre confrère Grégory Santaner, vétérinaire en clientèle en tant que manager, fondateur et gérant de VetoNetwork, a ainsi exposé certains des outils quantitatifs et qualitatifs qu'il met en place dans ses propres cliniques Anicoon pour suivre le moral de son équipe.
Il utilise trois grilles pour trois usages : une grille de préparation d'entretien individuel, une grille d'évaluation du moral et une centrée sur l'évaluation de l'équipe par rapport aux valeurs de la clinique.
Briefing matinal réalisé par un ASV, réponse aux demandes d'évolution du personnel, définition de valeurs propres à la structure, réalisation d'entretiens annuels font partie des solutions qui permettent de regonfler le moral des équipes.
Projet Motivet
Un futur outil élaboré par cinq étudiants lors des Hackavet 2023 a été présenté par Maël Del Tenno, étudiant en A3 à l'école vétérinaire d'Alfort : le projet Motivet.
Accessible depuis les logiciels de clinique, cet outil présente deux espaces : un espace baromètre doté de 16 questions visant à évaluer mensuellement le bien-être de l'équipe de la clinique et un espace sur lequel les clients de la clinique peuvent laisser anonymement des compliments. Les résultats du questionnaire d'évaluation du bien-être permettent de calculer un score individuel et collectif et de proposer des aides adaptées à ces scores dans une démarche proactive. Les étudiants ont déposé l'idée et travaillent actuellement sur un algorithme qui permettra notamment de filtrer les messages positifs des clients.
Anne Daumas, directrice du SNVEL, a présenté un autre baromètre de santé globale en cours de diffusion auprès des vétérinaires libéraux adhérents au SNVEL : le baromètre Amarok. « La santé de l'entrepreneur est le premier capital immatériel d'une PME », a-t-elle insisté.
But scientifique et sociétal
L'observatoire Amarok, association à but scientifique et sociétal centrée sur le dirigeant d'entreprise, examine les facteurs pathogènes (stress, surcharge de travail, solitude, incertitude) et salutogènes (être maître de son destin, endurance, optimisme...) de l'entrepreneur pour calculer un indice moyen de satisfaction là encore à l'échelle individuelle mais aussi à celle d'une population.
Une première vague de ce baromètre a été envoyée en octobre et une seconde est en cours. « L'objectif est de mettre en place un baromètre qui mesure régulièrement la santé globale des adhérents du SNVEL. C'est le vétérinaire qui définit lui-même les facteurs positifs et négatifs pour lui », a expliqué la directrice du SNVEL.
L'analyse de la première vague de réponse a montré une balance positive dans deux tiers des cas. Les trois principaux éléments salutogènes par ordre d'importance sont la satisfaction de la clientèle, la bonne implication du personnel et la bonne entente avec les associés. Du côté des agents de stress, le podium est constitué par la surcharge de travail suivie des impayés et des absences du personnel. M.L.
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
Gros Plan : Des ateliers en lien avec l'exercice vétérinaire
Dans le cadre des Universités de printemps du SNVEL*, à Toulouse, l'après-midi du 21 mars a été consacré à 7 ateliers en lien avec l'exercice vétérinaire. Leur restitution a eu lieu le lendemain et a permis de dégager quelques idées fortes :
- comment s'impliquer progressivement lors de son arrivée dans une équipe : il s'agit de travailler sur un axe chronologique en définissant différentes problématiques ; de se renseigner en amont sur la clinique et de se présenter ; le SNVEL propose un livret d'accueil qui donne tous les éléments pour bien préparer son arrivée dans une équipe (https://www.veterinaireliberal.fr/conseil-expertise/decouvrez-le-modele-de-livret-daccueil/) ;
- être à l'aise avec ses prix : il faut d'abord être convaincu de sa propre valeur en tant que vétérinaire et expliquer ses tarifs en transparence avec son équipe ; communiquer avec le client sur le médical sans se justifier ; proposer des alternatives médicales et des paiements échelonnés ;
- quel est le rôle des représentants locaux du SNVEL dans l'animation terrain : c'est avant tout une chaîne de valeurs ; le SNVEL fournit à ses délégués une boîte à outils qui leur permet de communiquer sur le terrain au cours de réunions locales ; une proposition serait la création d'une newsletter adaptée dans chaque département par le délégué local ;
Labelliser les cliniques
- qu'est-ce que les vétérinaires mettent en place comme éléments salutogènes dans leur vie professionnelle/personnelle : le bonheur au travail est un sport collectif qu'il s'agit de faire vivre ensemble ;
- comment exercer en respectant ses engagements écoresponsables : si la moitié des vétérinaires français estiment avoir une responsabilité morale, seuls 10 à 15 % s'engagent en termes d'écoresponsabilité ; beaucoup d'idées existent pourtant dans ce domaine : faire labelliser les cliniques, dresser leur bilan carbone, suivre la formation proposée par APForm** sur ce sujet... ;
- relations vétérinaires/collectivités territoriales/associations de protection animale : comment s'impliquer tout en valorisant ses actes : s'organiser en amont et collectivement au nom de la profession, conventionner avec les associations, définir les bonnes pratiques d'une intervention vétérinaire sur le terrain sont de nature à faciliter ces relations parfois compliquées. M.L.
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
** APForm : AnimalPro Formation.