Union européenne : la consommation d'antibiotiques chez l'Homme désormais supérieure à celle des animaux de production

Les auteurs du rapport appellent à poursuivre les efforts pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens aux niveaux national, européen et mondial et ce, dans tous les secteurs de la santé, humaine comme animale.

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Corinne DESCOURS-RENVIER

Santé publique

Paru en juin dernier, le rapport conjoint de l'Agence européenne des médicaments, de l'Autorité européenne de sécurité des aliments et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies fait le point sur la consommation d'antimicrobiens chez l'Homme et chez les animaux de production entre 2014 et 2018. Durant cette période, l'utilisation d'antibiotiques en santé animale a poursuivi sa baisse au sein de l'Union européenne.

L'Agence européenne des médicaments (EMA), l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ont publié, en juin, leur troisième rapport conjoint sur la consommation d'antibiotiques chez l'Homme et chez les animaux de rente en Europe, ainsi que sur le développement de la résistance aux antimicrobiens (RAM)1.

Les données analysées proviennent des réseaux de surveillance de l'Union européenne (UE) coordonnés par les trois agences. Elles concernent les années 2014-2018 et, plus particulièrement, la période comprise entre 2016 et 2018.

Chez les animaux de rente, les experts ont évalué la quantité globale d'antimicrobiens utilisés en fonction de la biomasse animale2 . Le résultat - exprimé en quantité d'antibiotiques (mg) par biomasse (kg) - fournit en effet des indications plus précises sur l'utilisation des antimicrobiens que la seule analyse des ventes et des importations. Un calcul similaire a été réalisé chez l'Homme.

Consommation d'antibiotiques en baisse chez les animaux de production

Entre 2014 et 2018, la consommation d'antimicrobiens chez les animaux de rente, exprimée en mg/kg, a diminué de façon significative au sein de l'UE tandis que la consommation humaine est restée relativement stable durant cette période (figure n° 1) . Selon les auteurs du rapport, la baisse observée en santé animale s'explique principalement par celle de l'utilisation des tétracyclines et des pénicillines.

Alors qu'elle lui était jusque-là supérieure, la consommation d'antibiotiques chez les animaux de rente a rattrapé celle de l'Homme en 2016, jusqu'à devenir inférieure en 2017. Il s'agit d'une première depuis le début du recueil des données par les agences européennes en 2011.

Les auteurs du rapport se réjouissent de ce résultat, signe de l'efficacité des mesures prises par les pays membres de l'UE en faveur d'une utilisation raisonnée des antibiotiques chez les animaux de production : campagnes d'informations, prévention des maladies bactériennes, restrictions d'emploi de certaines molécules...

Des variations suivant les pays

Dans les 29 pays européens ayant participé à l'étude, la consommation globale d'antibiotiques chez l'Homme en fonction de la biomasse en 2017 (130 mg/kg) était supérieure à celle chez les animaux de production (108,3 mg/kg). Les résultats varient toutefois selon les pays, avec des valeurs allant de 52,8 à 212,6 mg/kg chez l'Homme (médiane à 122,8 mg/kg) et de 3,1 à 423,1 mg/kg chez les animaux de production (médiane à 61,9 mg/kg) (figure n° 2) .

Si la consommation humaine d'antimicrobiens, exprimée en mg/kg, est supérieure à celle des animaux de production dans 20 pays dont la France, elle reste toutefois inférieure dans 8 pays. Enfin, dans un cas, les deux étaient équivalentes.

Des variations suivant les antibiotiques

Les aminopénicillines, les céphalosporines de 3e et de 4e générations et les quinolones (notamment les fluoroquinolones) sont davantage utilisées chez l'Homme que chez les animaux de production, à l'inverse des polymyxines et des tétracyclines.

Les auteurs du rapport soulignent que l'utilisation des polymyxines, une classe d'antibiotiques dont fait partie la colistine, a presque diminué de moitié entre 2016 et 2018 chez les animaux de rente. Cette évolution est d'autant plus encourageante que ces molécules sont utilisées chez l'Homme pour traiter des affections dues à des bactéries multirésistantes.

Liens entre utilisation d'antibiotiques et résistance bactérienne 

Que ce soit chez l'Homme ou chez les animaux, le rapport de l'ECDC, l'Efsa et l'EMA confirme le lien entre consommation d'antibiotiques et apparition de phénomènes d'antibiorésistance.

L'utilisation chez l'Homme des carbapénèmes3, des céphalosporines de 3e et de 4e  générations et des quinolones est ainsi associée à l'apparition de souches résistantes d'Escherichia coli . Un lien a également été constaté entre l'utilisation des quinolones et l'apparition de résistance à ces molécules chez Campylobacter jejuni. Des constatations similaires ont été réalisées en santé animale.

Coopération mondiale

Si l'antibiorésistance est à la fois un problème majeur de santé publique et un fardeau pour l'économie, il est toutefois possible d'inverser la tendance.

Ainsi, le rapport de l'ECDC, l'Efsa et l'EMAconfirme le lien entre utilisation raisonnée des antimicrobiens et baisse de la RAM. Chez les animaux de production, la proportion d'E. coli sensibles à l'ensemble des antibiotiques testés a ainsi augmenté dans la majorité des pays de l'UE, en parallèle à la baisse de leur utilisation.

Des irrégularités existent toutefois entre les membres de l'UE.

Les auteurs du rapport appellent donc à poursuivre les efforts pour lutter contre la RAM aux niveaux national, européen et mondial et ce, dans tous les secteurs de la santé, humaine comme animale.

1 https://urlz.fr/gmZJ.

2 La biomasse animale est ici calculée à partir du poids total des animaux dans chaque pays pour une année donnée.

3 Autorisés uniquement chez l'Homme.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1583

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