Un vétérinaire prend la tête de la Société centrale canine

Notre confrère Alexandre Balzer est impliqué dans la cynophilie depuis plus de quinze ans.

© D.R.

Cynophilie

Pour la première fois de son histoire, la Société centrale canine (SCC) a élu un vétérinaire à sa tête à l'occasion d'élections anticipées, le 5 mars. Notre confrère Alexandre Balzer prend donc la direction de cette société mère du chien de race en France. Il compte poursuivre dans une voie dans laquelle s'est engagée la SCC depuis plusieurs années et mettre l'accent sur la valence « santé » dans la sélection du chien de race. Il entend également poursuivre et développer la collaboration instaurée avec les instances vétérinaires et les praticiens libéraux.

La Dépêche Vétérinaire : Vous avez été élu président de la Société centrale canine (SCC) le 5 mars. Quels atouts ont joué en votre faveur pour conforter votre succès et qu'est-ce qui motive votre implication croissante dans la cynophilie ?

Alexandre Balzer, président de la SCC : Je participe au fonctionnement de la SCC au travers des différentes commissions auxquelles je participe, depuis plus de 15 ans. Cet engagement est né avec mon premier chien, un bouvier bernois avec lequel j'ai découvert les clubs d'éducation et d'agility (Toulouse Veto Agility, club au sein de l'école vétérinaire de Toulouse). J'ai progressivement gravi les échelons de notre fédération. J'ai eu la chance de pouvoir travailler avec des personnes impliquées, motivées et passionnantes. La gestion de la cynophilie est très intéressante et j'essaie d'apporter ma pierre à cet édifice. Mes connaissances vétérinaires ont bien entendu été un atout pour participer à l'évolution de l'élevage et de l'utilisation du chien.

Depuis maintenant près de 6 ans, nous sommes trois vétérinaires au sein du comité de la SCC : Fréderic Maison est président de la commission d'élevage et Paul Chauvin membre de la commission zootechnique. Tous trois sommes impliqués dans l'aide que l'on peut fournir aux éleveurs et aux sélectionneurs.

D.V. : La présidence de la SCC est un poste qui sera certainement chronophage. Comptez-vous malgré tout poursuivre votre activité de praticien en parallèle à l'identique ?

A.B. : Je vais effectivement poursuivre mon activité de praticien car c'est une passion et j'y trouve un grand intérêt pour pouvoir ensuite parler de santé des animaux. Mon épouse, elle-même vétérinaire, et moi-même sommes éleveurs de Terre-Neuve et de golden retriever. Ceci nous permet de confronter la théorie à la réalité et finalement de pouvoir expliquer à nos différents auditoires avec plus de praticité certains actes.

Il me faudra peut-être simplement des journées un peu plus longues que les 24 heures habituelles...mais je sais que je peux compter sur mes associés au sein de ma clinique pour parfois pallier certaines de mes absences.

Je vais tout faire pour que mon engagement à la SCC n'impacte pas ma vie professionnelle et familiale.

D.V. : La cynophilie comme de nombreux autres domaines est impactée par la crise sanitaire avec notamment la suspension des expositions et concours de travail qui font partie du processus de sélection du chien de race. Des solutions alternatives sont-elles envisagées pour maintenir le niveau de sélection des chiens ? Quelles sont vos craintes etespoirs pour l'année 2021 ?

A.B. : La crise sanitaire modifie beaucoup nos activités. Depuis un an, presque toutes les expositions et presque tous les concours d'utilisation ont été annulés. Nous espérons que nos activités pourront reprendre au printemps. Pour l'instant, l'impact sur le niveau de sélection n'est pas trop important car notre cheptel français est de très grande valeur et très bien suivi.

Evidemment, il ne faudrait pas que cette situation sanitaire perdure trop. Nous avons mis en place quelques mesures permettant de pallier l'absence de séances de confirmation. Celles-ci reprennent doucement, en fonction des autorisations ou restrictions préfectorales.

Les ventes de chiots de race ont été portées par la volonté des français d'avoir un animal de compagnie dans cette période troublée. J'ai ainsi l'espoir que le cheptel français passe la crise sans trop de dégâts. Mais je sais aussi que les attentes des éleveurs, exposant et compétiteurs sont énormes. Les bénévoles de tous les clubs, de toutes les canines territoriales font preuve de beaucoup de courage et tentent tous les week-ends d'organiser des manifestations, en respectant bien entendu tous les gestes barrières.

D.V. : C'est la première fois qu'un vétérinaire accède à la présidence de la SCC. Votre élection signe-t-elle une inflexion dans la politique de sélection du chien de race qui, de morphologique et utilitaire, pourrait s'orienter vers une valence santé plus marquée ?

A.B. : La sélection du chien se fait depuis de nombreuses années sur sa morphologie (dans les expositions canines) sur son utilisation (dans les concours de travail) et sur sa santé (degré de cotation, grilles de sélection des clubs de race, dépistages de maladies héréditaires...).

Mon arrivée à la tête de la SCC ne marquera pas de virage particulier dans la politique de sélection. La France a l'un des meilleurs cheptels du monde, représentant quasiment toutes les races du monde.

C'est le fruit du travail des éleveurs, des clubs de race et de la SCC depuis plus 140 ans.

Il est cependant indéniable que la santé est un point majeur de la sélection. L'approche vétérinaire prend donc toute son importance. Avec mon appui comme responsable du pôle santé de la SCC, la SCC s'est dotée, en 2016, d'un service Santé et Ressources génétiques grâce à l'intégration d'une ingénieure agronome (Fleur-Marie Missant) puis d'une vétérinaire (Ambre Courtin).

Le pôle santé a permis la création de nouveaux outils de sélection proposés aux éleveurs afin de maintenir ou d'améliorer la santé de leurs cheptels. C'est dans cette optique qu'a été créé l'outil LOF Select pour la promotion de la sélection des races canines. Grâce à cet outil, il est désormais possible de s'informer sur les résultats de santé officiels de n'importe quel chien LOF ou encore de prévoir le taux de consanguinité d'une portée.

LOF Select est utilisé quotidiennement par des milliers d'éleveurs dans leur travail de sélection.

Parallèlement, cinq travaux de thèses vétérinaires menés à Oniris sur les maladies héréditaires canines et les maladies à prédisposition raciale ont été mis en avant par le pôle santé grâce à la création du site Genodog destiné aux éleveurs comme aux vétérinaires. Ce site regroupe l'information technique (symptômes, diagnostic différentiel, existence d'un test génétique...) nécessaire à la compréhension des affections héréditaires et à l'établissement de schémas de sélection permettant d'améliorer la santé des chiens de race.

La SCC, par le biais du pôle santé et grâce à son partenariat avec Agria Assurance pour animaux soutient, depuis 2018, de nombreux projets de recherche sur l'espèce canine (longévité canine, néonatalogie, cancérologie, maladies héréditaires...).

Depuis 2019, la recherche sur l'espèce canine est également encouragée auprès des jeunes vétérinaires : douze thèses vétérinaires mettant en avant le chien sont récompensées chaque année.

En octobre 2020, le pôle santé organisait la deuxième Journée de la recherche canine, retransmise en direct aux associations de race et aux éleveurs.

D.V. : Les vétérinaires praticiens ne sont globalement pas très impliqués dans la cynophilie. Comptez-vous prendre des mesures pour les y sensibiliser et associer davantage, notamment en ce qui concerne la lutte contre l'hypertype ?

A.B. : Il est vrai que, parfois, les vétérinaires ne connaissent pas bien la SCC. Je pense qu'un rapprochement serait très intéressant, à envisager certainement dès l'entrée des vétérinaires dans les écoles vétérinaires. Nous avons aussi des relations excellentes avec le SNVEL* et l'Afvac** et de nombreux projets communs comme la gestion d'I-Cad ou la création d'un réseau d'épidémiosurveillance pour les carnivores domestiques...

Lutter contre les hypertypes est un point important pour la SCC. Nous avons une position claire et précise sur ce sujet : nous ne cautionnons en aucun cas les hypertypes.

Si ce sujet a pris de l'importance dans les médias depuis quelques années, cela fait plus de 15 ans que la SCC alerte ses éleveurs et ses juges sur les méfaits de cette hypersélection, sous l'autorité du professeur Denis. Comme toujours, l'éducation de tous les acteurs de la filière est cruciale : les éleveurs pour stopper cette production, les vétérinaires pour cesser de permettre certaines reproductions entièrement assistées, les juges pour ne pas mettre en avant ces sujets et, bien entendu, les propriétaires pour que ces chiens ne soient ni achetés ni plébiscités sous l'influence d'effets de mode. Dans ce but, la SCC s'engage pour informer et former à tous les niveaux car ce n'est que tous ensemble que nous éviterons ces dérives de sélection.

Parmi les diverses actions menées par la SCC, le pôle santé a travaillé à la création d'un test fonctionnel pour les races brachycéphales, le BREATH (Brachycephalic Exercice Aptitude Test for Health). Ces tests, encadrés par un vétérinaire et un expert de la race concernée, sont organisés depuis 2020 par les associations canines lors des rassemblements de sélection.

D.V. : La SCC travaille aussi avec les vétérinaires via I-Cad, dont vous êtes membre du conseil de surveillance, pour la gestion du fichier national d'identification canin. Comptez-vous approfondir les relations avec la profession sur d'autres projets ?

A.B. : Je suis ouvert à tous les rapprochements avec les instances vétérinaires s'ils peuvent améliorer encore le niveau d'élevage français. Il est important que nous soyons unis pour la défense des chiens et des animaux dans leur ensemble : bien-être animal, épidémiosurveillance, lutte contre la maltraitance, lutte contre les abandons... 

Des relations de confiance se nouent progressivement, permettant des ouvertures intéressantes dans tous les domaines.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

** Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1565

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