Un cas de mégacôlon idiopathique chez un chat pris en charge avec un aliment vétérinaire riche en fibres

Photo n° 1 : Le patient en consultation.

© D.R.

Amandine DRUT

Dipl. ECVIM-CA

Maître de conférences en médecine interne des animaux de compagnie (Oniris)

Nutrition

Ce cas clinique illustre la pertinence d'une modification nutritionnelle individualisée lors de mégacôlon idiopathique chez le chat, après exclusion des principales causes de constipation chronique secondaire. Lors de constipation chronique chez le chat, une prise en charge alimentaire individualisée doit être effectuée le plus précocement possible, avant la dilatation irréversible du côlon. Elle peut constituer la seule prise en charge au long terme sans traitement médicamenteux, comme pour le cas présenté ici. C'est la pierre angulaire du traitement des constipations chroniques liées à une hypomotilité colique idiopathique chez le chat. Les fibres insolubles stimulent la motricité colique et peuvent induire une résolution clinique durable sans aucune prise en charge médicamenteuse additionnelle.

Un chat croisé persan et Maine coon mâle castré de 5 ans (photo n° 1) est présenté en consultation de médecine interne pour des épisodes récurrents de constipation évoluant depuis deux ans.

Les symptômes ont été observés dès l'adoption au jeune âge par les propriétaires. Les épisodes de constipation étaient initialement peu fréquents et de durée brève (environ un épisode par mois, d'une durée d'environ deux jours), sans nécessité d'inter­vention médicale. Une évolution progressive vers une augmen­tation en fréquence et en durée (jusqu'à deux semaines) des épisodes de constipation a été constatée. Ils s'accompagnent désormais de signes généraux (abattement, diminution, voire arrêt de la prise alimentaire, vomissements) et de diarrhée paradoxale, avec un score fécal de 4 à 7/7 (photo n° 2), présence de glaires, voire de sang en nature dans les selles et apparition d'une malpropreté fécale.

Lors de l'intensification des symptômes, une analyse biochimique plasmatique de base a été effectuée, sans anomalie. Un examen radiographique de l'abdomen a mis en évidence une dilatation généralisée du côlon par du contenu fécal, avec une largeur colique supérieure à 1,48 fois la longueur de la cinquième vertèbre lombaire, témoignant de l'existence d'un mégacôlon.

Constipation et anorexie

Il a également permis d'exclure une anomalie du rachis lombosacré et un rétrécissement de la filière pelvienne. Un examen échographique de l'abdomen n'a pas révélé de masse pariétale colique ou de compression extrapariétale.

Plusieurs traitements laxatifs ont été conduits avec de l'huile de paraffine et du lactulose, permettant une amélioration transitoire des symptômes mais une récidive rapide est survenue après interruption de la prise en charge médicamenteuse. Une modification nutritionnelle vers un aliment industriel sec hyperdigestible et enrichi en fibres solubles prébiotiques a également été effectuée, sans aucune amélioration.

La consultation spécialisée de médecine interne est justifiée par un épisode de constipation de plusieurs jours avec anorexie totale. Le matin de la visite, le chat émet toutefois des selles spontanément. La propriétaire suspecte également une polydipsie.

A l'examen clinique, un poids de 4,7 kg est noté (indiquant une perte de 500 grammes en quatre mois) et l'indice de condition corporelle est estimé idéal (5/9), sans amyotrophie. Il n'est pas constaté de déshydratation cliniquement décelable. La paroi abdominale est légèrement distendue et la palpation de l'abdomen permet d'identifier un contenu très ferme dans le côlon descendant. L'examen de la région périanale ne révèle aucune anomalie. Aucun trouble locomoteur ou nerveux n'est identifié.

L'hypothèse de mégacôlon idiopathique est privilégiée. Les hypothèses de constipation secondaire à une déshydratation subclinique associée à une polyurie et de dysmotilité colique secondaire à des désordres électrolytiques (hypokaliémie, hyper- ou hypocalcémie) sont exclues par une analyse urinaire et une analyse biochimique sanguine, respectivement (tableau). Une lipidose hépatique secondaire à l'anorexie prolongée est également écartée (tableau n° 1).

Prise en charge nutritionnelle en première intention

Une prise en charge nutritionnelle est préconisée en première intention, avec une transition vers une alimentation enrichie en fibres insolubles* (alimentation sèche majoritaire et sachets fraîcheur occasionnels en friandise). Un traitement laxatif, constitué de lactulose à la dose de 0,5 ml/kg trois fois par jour, est prescrit pour la durée de la transition alimentaire.

Dès le début de la transition alimentaire, une nette amélioration de l'appétit est constatée avec une bonne acceptation de l'aliment enrichi en fibres insolubles. Le traitement laxatif n'est pas administré au-delà du deuxième jour de transition alimentaire.

Pendant les deux premières semaines, des selles de score fécal entre 1 et 4/7 sont émises tous les un à deux jours. Par la suite, des selles de score fécal entre 2 et 3/7 en moyenne sont constatées quotidiennement (photo n° 3). Aucun épisode de constipation ou de diarrhée colique n'est déploré durant les quatre mois de suivi clinique. L'appétit reste également constant, avec une augmentation du poids corporel de 200 grammes après trois semaines de modification alimentaire.

Ce cas clinique illustre la pertinence d'une modification nutritionnelle individualisée lors de mégacôlon idiopathique chez le chat, après exclusion des principales causes de constipation chronique secondaire (Washabau et Holt 1999). Le premier régime prescrit était constitué d'un aliment industriel sec hyperdigestible enrichi en fibres solubles et fermentescibles et contenant 14 g/1 000 kcal de cellulose brute, insoluble.

Les fibres prébiotiques sont dégradées par les bactéries du microbiote intestinal et permettent la synthèse d'acides gras à chaîne courte, qui stimulent in vitro les contractions longitudinales du côlon (Rondeau et coll. 2003). Elles peuvent également favoriser l'hydratation et augmenter le volume des fèces par leurs propriétés osmotiques.

Améliorer la motilité colique

Suite à l'échec de cet essai alimentaire, l'instauration de l'aliment riche enrichi en fibres insolubles* (20 g/1 000 kcal de cellulose brute et contenant 2,6 g/1 000 kcal de fibres solubles) a permis une résolution complète et durable de la constipation et des signes cliniques associés. Les fibres insolubles et non fermentescibles augmentent également le volume des selles et améliorent la motricité colique par la distension pariétale qu'elles provo­quent.

Ces modifications alimen­taires sont contre-indiquées en cas d'occlusion ou de déficit très sévère de la motricité colique car elles augmentent le contenu fécal et aggravent l'obstruction. La mise en place d'un aliment hyperdigestible pauvre en résidus est alors préférée afin de limiter la quantité de selles émises et doit classiquement être associée à un traitement médicamenteux, voire à une colectomie dans les cas réfractaires.

Lors de constipation chronique chez le chat, une prise en charge alimentaire individualisée doit être donc effectuée le plus précocement possible, avant le stade de la dilatation irréversible du côlon. Elle peut constituer la seule prise en charge au long terme sans traitement médicamenteux, comme pour le cas présenté dans cet article.

En conclusion, la prise en charge nutritionnelle constitue la pierre angulaire du traitement des constipations chroniques liées à une hypomotilité colique idiopathique chez le chat. En particulier, l'apport de fibres insolubles stimule la motricité colique et peut induire une résolution clinique durable sans aucune prise en charge médicamenteuse additionnelle.

Bibliographie

Rondeau MP, Meltzer K, Michel KE, McManus CM, Washabau RJ. Short chain fatty acids stimulate feline colonic smooth muscle contraction. J Fel Med Surg. 2003;5(3):167-173.

Washabau RJ, Holt D. Pathogenesis, diagnosis and therapy of feline idiopathic megacolon. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 1999;29(2):589-603.

* Purina Pro Plan Veterinary Diets Feline OM Obesity Management.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1751

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