Transmission et infectiosité du coronavirus bovin dans l'environnement de l'élevage : des précisions en vue d'améliorer la biosécurité

Évolution des signes cliniques et niveaux d'excrétion virale (nasale et fécale) chez les veaux du groupe exposé

L'excrétion virale s'est manifestée très rapidement après le regroupement des veaux, le lendemain au niveau de la muqueuse nasale, 2 jours après dans les fèces ; cette excrétion de virus a duré au moins 4 semaines après contact (28 jours dans les sécrétions nasales, 35 jours dans les fèces).

© D.R.

Bertrand RIDREMONT

Consultant en santé et nutrition animales

Membre titulaire de l'Académie vétérinaire de France

Prophylaxie

Une équipe de scientifiques de l'université d'Oslo s'est intéressée depuis quelques années à l'épidémiologie du coronavirus bovin dans les élevages bovins pour apporter des réponses aux mesures de biosécurité à appliquer en vue de l'élimination de ce virus des troupeaux laitiers norvégiens.

La Norvège est le premier pays au monde à avoir lancé en 2016 un programme national, sur 3 ans, de lutte contre le coronavirus bovin (BCoV) et conjointement le virus respiratoire syncytial (BRSV) dans les élevages bovins (très majoritairement laitiers).

Une équipe de scientifiques de l'université d'Oslo s'est intéressée depuis quelques années à l'épidémiologie du BCoV dans les élevages bovins pour apporter des réponses aux mesures de biosécurité à appliquer en vue de l'élimination de ce virus des troupeaux laitiers norvégiens.

Manque de données de terrain

Ainsi une étude publiée en 2016* a analysé les conditions de transmission du coronavirus bovin lors de mélange d'individus infectés excréteurs et sains en élevage. Les auteurs soulignent le manque de données de terrain quant à l'excrétion virale et le potentiel de transmission du virus chez les animaux.

L'objectif de l'étude était triple : 1- établir la durée et la quantité de virus excrété dans les sécrétions nasales et les fèces ; 2- détecter la présence d'une virémie et d'une persistance du virus dans les tissus lymphatiques, intestinaux et pulmonaires ; 3- vérifier l'hypothèse que des veaux séropositifs n'infectent pas des congénères négatifs en contact avec eux 3 semaines après l'infection à BCoV.

Schéma expérimental sur 12 veaux

Le schéma expérimental a concerné 12 veaux mâles sevrés répartis comme suit :

- 6 veaux issus d'un élevage laitier débutant un épisode de dysenterie hivernale, en démarrage de phase respiratoire clinique modérée, ayant une excrétion virale nasale et fécale importante (RT-PCR) et séroconvertissant sur quelques jours (Elisa Svanovir) (groupe terrain) ;

- 4 veaux issus d'un élevage laitier séronégatif (lait de tank) et n'excrétant pas de virus (RT-PCR) à l'arrivée dans les facilités expérimentales (groupe exposé) ;

- 2 veaux sentinelles également séronégatifs (groupe sentinelle).

Les veaux des 2 premiers groupes sont mis en contact dans la même case pendant une période de 24 heures. Après séparation, les veaux du groupe exposé sont suivis quotidiennement sur le plan clinique (notation des symptômes) et virologique (RT-PCR sur différents tissus et isolement du virus sur écouvillons nasaux), ces veaux étant euthanasiés à différents temps de l'expérimentation (durée de 42 jours après mélange des veaux des 2 groupes).

Les veaux du groupe sentinelle ont été inclus dans l'expérimentation 3 semaines après la mise en contact des 2 autres groupes.

Les principaux résultats

Les principaux résultats observés sur les veaux du groupe exposé ont été les suivants :

- l'excrétion virale s'est manifestée très rapidement après le regroupement des veaux, le lendemain au niveau de la muqueuse nasale, 2 jours après dans les fèces ; cette excrétion de virus a duré au moins 4 semaines après contact (28 jours dans les sécrétions nasales, 35 jours dans les fèces) ;

- les 4 veaux ont exprimé des signes cliniques digestifs et respiratoires (légers ou modérés) ;

- les 4 veaux avaient tous séroconverti 14 jours après la mise en contact ;

- les auteurs ont montré une bonne corrélation entre le pic d'excrétion virale et la notation clinique des veaux (figure).

- les auteurs ont déterminé l'infectiosité des veaux à partir d'écouvillons nasaux de 2 veaux sur une période de 28 jours après le regroupement ; ils ont conclu à une période d'infectiosité de 11 jours (soit de 3 à 13 jours après la mise en contact).

Les 2 veaux sentinelles, mis en contact avec les veaux exposés 3 semaines après le regroupement initial, n'ont pas été infectés, malgré l'excrétion virale encore présente chez les veaux du groupe exposé.

Conclusion

À partir de cette étude expérimentale originale, on peut tirer les conclusions suivantes :

- des signes cliniques respiratoires et digestifs peuvent être observés chez des veaux à la suite d'un épisode de dysenterie chez des vaches (et inversement) ; cela confirme les résultats d'autres études expérimentales démontrant que des souches isolées lors de diarrhées et de dysenterie hivernale peuvent aussi être à l'origine d'infection respiratoire ; l'orientation d'une souche de BCoV vers une forme clinique à tropisme digestif et/ou respiratoire serait plus liée à la voie (orale/nasale) et la dose d'infection et aux interactions avec le microbiote et l'immunité locale (dysbiose) de l'hôte et à des facteurs environnementaux, par exemple les conditions d'infection (stress, température, conditions sanitaires, co-infections) ;

- au contact de veaux excréteurs et en phase clinique, des veaux « naïfs » sont infectés très rapidement (dans les 48 heures suivant le regroupement) ;

- la durée de contagiosité des veaux ainsi infectés est élevée (11 jours) ;

- les veaux exposés infectés ne semblent plus contagieux 3 semaines après leur primo-infection. 

* Oma VS, Tråvén M, Alenius S, Myrmel M, Stokstad M. Bovine coronavirus in naturally and experimentally exposed calves; viral shedding and the potential for transmission. Virol J. 2016;13:100.

Gros Plan : Quelles mesures de biosécurité appliquer dans et autour des élevages pour limiter les risques de transmission du coronavirus bovin ?

La persistance de l'infection par le coronavirus bovin (BCoV) dans les troupeaux peut s'expliquer par une combinaison d'épisodes de réinfection et réexcrétion, ainsi que par la contamination d'animaux naïfs, l'introduction de bovins infectés ou de vecteurs contaminés.

Dans le prolongement des études épidémiologiques autour de la transmission du BCoV, la même équipe norvégienne évoquées ci-avant* a listé les mesures de biosécurité, appliquées dans le cadre du plan de lutte national contre le BCoV et le virus respiratoire syncytial (BRSV), visant à protéger les troupeaux contre l'introduction du virus via des voies directes (animaux vivants) et indirectes (matériels).

Principales recommandations

Les principales recommandations sont :

- éviter les contacts entre animaux provenant d'élevages positifs et négatifs : achat d'animaux ou partage de pâturage uniquement à partir d'élevages séronégatifs ;

- commerce des animaux vivants organisé par les groupements de producteurs (cheptel de renouvellement, abattage) avec l'utilisation de véhicules séparés entre élevages positifs et négatifs ;

- conception d'aires de chargement adaptées pour l'expédition d'animaux vivants ;

- restriction de l'accès aux personnes extérieures : nécessité de ménager des entrées spécifiques pour les conseillers, inséminateurs, pareurs, vétérinaires... où ils peuvent se changer avec des vêtements et chaussures appartenant à l'élevage ;

- concevoir des douches pour les visiteurs (eau chaude et froide) et des zones de stockage appropriées pour les équipements.

D'autres études soulignent l'importance d'une quarantaine d'au moins 15 jours à l'introduction d'animaux avant de les intégrer dans le troupeau reproducteur. D'autres mesures telles que la séparation entre les classes d'âges, l'isolement des animaux malades et la marche en avant sont à préconiser.

Résultats encourageants d'un vaccin

En dépit d'un impact économique parfois important, aucun vaccin dirigé contre les coronavirus respiratoires n'est encore commercialisé en Europe.

Des résultats prometteurs pour un vaccin intranasal expérimental ont été présentés au congrès mondial de buiatrie 2022 et démontraient une réduction significative de l'excrétion nasale et fécale et des signes cliniques associés à un challenge des veaux par voie oro-nasale. B.R.

* Stokstad et al., Front. Vet. Sci. (2020), 7 : 167.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1663

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