Transmission du coronavirus bovin : le rôle de vecteurs passifs ou non

Nombre de copies de l'ARN viral du BCoV par écouvillon 24h après l'exposition aux veaux infectés

Pour les fomites, l'ARN du BCoV a été détecté sur 100 % des objets ou matériels prélevés (sauf 1 montre-bracelet sur 8) 24 heures après l'exposition.

© D.R.

Bertrand RIDREMONT

Consultant en santé et nutrition animales

Membre titulaire de l'Académie vétérinaire de France

Epidémiologie

La prévention de la transmission du coronavirus bovin entre les élevages nécessite notamment de maîtriser sa transmission indirecte par le personnel et le matériel. Une étude montre un risque élevé de transmission du virus par du matériel, notamment vétérinaire (stéthoscopes), avec une persistance de l'infectiosité du virus in vitro supérieure à 24 heures. En revanche, le risque de contamination virale semble faible via le personnel (éleveur, vétérinaire).

Dans le but de prévenir la transmission du coronavirus bovin (BCoV) entre les élevages et d'établir des mesures efficaces de biosécurité, des connaissances sur la transmission indirecte de ce virus par l'intermédiaire du personnel et du matériel sont fondamentales. Après un article relatif aux conditions de transmission du BCoV après introduction de veaux infectés excréteurs auprès de veaux sains, cet article présente le travail des scientifiques de l'université d'Oslo (Norvège) qui ont publié en 2018* une étude dont l'objectif était de déterminer si des vecteurs passifs (personnel, fomites : matériel ou équipement) jouaient un rôle dans la transmission du BCoV entre les élevages bovins (durée du portage viral, infectiosité des particules virales).

Le personnel (16 individus) a manipulé et prélevé des veaux présentant des signes cliniques et excréteurs de virus sur une période de contact de 10 minutes. Des écouvillons nasaux ont été ensuite collectés au niveau des cavités nasales des personnes concernées, à plusieurs moments (avant, 0,5, 2, 4 et 6 heures après la période d'exposition aux veaux infectés). Parallèlement, des fomites ont été écouvillonnées après la période d'exposition : bottes (16), cottes (12), montres-bracelets (8) et stéthoscopes (8).

Portage nasal chez les humains

Sur tous ces prélèvements ont été réalisés au laboratoire la recherche d'ARN viral par RT-PCR (quantification en nombre de copies d'ARN viral) et le test d'infectiosité des particules virales sur culture cellulaire et marquage fluorescent (prélèvements avec la plus forte charge virale).

En ce qui concerne le personnel, de l'ARN du BCoV a été détecté au niveau de la muqueuse nasale sur 46, 15 et 5 % des personnes, respectivement 30 minutes, 2 et 4 heures après exposition. Les auteurs concluent à une demi-vie du portage nasal d'ARN du BCoV de moins de 90 minutes pour une persistance maximale de 5 heures.

Pour les fomites, l'ARN du BCoV a été détecté sur 100 % des objets ou matériels prélevés (sauf 1 montre-bracelet sur 8) 24 heures après l'exposition (figure).

L'infectiosité du virus a été testée sur 5 écouvillons ayant le nombre de copies de l'ARN viral le plus important.

Résistance dans l'environnement

Après trois jours de mise en culture de l'ARN viral isolé des écouvillons, les résultats ont différé selon les origines des prélèvements : un nombre de copies stable pour les cottes ou la muqueuse nasale humaine mais une multiplication par 1 000 du nombre de copies pour les stéthoscopes et montres-bracelets. Ces dernières données démontrent l'infectiosité in vitro des particules virales isolées à partir de ces deux supports inertes.

En conclusion, cette étude met en évidence une résistance réelle du BCoV dans l'environnement, un risque élevé de transmission du virus par du matériel, notamment vétérinaire (stéthoscopes), avec une persistance de l'infectiosité du virus in vitro supérieure à 24 heures. Par contre, le risque de contamination virale semble faible via le personnel (éleveur, vétérinaire) malgré la mise en évidence d'un portage au niveau de la muqueuse nasale.

Une autre publication récente** recommandait également des mesures de contrôle des insectes en élevage, les mouches (diptères) étant vectrices du BCoV.

* Oma et al., BMC Veterinary Research (2018), 14:22.

** Bertolini et al, Journal of Applied Microbiology, 2023, 134 : 1-6.

Gros Plan : Une confirmation à large échelle du rôle des fomites comme vecteurs du BCoV

Une publication récente* avait pour objectif d'investiguer la contamination des stéthoscopes et des bottes de vétérinaires ruraux vis-à-vis des principaux agents infectieux du complexe respiratoire bovin. L'étude s'est déroulée en France dans 12 structures vétérinaires en décembre 2022.

Deux à quatre paires de bottes et deux à quatre stéthoscopes par structure vétérinaire ont été écouvillonnés en fin de semaine d'activité rurale (visite en moyenne de 26 élevages par vétérinaire dans les 72 heures précédant les prélèvements). Les écouvillons ont été analysés par le laboratoire Labocea à Fougères (PCR multiplex 7 agents respiratoires, réalisée en mélange, à titre expérimental pour ce type de prélèvements).

A intégrer dans les mesures de biosécurité

Au moins un agent pathogène a été identifié par PCR sur les stéthoscopes et les bottes de 75 % et 50 % des structures vétérinaires respectivement (figure).

En ce qui concerne le BCoV, le génome viral a été retrouvé sur les prélèvements (stéthoscopes > bottes) d'un quart des structures. En complément d'information, 100 % des paires de bottes et 40 % des stéthoscopes avaient été désinfectés dans les 30 jours précédant les prélèvements (1 à 14 jours avant pour les paires de bottes ; 10 à 20 jours avant pour les stéthoscopes).

Le risque de transmission indirecte d'agents infectieux respiratoires par des vecteurs matériels doit être intégré à la mise en place de mesures de biosécurité en élevage. B.R.

* Jozan & Levesque, congrès national des GTV, Poitiers, 24-26 mai 2023.

Principaux agents respiratoires identifiés sur les bottes et les stéthoscopes par PCR (par structure : 1 PCR de mélange de 2 à 4 stéthoscopes ; 1 PCR de mélange de 2 à 4 paires de bottes (n = 12 structures))
Principaux agents respiratoires identifiés sur les bottes et les stéthoscopes par PCR (par structure : 1 PCR de mélange de 2 à 4 stéthoscopes ; 1 PCR de mélange de 2 à 4 paires de bottes (n = 12 structures))

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1666

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