Traitement antidouleur lors d'arthrose : utiliser l'analgésie multimodale
Mercredi 5 Décembre 2018 Animaux de compagnie 31399© Ueuaphoto - Fotolia.com
Adeline DECAMBRON
Véronique VIATEAU
Service de chirurgie
Chuva-ENVA
Maladies chroniques
Comprendre la douleur et son origine aide à choisir la bonne stratégie thérapeutique notamment lors d'arthrose. Il faut retenir qu'une approche multimodale reste la meilleure option tant entre analgésiques qu'entre les différents piliers du traitement de l'arthrose.
Le symptôme le plus fréquent lors d'arthrose est la douleur qui entraîne une diminution de la mobilité et une baisse de la qualité de vie.
La gestion de cette douleur fait partie des bonnes pratiques de la médecine et il est nécessaire d'associer au traitement multimodal de l'arthrose des analgésiques et de prévenir l'apparition de douleurs qui peuvent être réfractaires au traitement.
Compréhension de la douleur chez l'animal arthrosique
Dans un contexte d'arthrose, le processus dégénératif est chronique avec parfois une inflammation aiguë et cet état est auto-aggravant.
La douleur induite est donc chronique et parfois aiguë. Cette douleur entraîne des modifications endocrines, métaboliques et inflammatoire à l'origine d'une morbidité augmentée, de lésions organiques et d'une faible efficacité des traitements.
Les conséquences cliniques d'une douleur non traitée sont : immunosuppression, hypothermie, thrombo-embolie, lésions pulmonaires, iléus, fatigue, perturbation du sommeil et dysfonctionnement cérébral...
Il est donc recommandé de grader la douleur ( Visual Analogue Score ) et de mettre en place une analgésie adaptée en suivant les paliers établis par l'Organisation mondiale de la santé (figure n° 1).
La douleur chronique est définie comme une douleur persistante plus de 3 à 6 mois. Cependant, les signes de douleur chronique peuvent être insidieux (perturbation du sommeil, dysorexie) et difficiles à objectiver car ils peuvent être interprétés comme l'évolution de la maladie.
Chez l'Homme, elle est présente chez 10 à 25 % des patients arthrosiques. Chez l'animal, de telles données ne sont pas disponibles. Néanmoins, il a été identifié chez le chat « asymptomatique » une incidence de signes radiographiques d'arthrose dans jusqu'à 90 % des cas, ce qui suggère une absence d'identification des signes de douleur.
La douleur chronique n'est pas une version prolongée de la douleur aiguë. Elle fait appel à différentes voies et différents récepteurs.
La stimulation répétée entraîne également des modifications physico-chimiques à l'origine d'une douleur neuropathique et d'une hypersensibilisation (voire une allodynie) avec une résistance aux analgésiques possible (tableau n° 1).
Ainsi, l'association entre la sévérité des lésions arthrosiques et la douleur n'est pas linéaire et une hypersensibilisation peut induire une douleur inadaptée qui n'est pas contrôlée par les AINS dont l'effet central est faible et inconstant.
Ce processus implique, entre autres, le neurotransmetteur glutamate et le récepteur NMDA.
Analgésie multimodale : principes et acteurs
Le principe d'un traitement multimodal est de bénéficier d'effets additionnels et/ou synergiques des traitements (figure n° 2).
Ainsi, si différentes formulations et différents sites d'action permettent d'accroître l'efficacité des traitements engagés, une réduction de dose (tableau n° 2) peut être envisagée dans le but de réduire les effets secondaires.
- Non opioïdes
Les AINS sont systématiquement (sauf contre-indication) prescrits en association avec les analgésiques.
L ' acétaminophéne ou paracétamol (COX-3 inhibiteur mais mécanisme d'action peu connu), bien que toxique chez le chat, a prouvé son efficacité chez le chien (pas d'AMM vétérinaire). De plus, son action est synergique avec le tramadol et la codéine.
- Opioïdes faibles
La codéine (activité µ) n'a pas démontré d'efficacité chez le chien et chez le chat.
Le tramadol est un analogue synthétique de la codéine, depuis peu disponible sur le marché vétérinaire. Son activité est médiée par les récepteurs µ mais il inhibe aussi la réabsorption de la noradrénaline et de la sérotonine et il est efficace chez l'Homme dans le cadre de douleur chronique.
Chez l'animal, la pharmacocinétique est différente et son effet hautement variable mais son utilisation reste recommandée. Le pic d'action est à 60-80 minutes. Les effets secondaires sont fréquents bien que réversibles et de faible gravité : sédation, mydriase, euphorie.
- Opioïdes forts
Les opioïdes forts sont des analgésiques très efficaces à utiliser durant une courte durée pour des raisons règlementaires et en conséquence de leurs effets secondaires.
Des blocs loco-régionaux et des dispositifs d'administration continue (patch de fentanyl ) dont les effets sont variables peuvent être proposés lors de douleurs intenses.
L'utilisation de la buprénorphine par voie transmuqueuse est décrite et semble efficace.
- Adjuvants
La gabapentine est un anticonvulsivant qui agit contre la douleur neuropathique et l'hypersensibilisation par inhibition indirecte du glutamate.
Son efficacité est variable, tardive et il est important d'arrêter progressivement l'administration afin d'éviter l'effet rebond.
Elle a une action synergique sur les AINS et les autres analgésiques. Les effets secondaires connus sont : sédation, tremblements, faiblesse musculaire...
L'amantadine, antiviral à effet anti-NMDA, présente les mêmes effets théoriques que la gabapentine. Néanmoins, le niveau de preuve quant à son intérêt dans la prise en charge de la douleur chronique chez le chien arthrosique est plus élevé.
Les effets secondaires sont rares et souvent digestifs (diarrhée, flatulence).
Comprendre la douleur et son origine aide à choisir la bonne stratégie thérapeutique. Il faut retenir qu'une approche multimodale reste la meilleure option tant entre analgésiques qu'entre les différents piliers du traitement de l'arthrose. ■