Tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre désormais droit à congés payés

Il faut travailler un mois pour acquérir 2,5 jours ouvrables de congés, soit 5 semaines sur une année.

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Robin LUNETTA

Chargé des affaires juridiques au SNVEL*

Jérôme FRASSON

Vice- président du SNVEL* et président de la Commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation (CPPNI)

Droit du travail

Depuis le 13 septembre, il n'est plus possible de décompter les congés payés des salariés absents en arrêt maladie privé. Cette évolution fait suite à un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation.

Par plusieurs arrêts rendus le 13 septembre dernier, la Cour de cassation effectue un revirement de sa jurisprudence. Elle a écarté partiellement les dispositions du Code du travail pour se conformer à la réglementation européenne, en particulier une directive (2003/88/CE) de 2003 sur l'aménagement du temps de travail.

Pour rappel, il faut travailler un mois pour acquérir 2,5 jours ouvrables de congés, soit 5 semaines sur une année. Ce qui signifie en principe que la plupart des périodes d'absence ne sont pas retenues pour le calcul du nombre de jours de congés payés.

La loi française et la convention collective prévoient que de nombreuses absences soient assimilées à du travail pour le calcul des droits à congés (accident du travail, maladie professionnelle, congé de maternité, de paternité, les congés payés eux- mêmes, etc.). En revanche, elles ne prévoient pas que les périodes d'arrêt de travail d'origine privée permettent d'acquérir des congés payés. Ainsi, concrètement, les employeurs pouvaient arrêter les compteurs de congés des salariés pendant leurs arrêts maladie privés.

La Cour de cassation a décidé de changer son interprétation des textes et impose désormais aux entreprises de compter des congés pendant les arrêts maladie d'origine privée.

Une transposition inachevée

Pour rappel, contrairement aux règlements européens qui s'appliquent directement, les directives européennes nécessitent en principe qu'un texte transpose leurs dispositions dans chaque pays de l'Union européenne pour être applicables. Cela n'a pas été fait totalement en France, en particulier sur ce point.

Dans ce cas, la jurisprudence ne pouvait aller contre la loi française dans un litige entre un salarié et un employeur du secteur privé. Jusqu'ici, un salarié qui s'estimait lésé par la perte de congés pendant un arrêt maladie pouvait donc engager une action en justice directement contre l'État en raison de sa carence dans la transposition de la directive et être indemnisé de ses congés.

Ce qui a permis à la Cour de cassation de passer au- delà de la transposition est la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de 2012, qui peut être invoquée directement par un salarié depuis une décision de la Cour de justice de l'Union européenne de 2018. Elle s'est donc appuyée sur cette charte et la directive de 2003 pour écarter partiellement la loi française pour rendre une décision conforme à la réglementation européenne.

En pratique, pour la période d'acquisition des congés en cours, le revirement de jurisprudence conduit à tenir compte des absences pour maladie pour calculer le nombre de jours de congés payés.

Pour les périodes de référence antérieures, toutes les questions que suscite cette décision n'ont pas encore de réponse. En principe, les droits à congés acquis sont perdus au 31 mai de la période de référence suivant celle où ils ont été acquis. La jurisprudence française a reconnu le droit pour le salarié de reporter ses congés lorsqu'il n'a pas pu les prendre en raison de certains évènements comme une maladie ou une maternité. Cependant, le délai pendant lequel on peut reporter ses droits n'est pas fixé. La directive de 2003 évoque un délai de report pendant 15 mois mais la Cour de cassation ne s'est jamais prononcée sur son application en France ou sur un délai maximum de report.

Le SNVEL va se concerter avec l'UNAPL** et demander des précisions au ministère du Travail. Une modification de la législation serait bienvenue pour répondre aux questions que pose cette décision.

* SNVEL : Syndical national des vétérinaires d'exercice libéral.

** UNAPL : Union nationale des professions libérales.

Sources

- Cass. soc. 13- 9- 2023 n° 22- 17.340 FP- BR, Sté Transdev c/ Z.

- Cass. soc. 13- 9- 2023 n° 22- 17.638 FP- BR, B. c/ Sté Transports Daniel Meyer.

- CJUE 6- 11- 2018 aff. 569/16.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1681

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