Supplémentation des veaux en oligo-éléments par voie orale ou injectable : essai dans différents élevages allaitants
Animaux de rente 49531Les veaux ayant reçu la supplémentation injectable ont montré une croissance et un état de santé au moins aussi bons que les veaux supplémentés par voie orale.
© Laurent Mascaron
Laurent MASCARON
Correspondant en infectiologie et vaccinologie
Courriel : l.mascaron@orange.fr
Synthèse
Un essai clinique terrain a été réalisé dans douze élevages en région Auvergne par notre confrère Nicolas Herman et ses collègues praticiens à la clinique vétérinaire de Riom-ès-Montagnes (Cantal) afin de comparer les effets sur la santé et la croissance des veaux allaitants d'une supplémentation en oligo-éléments par voie orale ou injectable. Les effets de la supplémentation par voie parentérale ont été au moins aussi bénéfiques que ceux observés chez les animaux supplémentés per os, avec une incidence significativement inférieure des omphalites chez les animaux ayant reçu la supplémentation injectable. Voici une synthèse de la publication* qui a suivi cet essai.
Objectifs de l'étude
Le bon état de santé des veaux et particulièrement leur résistance aux maladies néonatales dépend étroitement de leurs défenses immunitaires et de leur capacité à développer une immunité active, après transfert passif de l'immunité d'origine maternelle via la buvée du colostrum.
Les oligo-éléments jouent un rôle essentiel dans le développement de cette immunité et des carences dans les troupeaux bovins sont fréquemment observées, à l'origine de la supplémentation classique des veaux en sélénium par voie orale dans les élevages allaitants.
Une spécialité injectable contenant plusieurs oligo-éléments (Se, Cu, Zn, Mn) est disponible depuis 2021 en France (Multimin ND). Une étude a montré en Nouvelle-Zélande qu'elle était susceptible de réduire la morbidité et la mortalité des veaux laitiers de la naissance à 140 jours d'âge par rapport à des animaux non supplémentés dans des troupeaux non carencés (Bates 2019).
Le même type de données n'étant pas disponible en élevage allaitant, un essai comparatif a été mis en place par notre confrère Nicolas Herman et ses collègues praticiens dans différents élevages de sa clientèle entre une supplémentation des veaux en sélénium par voie orale, telle qu'administrée communément par les éleveurs allaitants, et une supplémentation par voie injectable à l'aide de Multimin ND afin d'évaluer leurs effets sur l'état de santé et la croissance des veaux allaitants.
Matériels et méthodes
- Animaux : l'essai a été conduit dans 12 exploitations de vaches allaitantes adhérentes au programme Bovins Croissance, en région Auvergne. Dans chacune d'elles, 50 vaches et leurs veaux ont été tirés au sort à partir de la liste chronologique des vêlages attendus entre décembre 2020 et décembre 2021, pour un total de 600 veaux inclus.
- Détermination du statut en oligo-éléments des troupeaux : un dosage des oligo-éléments sur un mélange des sérums de 10 mères par exploitation, prélevées 30 à 45 jours avant la date présumée de vêlage, a été réalisé avant le début de l'essai puis sur les mêmes animaux après vêlage.
- Groupes de supplémentation : les veaux inclus ont été répartis de manière aléatoire dans l'un ou l'autre groupe et ont reçu les administrations suivantes, tout en étant maintenus dans leurs conditions habituelles d'élevage :
. veaux supplémentés par voie orale (300 animaux) : 20 mg de sélénium (Se) à la naissance (J0),
. veaux supplémentés par voie injectable (300 animaux) : 1 ml de Multimin ND par voie SC à J0, J30 puis 2 ml à J60, contenant un apport total de 20 mg de Se (apports également en Zn, Cu, Mn).
- Observations de santé, pesées et suivi des veaux :
. évaluation de la qualité du transfert passif d'immunité colostrale de chaque veau à l'aide d'un réfractomètre optique (Brix) sur sérum à partir d'un prélèvement sanguin réalisé entre 2 et 7 jours après la naissance ; une valeur seuil de 8,4 a été retenue pour un transfert correct de l'immunité maternelle,
. observation des veaux par l'éleveur pendant
210 jours après la naissance avec consignation des évènements de santé (mortalité, morbidité, traitements médicamenteux),
. pesée des veaux par l'éleveur à la naissance puis par un technicien à 4 et 7 mois d'âge.
Résultats
La comparabilité des deux groupes de veaux avant le début de l'essai (supplémentés par voie orale : SVO/supplémentés par voie injectable : SVI) a été vérifiée pour de nombreux critères dont la race, le sexe, la parité des mères, la difficulté du vêlage, le transfert passif de l'immunité maternelle et le poids à la naissance.
Les concentrations sanguines en oligo-éléments avant vêlage dans les troupeaux inclus se sont révélées pour 33 % et 41 % d'entre eux inférieures aux valeurs de référence pour l'iode inorganique et le sélénium.
Une forte corrélation entre le transfert passif de l'immunité maternelle (valeur Brix) et la mortalité des veaux, l'incidence des diarrhées et la fréquence des traitements antibiotiques a été constatée au cours de l'essai, indépendamment du mode de supplémentation appliqué aux veaux.
L'incidence des affections survenues chez les veaux au cours de l'essai est apparue statistiquement différente entre les deux groupes pour les omphalites (52 animaux atteints parmi ceux supplémentés par voie orale contre 35 par voie injectable) et la survenue des autres affections que les omphalites, les diarrhées et les pneumonies (arthrite, coccidiose, fièvre d'origine indéterminée, méningite, septicémie, trachéite ou phlegmon interdigité).
Parmi les veaux atteints de diarrhée, une réhydratation par voie orale ou veineuse a été nécessaire chez 32 animaux du groupe SVO contre 24 du groupe SVI, sans différence significative entre les deux groupes.
De même, un plus grand nombre de veaux a reçu un traitement médical (essentiellement des antibiotiques) dans le groupe SVO que dans le groupe SVI (130 contre 114), sans différence significative.
Le GMQ moyen de la naissance à 4 mois s'est montré supérieur dans le groupe SVI par rapport au groupe SVO, sans différence significative. A l'inverse, le GMQ moyen des veaux entre 4 et 7 mois d'âge a été plus élevé dans le groupe SVO, sans différence significative.
Discussion
L'essai a confirmé l'état de subcarence en iode et sélénium d'une proportion importante des troupeaux allaitants du Massif Central. Pour des raisons éthiques, un groupe témoin de veaux non supplémentés en oligo-éléments n'a pas été mis en place dans l'essai.
Au cours de celui-ci, la fréquence des omphalites et celle des affections autres qu'ombilicales, diarrhéiques ou pulmonaires se sont avérées significativement plus faibles chez les veaux supplémentés par voie injectable par rapport aux veaux supplémentés par voie orale. Une incidence légèrement moindre des diarrhées, bien que non statistiquement significative, a été constatée chez les veaux supplémentés par voie injectable.
Aucune différence significative sur la croissance n'a été constatée entre les deux groupes de veaux, de même pour la fréquence des traitements malgré une incidence numériquement plus faible des traitements chez les animaux supplémentés par voie injectable.
Conclusion
Les veaux ayant reçu la supplémentation injectable ont montré une croissance et un état de santé au moins aussi bons que les veaux supplémentés par voie orale. L'incidence des omphalites s'est avérée significativement inférieure chez les veaux supplémentés par voie injectable. ■
* Herman N. et al. Effect of injectable or oral trace mineral supplementation on beef calf health status and growth, J Vet HealSci, 2023, 4 (3), 117-127.
Référence