Sensibilité des espèces animales au Sars-CoV-2 : les académies vétérinaire et de médecine actualisent le risque zoonotique

Dans les élevages de visons, les virus SARS-CoV-2 ne sont pas plus contagieux ou plus virulents mais ils circulent rapidement dans les bâtiments et chez les personnes habitant à proximité des exploitations.

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Santé publique

Dans un avis conjoint rendu le 24 novembre, l'Académie nationale de médecine et l'Académie vétérinaire de France actualisent le risque représenté par les animaux sauvages et domestiques vis-à-vis du Covid-19. Elles recommandent notamment de ne pas limiter la surveillance aux fermes d'élevage de visons mais de l'élargir aux autres espèces animales (domestiques ou sauvages) pour éviter la possibilité d'installation d'un réservoir animal occulte du Sars-CoV-2.

Considérant l'évolution des connaissances relatives à l'infection naturelle ou expérimentale de différentes espèces animales par le Sars-CoV-2, l'Académie vétérinaire de France (AVF) et l'Académie nationale de médecine (ANM) ont actualisé leur avis concernant les mesures de précaution à prendre vis-à-vis des animaux et l'ont publié le 24 novembre.

Les académies rappellent que, « dans les conditions naturelles, l'infection par le Sars-CoV-2 a été observée chez des animaux (de compagnie) contaminés par leur propriétaire. Il s'agissait de cas sporadiques, soit asymptomatiques, soit révélés par des signes cliniques mineurs (difficultés respiratoires avec toux, diarrhée, vomissements ...) bien contrôlés par le traitement » .

Plusieurs essais de reproduction expérimentale de la Covid-19 ont montré que l'on pouvait infecter le furet et le chat, beaucoup moins le chien.

Le cas des visons est particulier puisque c'est, à ce jour, la seule espèce qui semble présenter un risque de contamination humaine.

« Dans les élevages de visons, les virus Sars-CoV-2 ne sont pas plus contagieux ou plus virulents, mais ils circulent rapidement dans les bâtiments et chez les personnes habitant à proximité des exploitations » , constatent les académies.

Alerte donnée par le Danemark

Premier producteur mondial de visons, avec 1 138 fermes, le Danemark, a déclenché l'alarme le 4 novembre 2020 en annonçant qu'il abattait tous les troupeaux de visons du pays pour arrêter la propagation d'un Sars-CoV-2 mutant dans cette espèce, ce virus ayant franchi la barrière d'espèce en contaminant l'Homme (12 cas humains répertoriés).

« Le risque principal lié à cette mutation était de compromettre la protection vaccinale escomptée des vaccins en cours de développement. Les scientifiques danois ont effectivement observé que les anticorps dirigés contre le virus Sars-CoV-2 chez les personnes convalescentes ne protégeaient pas complètement contre ce virus mutant » , ajoutent les académies.

Deux virus variants

« Après l'abattage des trois premiers troupeaux infectés, deux mutations du gène codant la protéine S1 (spike) du virus Sars-CoV-2 pouvant présenter un danger pour la santé publique ont été signalées dès le 4 septembre par le Statens Serum Institut. L'analyse virologique (13 % des 37 967 isolats humains, soit 5 102, ont été séquencés jusqu'à présent) a identifié 214 cas humains (soit 4,2 % des virus séquencés) dus à des virus variants liés aux visons, ces cas n'étant pas épidémiologiquement liés à un seul élevage de visons.

Deux virus variants présentant une modification du gène codant la protéine S1 ont été identifiés : le virus variant F-spike, avec une mutation Y453F, correspondant au foyer 1 (cluster 1) et le virus variant DFVI-spike, avec une combinaison de 4 mutations (69-70deltaHV, 453F, 692V et 1229I) au foyer 5 (cluster 5).

D'autres virus variants isolés des foyers 3 et 4 font actuellement l'objet d'études approfondies » , poursuivent-elles.

Contrairement au variant F-Spike qui présente peu de différences avec le Sars-CoV-2 non mutant, le variant DFVI-spike se réplique avec des titres infectieux importants aussi bien en culture cellulaire que chez les personnes infectées même s'il ne semble pas plus pathogène que le Sars-CoV-2 classique.

Etudes supplémentaires nécessaires

Malgré une évaluation limitée du risque pour la santé publique du virus variant DFVI-spike lié au vison du fait du faible nombre de cas humains rapportés et des données scientifiques accessibles jusqu'à présent, l'ANM et l'AVF recommandent donc :

« - de mener les études supplémentaires pour évaluer le risque présenté par le virus variant DFVI-spike ;

- si ces études révèlent que ce variant risque d'échapper à la réponse immunitaire développée contre le Sars-CoV-2, d'évaluer les implications potentielles pour le diagnostic, le traitement et le développement de vaccins contre la Covid-19 ;

- de surveiller toute nouvelle mutation du Sars-CoV-2 dans la protéine S, liée au vison ou non, afin de pouvoir adapter les vaccins à ces mutations comme cela a eu lieu en médecine vétérinaire pour la bronchite infectieuse aviaire depuis des décennies.

- de ne pas limiter la surveillance aux fermes d'élevage visons, mais de l'élargir aux autres espèces animales (domestiques ou sauvages) pour éviter la possibilité d'installation d'un réservoir animal occulte du Sars-CoV-2 ;

- de renforcer les mesures de biosécurité recommandées vis-à-vis des animaux, et plus particulièrement des visons ;

- d'améliorer la coordination entre les secteurs de la santé animale, humaine (y compris la santé et la sécurité au travail) et environnementale, dans un contexte « Une seule santé » afin de développer des stratégies efficaces de lutte contre la pandémie de Covid-19 ». M.L.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1550

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