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Sars-CoV-2 : une souche très divergente chez le cerf de Virginie, l'hypothèse d'une transmission potentielle à l'Homme

Hypothèses de Pickering et al (6) sur la transmission zoonotique de la lignée Ontario WTD Sars-CoV-2 (et du cas humain associé)

Après les variants Beta, Iota et Epsilon en 2020, d'autres souches virales ont été isolées chez l'Homme et le vison, dont les souches Michigan et Ontario. En l'absence de données sur l'évolution de ces deux lignées on ne sait pas si l'ancêtre viral de la lignée Ontario WTD Sars-CoV-2 provenait d'un animal (par exemple le vison ou le cerf) ou d'un réservoir humain. À partir de cet ancêtre, il y a eu soit une transmission indirecte du cerf à l'Homme (hypothèse 1), soit l'émergence d'un virus infectant à la fois l'homme et le cervidé (hypothèse 2).

© D.R.

Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

Membre de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie vétérinaire de France

Épidémiologie

En Amérique du Nord, il a été démontré que l'Homme a infecté des cerfs de Virginie - white tailed deer ou WTD - (Odocoileus virginianus) avec le Sars-CoV-2 mais il n'existe aucune preuve de transmission des cerfs aux humains1-2-3. En raison de l'importance des contaminations observées en Amérique du Nord sur ces populations de cervidés, les scientifiques canadiens ont établi un programme de surveillance en séquençant les virus détectés dans les échantillons de fèces de cervidés dans le Sud-Ouest de l'Ontario.

Ce travail (en prépublication) a permis de mettre en évidence un groupe de séquences très divergentes de Sars-CoV-2 dénommé lignée Ontario WTD Sars-CoV-2. Cette lignée compte 76 mutations, dont 37 sont associées à des hôtes animaux (notamment des chauves-souris, des chats, des hamsters, des cerfs et des visons). Plusieurs de ces mutations n'avaient pas été décrites ou sont peu fréquentes (23 n'ont jamais été observées auparavant chez le Cerf de Virginie).

L'analyse phylogénétique a permis aussi de déceler un cas humain infecté par un virus de la lignée Ontario WTD Sars-CoV-2 dans la même région géographique et pendant la même période d'échantillonnage. Cette analyse a permis aussi d'observer que la lignée Ontario WTD Sars-CoV-2 partageait un ancêtre commun relativement récent avec des séquences virales isolées dans le Michigan chez les visons et les humains en 2020.

Un réservoir animal secondaire ?

Cette découverte représente la première observation d'une lignée très divergente de Sars-CoV-2 chez le cerf de Virginie et l'Homme sans pouvoir démontrer qu'il y a eu une transmission du cerf à l'Homme. Les seuls cas de transmission du Sars-CoV-2 à l'Homme concernent les élevages de visons (Neovison vison), notamment, aux Pays-Bas qui ont connu des épidémies de Sars-CoV-2 dans leurs élevages5. Une contamination par des hamsters de compagnie est fortement suspectée par les scientifiques chinois de Hong Kong (Mesocricetus auratus)5 (lire DV n° 1605).

Ainsi, selon les auteurs, le cerf de Virginie pourrait représenter un réservoir animal secondaire potentiel avec cette nouvelle lignée Ontario WTD Sars-CoV-2 du fait de la forte densité de cette population animale proche des habitations favorisant une interface-Homme-animal. Il ne s'agit que d'une hypothèse car les collectes d'échantillons ont été affectées par la flambée des cas d'Omicron et la fin de la saison de chasse au cerf.

Les auteurs considèrent que cette lignée Ontario du Sars-CoV-2 pourrait avoir évolué chez les cervidés pendant un certain temps sous la forme d'une sélection neutre et ils n'excluent pas l'hypothèse d'une transmission du cerf à l'Homme soit directement, soit par l'intermédiaire d'un hôte intermédiaire encore inconnu (figure).

* Pickering et al. Highly divergent white-tailed deer SARS-CoV-2 with potential deer-to-human transmission. bioRxiv preprint doi : https://doi.org/10.1101/2022.02.22.481551 ; 25 février 2022.

1 Hale VL, Dennis PM, McBride DS, Nolting JM, Madden C, Huey D, et al. SARS-CoV-2 infection in free-ranging white-tailed deer. Nature [Internet]. 23 déc 2021 [cité 30 déc 2021]; Disponible sur : https://www.nature.com/articles/s41586-021-04353-x

2 Kotwa J, Sotto A, Yip L, Hou A, Buchanan T, Bowman J, et al. SARS-CoV-2 Surveillance in Peri-Domestic and Wildlife Species in Ontario, Canada. International Journal of Infectious Diseases. 1 mars 2022;116:S107.

3 Kuchipudi SV, Surendran-Nair M, Ruden RM, Yon M, Nissly RH, Nelli RK, et al. Multiple spillovers and onward transmission of SARS-Cov-2 in free-living and captive White-tailed deer (Odocoileus virginianus) [Internet]. Microbiology; 2021 nov [cité 3 nov 2021]. Disponible sur : http://biorxiv.org/lookup/doi/10.1101/2021.10.31.466677

4 Oude Munnink BB, Sikkema RS, Nieuwenhuijse DF, Molenaar RJ, Munger E, Molenkamp R, et al. Transmission of SARS-CoV-2 on mink farms between humans and mink and back to humans. Science. 8 janv 2021;371(6525):172 7.

5 Yen H-L, Sit TH, Brackman CJ, Chuk SS, Cheng SMS, Gu H, et al. Transmission of SARS-CoV-2 (Variant Delta) from Pet Hamsters to Humans and Onward Human Propagation of the Adapted Strain: A Case Study. SSRN Journal [Internet]. 2022 [cité 16 mars 2022]; Disponible sur : https://www.ssrn.com/abstract=4017393

6 Pickering B, Lung O, Maguire F, Kruczkiewicz P, Kotwa JD, Buchanan T, et al. Highly divergent white-tailed deer SARS-CoV-2 with potential deer-to-human transmission [Internet]. bioRxiv; 2022 [cité 13 mars 2022]. p. 2022.02.22.481551. Disponible sur : https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.02.22.481551v1

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1612

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