Sars-CoV-2 à Hong Kong : une transmission du hamster à l'Homme qui reste encore à démontrer

En l'état actuel des données présentées, cette étude ne montre, de manière certaine, que l'infection des hamsters par le Sars-CoV-2.

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Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

Membre de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie vétérinaire de France

Santé publique

Des chercheurs chinois, auteurs d'un article en préprint (donc non encore validé) du Lancet du 29 janvier, estiment qu'ils ont démontré l'origine animale de contaminations humaines, à Hong Kong, par le variant Delta du Sars-CoV-2, importé des Pays-Bas via un commerce de hamsters dorés. Il convient cependant de rester très prudent sur ces affirmations car l'étude présente de nombreux biais. Si, cependant, ces conclusions étaient validées, le hamster deviendrait, après le vison, le deuxième animal pouvant contaminer naturellement l'Homme. Ce serait en outre la première fois que l'on observerait ensuite une contamination inter-humaine d'un virus de la Covid-19 transmis par l'animal.

Dans une publication en préprint (donc non encore validée) du Lancet du 29 janvier (https://bit.ly/3HjbmbK), annoncée sur ProMed-Mail, des scientifiques chinois considèrent qu'ils ont démontré que l'émergence de la variante Delta du Sars-CoV-2 dans la population humaine de Hong Kong est due à l'importation de hamsters dorés à partir des Pays-Bas.

Rappelons que tout a commencé avec l'infection par le variant Delta chez un employé d'une animalerie qui a justifié une enquête sur l'origine de la contamination (lire DV n° 1604).

C'est ainsi que des hamsters dorés de l'animalerie et de son entrepôt ont été découverts infectés (8 sur 16 dans l'animalerie et 7 sur 12 dans l'entrepôt) alors que les tests RT-PCR réalisés sur les autres animaux (77 hamsters de Roborovski ou hamsters nains, 246 lapins, 66 cobayes, 116 chinchillas et 2 souris) se sont révélés négatifs.

L'étude du génome viral du variant Delta (AY.127) correspondant aux cas d'infection chez les hamsters dorés ou chez l'Homme a démontré que ce virus n'avait jamais circulé auparavant à Hong Kong.

Deux livraisons en provenance des Pays-Bas

L'infection des hamsters daterait du 21 novembre 2021. Il s'agirait de deux livraisons de hamsters importés des Pays-Bas (le 22 décembre 2021 et le 7 janvier 2022).

La chronologie de l'arrivée des hamsters dans l'animalerie et l'entrepôt et des infections humaines a été la suivante :

- 22 décembre 2021 : 1ère livraison de hamsters (ne comprenant pas de hamsters dorés) à l'entrepôt ;

- 4 janvier 2022 : visite de l'animalerie A par le patient 2 (mère) et le patient 4 (fille) ;

- 7 janvier 2022 : livraison de 1 009 animaux de compagnie (dont 119 hamsters dorés) à l'entrepôt et transfert de certains de ces hamsters importés vers différentes animaleries de Hong Kong ;

- 11 janvier 2022 : premiers symptômes chez le patient 1 (employé de l'animalerie A) ;

- 12 janvier 2022 : premiers symptômes chez le patient 2 ;

- 15 janvier 2022 : test RT-PCR positif chez le patient 1 ;

- 16 janvier 2022 : second test RT-PCR positif chez le patient 1 confirmant la Covid-19;

- 17 janvier 2022 : test RT-PCR positif chez le patient 2 ; premiers symptômes chez le patient 3 (père) et enquête dans l'animalerie A ;

- 18 janvier 2022 : test RT-PCR positif chez le patient 3 et enquête dans l'entrepôt de l'animalerie ; suivi de l'enquête de l'animalerie A ;

- 19 janvier 2022 : second test RT-PCR positif de confirmation chez le patient 3 ; patient 4 (fille) et patient 5 (fils) asymptomatiques mais positifs au test RT-PCR ; suivi de l'enquête dans l'entrepôt de l'animalerie et enquêtes dans les animaleries B, C, D et F de Hong Kong ; le gouvernement ordonne le rappel et l'élimination des hamsters ;

- 20 janvier 2022 : deux hamsters testés positifs pour la Covid-19 dans l'animalerie C ;

- 21 janvier 2022 : patients 4 et 5 confirmés positifs par un second test RT-PCR.

Génomes viraux similaires

L'étude du génome viral des virus identifiés dans les cas humains et animaux sont similaires mais non identiques. Les génomes des cas humains peuvent différer de 1 à 13 nucléotides de ceux des hamsters.

Le virus du patient 1 diffère de celui des patients 2 et 3 de 5 nucléotides. C'est pourquoi les auteurs concluent à une contamination directe dans l'animalerie A par les hamsters pour ces cas humains et non à une contamination inter-humaine par l'employé de l'animalerie A (différence d'un nucléotide entre quelques virus de hamsters et celui du patient 1 et trois nucléotides de différence entre l'échantillon 7 d'un hamster et le virus des patients 1 et 2).

Comme le patient 3 n'a pas visité l'animalerie, il y a eu ensuite une contamination inter-humaine au sein de la famille des patients 2 à 5.

En conclusion, selon les auteurs chinois de cet article, il y aurait eu introduction à Hong Kong via le commerce international de hamsters dorés du variant Delta du Sars-CoV-2 en provenance des Pays-Bas.

Il s'agirait alors de la deuxième preuve d'une transmission naturelle du Sars-CoV-2 à l'Homme à partir d'un réservoir animal, après le vison, mais aussi de la première démonstration d'une transmission inter-humaine de ce virus après une transmission par l'animal.

Cependant, il convient de souligner qu'il s'agit d'une étude en préprint c'est-à-dire qui n'a pas encore été évaluée. Cette étude est donc susceptible d'être refusée ou d'être amendée de manière conséquente.

En effet, il s'avère que les analyses génétiques et phylogénétiques comportent plusieurs biais qu'il conviendra de résoudre dans une éventuelle version révisée.

Analyses complémentaires nécessaires

Citons, rapidement, quelques points :

- une analyse phylogénétique de séquences aussi proches n'est pas pertinente et peut aboutir à des positionnements erronés ; une analyse fine des séquences (mutations synonymes, signatures moléculaires, localisation des mutations...) les unes avec les autres aurait été plus appropriée ;

- la comparaison des mutations non silencieuses aurait dû être réalisée en utilisant des séquences de Hong Kong comme séquences de référence et non des séquences de Tchéquie ;

- l'interprétation basée sur le nombre de mutations est critiquable ; on remarque, en effet, que les séquences du Canada, des États-Unis, de Belgique, des Pays-Bas, de Tchéquie... présentent très peu de mutations les unes avec les autres alors qu'elles sont issues de régions géographiques très éloignées ;

- les séquences importées de Hong Kong, datant de fin novembre et début décembre, sont positionnées à la racine de l'arbre présenté dans le préprint, ce qui suggère qu'elles pourraient parfaitement être à l'origine des contaminations des patients 1 et 2, voire des hamsters ; une circulation « silencieuse » du virus à partir de ces cas ne doit donc pas être écartée.

Plusieurs autres points pourraient être soulevés.

En l'état actuel des données présentées, cette étude ne montre donc, de manière certaine, que l'infection des hamsters, ce qui, en raison du caractère hautement zoonotique du virus, n'a rien d'original ni de surprenant. Plus on cherche le virus chez les animaux, plus on va le trouver... Sans des analyses complémentaires, évoquer une infection en retour de l'Homme constitue une sur-interprétation des données, même si, il est vrai, le contexte épidémiologique est troublant.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1605

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