Ruptures d'approvisionnement de médicaments : publication d'un guide de bonnes pratiques
Mercredi 19 Décembre 2018 Entreprise 31512Le guide précise les actions à mener par chaque professionnel « pour assurer la meilleure gestion possible des stocks des médicaments vétérinaires en situation de rupture ».
© David Quint
Michel JEANNEY
Médicament vétérinaire
Pour faire face aux ruptures de stocks de médicaments répétitives ayant un impact direct sur la médecine vétérinaire en France, l'Agence nationale du médicament vétérinaire a mené une réflexion avec les acteurs concernés, qui a abouti à la rédaction de bonnes pratiques. Autant de règles de bon sens qui ne semblent pas, cependant, devoir résoudre définitivement le problème.
L'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a annoncé, le 5 décembre, la publication de Bonnes Pratiques pour la gestion des ruptures d'approvisionnement d'un médicament vétérinaire.
« Ces dernières années, des ruptures de stocks sont constatées de façon répétitive et ont un impact direct sur la médecine vétérinaire en France », explique l'ANMV. « Afin d'améliorer les pratiques de gestion de ces ruptures, d'en améliorer la communication, voire de les anticiper, un groupe de travail a été constitué avec des représentants de l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament vétérinaire. »
Les travaux se sont déroulés au cours du premier semestre de cette année, explique l'agence. Les discussions se sont orientées, dans un premier temps, autour de la définition des ruptures, ruptures avérées et critiques. Dans un second temps, la mission a consisté à préciser les actions de chacun et à établir des règles de communication, en cas de rupture, entre les différents acteurs de la chaîne du médicament vétérinaire.
Ces travaux ont abouti à la rédaction de bonnes pratiques, qui sont des règles de bon sens mais qui ne semblent pas devoir résoudre le problème en profondeur, selon les représentants vétérinaires (lire l'interview d'Eric Lejeau ci-après).
Elles précisent les actions à mener par chaque professionnel « pour assurer la meilleure gestion possible des stocks des médicaments vétérinaires en situation de rupture », selon l'ANMV.
Éviter le sur-stockage
Ainsi, le document préconise à l'échelle de l'ayant droit subissant la rupture « d'adapter le stock au prévisionnel de délivrance, d'utiliser les médicaments vétérinaires jusqu'à péremption, d'éviter toute pratique de sur-stockage qui pourrait entraîner un déséquilibre du marché et de recourir à l'importation en initiant une demande auprès de l'ANMV ».
Le laboratoire exploitant est, lui, incité « à déclarer les ruptures susceptibles d'être critiques le plus en amont possible et rechercher avec l'ANMV des solutions pour prévenir ou faire face à ces ruptures ».
Il est aussi invité à « réaliser, si nécessaire et si possible, une allocation de produits lors de l'identification d'un risque de rupture avérée critique et lors du retour du médicament dans le circuit de distribution ». « Il est souhaitable d'échanger en amont avec les distributeurs en gros sur les modalités de contingentement aux ayants droit » , est-il précisé.
Ces bonnes pratiques portent également sur les échanges d'information entre les différents acteurs de la chaîne du médicament vétérinaire.
Un de ces volets précise notamment que les ruptures d'approvisionnement critiques feront l'objet d'une communication sur le site Internet de l'ANMV.
Concernant la communication avec les ayants droit, le distributeur en gros est encouragé à assurer « une bonne maîtrise de sa communication sur les ruptures à destination des clients afin d'éviter d'amplifier la situation de rupture par sur-stockage, notamment en indiquant clairement si la rupture se situe au niveau du réseau de distribution ou au niveau du laboratoire exploitant ».
Quant aux ayants droit et leurs organisations professionnelles concernées par la rupture et notamment les représentants de filière, ils peuvent être sollicités par l'ANMV « sur les conséquences sanitaires et économiques de la rupture d'un médicament vétérinaire pour la filière concernée ». ■
Encore plus d'infos !
Ces bonnes pratiques sont en ligne à l'adresse : https://bit.ly/2L0ur69
Gros plan : « Les préconisations de ce guide ne changeront rien en profondeur »
Selon Eric Lejeau, vice-président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France, trois causes majeures sont à l'origine des ruptures de médicaments à répétition qui entravent le bon fonctionnement des structures vétérinaires. Afin de remédier véritablement à la situation, il faudrait organiser la transparence vis-à-vis de ces ruptures, comme en médecine humaine, pour pouvoir anticiper.
■ La Dépêche Vétérinaire : L'Agence nationale du médicament vétérinaire vient de publier un guide de bonnes pratiques pour la gestion des ruptures d'approvisionnement d'un médicament vétérinaire. Les instances professionnelles ont-elles été consultées ?
Eric Lejeau, vice-président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France : Nous avons été à l'initiative de la réflexion autour des ruptures d'approvisionnement. L'année 2016 avait été très perturbée, surtout quant à la disponibilité des antibiotiques non critiques.
Nous avons participé à un groupe de travail lors de la journée de l'Anses* en 2017 où toutes les parties prenantes étaient représentées, des ayants droit au fabricant en passant par les distributeurs. Ensuite, nous avons été à regret écartés des discussions pour l'élaboration de ce guide.
■ D.V. : Que pensez-vous des préconisations formulées dans ce document qui visent, par exemple, à prévenir le sur-stockage chez les praticiens ?
E.L. : Les préconisations de ce guide sont du bon sens et ne changeront rien en profondeur aux phénomènes de ruptures pour les praticiens.
Quant à vouloir prévenir le sur-stockage des praticiens, c'est un peu provocateur.
Il faut rappeler que le stock immobilise de la trésorerie et a donc un coût. Chaque vétérinaire limite son stock au strict nécessaire pour fonctionner au quotidien et servir ses clients.
Ceci est facilité par la qualité du réseau de distribution qui permet souvent d'être livré plusieurs fois par semaine.
Les seuls sur-stockages existants sont organisés par les laboratoires avec des conditions commerciales alléchantes ou par des GIE en fin d'année lorsque le contrat avec X ou Y n'est pas atteint pour décrocher la remise.
■ D.V. : Quelles sont, selon vous, les causes profondes de ces ruptures à répétition qui entravent le bon fonctionnement des structures vétérinaires ?
E.L. : Nous avons identifiés trois causes majeures.
La première est liée à la disponibilité des matières premières, venant pour la grande majorité d'Inde et de Chine. Il y a régulièrement des problèmes de fabrication et de qualité.
La deuxième est le refus de lot par l'Agence nationale du médicament vétérinaire pour défaut de qualité. Ceci est protecteur quant à la garantie d'efficacité des médicaments concernés. Cette cause est cependant problématique, en particulier pour les vaccins, car le programme des chaînes de production est établi à l'année, ce qui ne laisse pas de place pour une cession de rattrapage.
La troisième est économique : le marché français est de moins en moins rentable pour l'industrie pharmaceutique, en particulier avec la pression accrue des groupements d'achats dont le périmètre est en pleine consolidation.
En période de tension sur les matières premières, on a constaté que les fabricants préfèrent orienter leur production vers des marchés plus porteurs et moins contraignants.
■ D.V. : Y a-t-il des mesures appropriées qui ne figurent pas dans ce guide et que vous appelez de vos voeux ?
E.L.: En effet, nous avions demandé depuis longtemps l'organisation de la transparence vis-à-vis de ces ruptures comme en médecine humaine.
Il s'agit pour nous de pouvoir anticiper les choix thérapeutiques alternatifs ou de solliciter des importations de produits étrangers ayant un service médical rendu identique.
L'Anses a considéré que les vétérinaires étaient irresponsables et feraient des stocks de précaution.
L'industrie serait, elle aussi, gênée par cette transparence car sa force de vente ne pourrait plus favoriser tel ou tel acteur en fonction de la date de retour en rayon du produit manquant.
Globalement, nous sommes donc perplexes sur les préconisations de ce guide et en particulier sur ce qu'il apportera concrètement au vétérinaire praticien.
Nous réfléchissons donc à organiser nous-mêmes la transparence sur ces ruptures grâce au réseau de vétérinaires praticiens.■
* Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Gros plan : 60 cas de ruptures déclarés en 2017
Selon le rapport annuel de surveillance des médicaments vétérinaires en post-AMM publié en novembre dernier par l'Anses-ANMV*, en 2017, 60 cas de ruptures ont été déclarés.
Tout comme les défauts qualité, les ruptures font en effet l'objet de déclaration auprès de l'agence.
« A travers ces déclarations, l'enjeu est de réduire le nombre, la durée, la fréquence et l'impact des ruptures avérées pour les praticiens et propriétaires d'animaux en mettant en place des solutions palliatives le plus rapidement possible », explique-t-elle.
La répartition de ces ruptures par type de médicaments montre qu'elle est similaire aux années précédentes (voir schéma).
Les déclarations concernent principalement les vaccins (46 % des ruptures), les antibiotiques (13 %) et les APE/API (12 %).
« Comme en 2016, ce sont les filières volailles-lapins (63 %) et bovins-ovins-caprins (22 %) qui sont les plus touchées », précise l'ANMV. M.J.
* Anses-ANMV : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail - Agence nationale du médicament vétérinaire.