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Risques épizootiques en élevage : d'abord les anticiper

Les intervenants ont confronté leur point de vue sur les épizooties en élevage. De gauche à droite : Jean-Baptiste Moreau (RPP), Pascal Lavergne, (député de Gironde), notre confrère Laurent Perrin (président du SNVEL), Emmanuel Bernard (président de la section Bovins d'Interbev), Christophe Moulin (président de GDS France) et Emmanuel Fontaine (secrétaire général de la FNO).

© M.L.

Maud LAFON

Débat

Comment mieux faire face aux risques épizootiques qui menacent les élevages en France ? Pour y répondre, le SNVEL*, avec l'agence d'affaires publiques RPP et le soutien de MSD Santé animale, a organisé, sous forme de table ronde, la deuxième édition des rendez-vous de santé animale, le 13 décembre, à Paris. Une concertation des acteurs et, surtout, une anticipation des maladies, dans leur épidémiosurveillance et leur gestion, font partie des solutions évoquées.

Pour leur deuxième édition, le 13 décembre, à Paris, les rendez-vous de la santé animale, événement organisé par l'agence d'affaires publiques RPP et le SNVEL* avec le soutien de MSD Santé animale, ont réuni un panel d'experts, sous la médiation de Jean-Baptiste Moreau, senior advisor chez RPP, pour dresser un état des lieux des risques épizootiques en élevage.

Pascal Lavergne, député de Gironde, notre confrère Laurent Perrin, président du SNVEL, Emmanuel Bernard, président de la section Bovins d'Interbev, Christophe Moulin, président de GDS France, et Emmanuel Fontaine, secrétaire général de la Fédération nationale ovine (FNO), ont confronté leurs points de vue sur ce sujet dont l'importance s'exacerbe avec le changement climatique.

« Le monde de l'élevage se passerait bien de ces risques tant il est déjà en situation difficile », a introduit le député, ancien éleveur bovin.

Nouveaux sérotypes de FCO

Plusieurs maladies à potentiel valence épizootique concernent actuellement la France : différents sérotypes de la FCO, dont le 8 muté qui a sévi cet été à partir du sud du Massif central et le 3 qui risque d'arriver par les pays du Nord ; la tuberculose bovine dont des cas ont été détectés dans le Sud-Ouest même si notre pays est officiellement indemne depuis 2001 ; l'influenza aviaire qui a occasionné des abattages massifs et a beaucoup coûté à la France renforçant par ailleurs les importations en provenance des grands pays producteurs comme le Brésil ; la peste porcine africaine qui se rapproche dangereusement de notre territoire ou, tout récemment et de manière explosive, la maladie hémorragique épizootique (MHE) qui a touché très rapidement presque tous les élevages des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques. FCO et MHE ont ouvert le volet des maladies vectorielles.

Toutes ces maladies ont des répercussions économiques et commerciales importantes, en entravant les échanges, mais également sociales et psychologiques pour les éleveurs touchés.

Le président du SNVEL a souligné l'évolution des épizooties de maladies contagieuses d'animal à animal vers des maladies à transmissions vectorielles plus compliquées à gérer. Il a également suggéré de revoir la structuration de l'élevage en France qui est trop dépendant des exportations, notamment de broutards vers l'Espagne et l'Italie.

Vraie synergie entre les acteurs

Certaines filières sont, par ailleurs, déjà fragilisées comme la filière ovine qui n'est autosuffisante qu'à 45 %. Le moindre impact sanitaire a donc d'emblée des conséquences importantes.

« Il faut en tirer les conséquences et mettre en place une vraie synergie entre tous les acteurs de l'élevage - éleveur, vétérinaire, organisations professionnelles, services déconcentrés de l'Etat et ministère - pour mieux anticiper ces crises », a ajouté notre confrère.

Notre consoeur Sylvie Pupulin, cheffe du bureau de la prévention des risques sanitaires en élevage à la Direction générale de l'alimentation (DGAL), a insisté sur la nécessité d'anticiper non seulement l'arrivée des différentes maladies mais aussi leur gestion et les mesures à prendre. « Il faut savoir jusqu'où on veut aller dans la lutte contre ces maladies », a-t-elle précisé.

Une difficulté particulière que connaît notre pays est la diversité de son type d'élevage et les contacts possibles entre les animaux de rente et la faune sauvage qui héberge des espèces potentiellement sensibles aux mêmes maladies.

« Nous avons un modèle sanitaire qui peut fonctionner à condition d'anticiper les crises », a ajouté Christophe Moulin.

Mauvaise utilisation de la vaccination

Si les éleveurs présents sont tous conscients de l'importance du sanitaire pour un élevage et une filière, ils ne sont pas forcément tous prêts à accepter les mesures prophylactiques imposées comme la vaccination. Par ailleurs, ils déplorent un manque d'information ou des informations erronées sur les risques épizootiques. « A l'arrivée de la MHE, les éleveurs avaient été avertis d'une « petite » maladie », a illustré Emmanuel Bernard.

D'autre part, ces maladies viennent en superposition les unes avec les autres, ce qui complique encore la situation.

Notre consoeur Armelle Cochet, adjointe à la sous-direction de la santé et du bien-être animal de la DGAL, a regretté qu'on soit encore beaucoup dans la logique sanitaire qui a prévalu lors de l'épizootie de fièvre aphteuse, en 2001, soit une logique « action/réaction » avec insuffisamment d'anticipation. « Avec le changement climatique et les maladies vectorielles, le contexte est pourtant complètement différent », a-t-elle ajouté.

« La vaccination, nous ne l'utilisons pas bien car seulement en réaction. Or la vaccination répond à une problématique filière et non élevage. Il faut en faire un outil de résilience et la tenir dans la durée », a-t-elle poursuivi.

Elle a rappelé que la France était un des plus gros pays exportateurs d'animaux en Europe, ce qui la fragilise davantage.

Tension sur le maillage vétérinaire

Autre point de faiblesse souligné par le président du SNVEL : le maillage vétérinaire sous forte tension et qui s'effiloche. « Il faut prendre conscience que, pour la gestion des prochaines crises, le premier maillon est l'éleveur avec son vétérinaire pour lancer l'alerte sur l'arrivée d'une nouvelle maladie », a-t-il insisté.

Parmi les pistes de solution apportées par les intervenants figurent un travail sur la structuration même de l'élevage français pour le rendre moins dépendant de l'extérieur, une réflexion et une anticipation sur les solutions vaccinales avec, par exemple, un stock stratégique géré au niveau de l'Union européenne, une anticipation au niveau européen de l'arrivée des maladies.

« Plus que résilients, les éleveurs sont aujourd'hui résignés face à toutes ces maladies qui se succèdent », a constaté Emmanuel Fontaine.

Des solutions concertées et synergiques entre tous les acteurs de l'élevage, dans une logique d'anticipation et une optique One health, avec une vue d'ensemble à la fois nationale, européenne et mondiale, semblent des réponses adaptées aux épizooties qui s'annoncent.

Intégrer les politiques

Il faudra aussi intégrer dans la boucle les politiques en leur rappelant qu'« il faut de la stratégie et de l'investissement à long terme », a proposé Vincent Louault, sénateur d'Indre-et-Loire, qui a annoncé un prochain rapport du Sénat sur la ferme France.

Pascal Lavergne a appelé à la mise en place d'une mission parlementaire sur ce sujet pour faire émerger des solutions et « pousser le gouvernement et les administrations par rapport à ces demandes qui émanent du terrain et des filières pour soutenir les activités d'élevage ».

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1690

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