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Révision du modèle du vétérinaire sanitaire : le moment où jamais

Si des mesures ne sont pas prises dès maintenant, après, il sera trop tard.

© David Quint

Exercice

La mise en place par le ministère de l'Agriculture de quatre journées de réflexion sous forme d'ateliers portant sur les missions du vétérinaire sanitaire de demain et sa rémunération est saluée par les organisations professionnelles vétérinaires. Le moment est important. Après, il sera trop tard.

Le ministère de l'Agriculture, en partenariat avec les organisations professionnelles vétérinaires et agricoles, organise, à partir du 2 mai, quatre journées de réflexion sous forme d'ateliers portant sur les missions du vétérinaire sanitaire de demain et sa rémunération.

Cette initiative, demandée notamment par le SNVEL*, est saluée par les représentants des vétérinaires qui estiment que le système actuel est à bout de souffle.

Le moment est important. Si des mesures ne sont pas prises dès maintenant, après, il sera trop tard. Les défections des vétérinaires en effet seront telles qu'il deviendra inutile de réfléchir à un nouveau modèle.

Celui-ci doit continuer à garantir une épidémiosurveillance des maladies animales et des zoonoses efficace et permettre une mobilisation suffisante en cas de crise sanitaire avérée.

L'originalité de cette nouvelle vague de concertation tient à la présence d'ateliers dédiés aux vétérinaires canins qui, au-delà de leur rôle habituel lié à la rage, sont appelés à être sensibilisés à d'autres missions. M.J.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

« La réforme de la rémunération des vétérinaires sanitaires est indispensable »

Notre confrère Laurent Perrin, président du SNVEL*, se félicite de la tenue des réunions de réflexion sur le vétérinaire sanitaire car la réforme de sa rémunération est selon lui indispensable au regard de l'évolution de ses missions. Il préconise un modèle mixte basée sur une part de contractualisation et une part de paiement des actes restant à réaliser.

La Dépêche Vétérinaire : Le ministère de l'Agriculture lance une série de quatre réunions de réflexion sur les missions et la rémunération du vétérinaire sanitaire, du 2 au 15 mai, dans les écoles nationales vétérinaires, associant éleveurs, vétérinaires et acteurs de l'Etat. Etes-vous satisfait de cette initiative ?

Laurent Perrin, président du SNVEL* : Plutôt qu'une initiative, ces évènements sont une réponse à la demande du SNVEL d'une indispensable réforme de la rémunération des vétérinaires sanitaires.

L'amélioration de la qualité sanitaire du cheptel vis-à-vis des maladies historiques et la menace de l'émergence de nouvelles crises ou de nouvelles maladies rendent obsolètes l'ancien contrat entre vétérinaire-Etat-éleveur qui avait fait ses preuves jusqu'alors.

D.V. : Ces réunions de réflexion sur ce thème ne sont pas les premières. En quoi, sont-elles aujourd'hui plus importantes ?

L.P. : L'évolution de la surveillance programmée incluant des allègements justifiés des prophylaxies depuis quelques campagnes réduisent fortement la rémunération globale du vétérinaire sanitaire alors que son engagement à rester compétent, vigilant quotidiennement à l'apparition de nouvelles maladies et disponible en cas de crise n'a jamais été aussi indispensable pour répondre aux nouvelles menaces sanitaires. 

D.V. : De façon inusitée, un des quatre sujets porte sur les missions du vétérinaire sanitaire auprès des détenteurs d'animaux de compagnie. Est-ce pour vous une prise de conscience de la part des autorités sur ce rôle du vétérinaire ?

L.P. : Effectivement, c'est la marque d'une nécessaire prise de conscience. Sans catastrophisme, on ne peut exclure qu'une prochaine crise sanitaire puisse avoir pour origine les animaux de compagnie et ce, d'autant plus du fait de leur intimité avec leurs propriétaires. Mais il est aussi patent que près de 70 % du maillage vétérinaire territorial est désormais constitué de vétérinaires exerçant auprès des animaux de compagnie et que leur mobilisation lors d'une prochaine crise peut être nécessaire.

Ils ont déjà, pour certains d'entre eux, été les sentinelles remontant l'apparition de certains foyers d'Influenza aviaire hautement pathogène vers les services de l'Etat. Et, plus classiquement, le rôle de nos consoeurs et confrères dans la détection du dernier cas de rage est emblématique.

D.V. : Pour vous, en quoi le dispositif vétérinaire sanitaire actuel est-il défaillant ?

L.P. : A ce jour, on ne peut pas dire que le dispositif est défaillant. Cependant, les tensions sur le maillage vétérinaire risque de le mettre à rude épreuve. Une fois de plus, la question de l'attractivité du métier de vétérinaire se trouve posée.

L'intérêt des missions confiées au vétérinaire sanitaire est la condition sine qua none du maintien d'un réseau de surveillance efficace et d'une force de frappe réactive en cas de crise. L'intérêt passe par la reconnaissance économique des missions assurées mais aussi par des relations plus étroites et plus empreintes de respect avec les services de l'Etat.

D.V. : Peut-on envisager de nouvelles missions pour le vétérinaire sanitaire et lesquelles ?

L.P. : En premier lieu, il faut reconnaître les missions qui sont déjà assurées par les vétérinaires sanitaires, par exemple l'épidémiosurveillance réalisée au cours de leur exercice quotidien. Mais aussi enfin élargir, comme cela avait été évoqué sans suite dans l'ordonnance du 22 juillet 2011, le périmètre de l'habilitation sanitaire : surveillance des circuits courts, bien-être animal, biosécurité...

D.V. : Les enjeux autour de la rémunération du vétérinaire sanitaire seront déterminants pour le maintien d'un maillage de vétérinaires sanitaires suffisant. Quels grands types de solutions allez-vous proposer ?

L.P. : Notre activité de soins, de prévention, d'action sanitaire auprès d'éleveurs de plus en plus performants et techniques évolue vers un nouvel équilibre entre un besoin d'interventions ponctuelles qui réduit au profit d'une demande de suivi ou de conseils en augmentation.

Il faut se rendre à l'évidence que la rémunération exclusivement basée sur une facturation à l'acte est désormais obsolète. Il est nécessaire d'inventer un modèle mixte basée sur une part de contractualisation et une part de paiement des actes restant à réaliser.

Pour ce qui est des coûts, il faut réfléchir à leur juste répartition entre les différents bénéficiaires du maintien de l'excellence du statut sanitaire du cheptel français : les éleveurs, l'Etat, les filières, les consommateurs, les citoyens. 

De même, la question d'une mutualisation des coûts peut être posée : est-il juste par exemple que la charge du maintien du statut sanitaire de la France vis-à-vis de la tuberculose ne repose que sur les éleveurs des secteurs encore touchés par cette maladie alors qu'il est indispensable à tous les éleveurs du pays ?

D.V. : Malgré les inerties passées sur ce thème, êtes-vous davantage optimiste aujourd'hui ?

L.P. : J'estime que nous sommes arrivés au bout du système et, si des mesures ne sont pas prises maintenant et ce, avant le début de la prochaine campagne de prophylaxie, les défections des consoeurs et confrères seront telles que travailler sur un nouveau modèle n'aura plus d'intérêt. Comme pour le maillage vétérinaire, il est avéré désormais que l'anticipation des problèmes est l'alpha et l'oméga de la résolution de ceux-ci.

Nous n'en sommes plus à l'anticipation, malheureusement, mais la responsabilité des différents acteurs doit nous permettre de trouver les solutions pour maintenir ce réseau des vétérinaires sanitaires au service de tous qui a su faire ses preuves mais doit être rénové au vu des nouveaux enjeux.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral. 

« Le vétérinaire sanitaire canin a un rôle important à jouer dans la détection, la surveillance et la prévention des zoonoses »

A l'initiative du SNVEL*, le ministère de l'Agriculture, en partenariat avec les organisations professionnelles vétérinaires et agricoles, organise des ateliers de réflexion sur les missions du vétérinaire sanitaire de demain et sa rémunération (lire DV n° 1659). Il importera notamment de sensibiliser les vétérinaires canins, moins coutumiers de ce volet de leur exercice que les vétérinaires ruraux, à ces missions d'importance pour la santé publique dans un monde où 60 % des pathogènes sont zoonotiques. C'est ce que souligne notre confrère Henri Touboul, formateur SNGTV** dans le cadre de la formation des vétérinaires sanitaires sur la rage et I-Cad.

La Dépêche Vétérinaire : De façon inusitée, les missions du vétérinaire sanitaire auprès des détenteurs d'animaux de compagnie constitueront un sujet à part entière dans la série des quatre réunions sur les missions et la rémunération du vétérinaire sanitaire organisées prochainement par le ministère de l'Agriculture. En quoi est-ce important qu'une réflexion sur un tel sujet puisse être entamée ?

Henri Touboul, formateur SNGTV** dans le cadre de la formation des vétérinaires sanitaires sur la rage et I-Cad : Contrairement au vétérinaire rural qui a un rôle économique important pour la pérennité de l'élevage français et la sécurité sanitaire des aliments d'origine animale, le vétérinaire canin intéressait peu les pouvoirs publics jusque-là, exception faite pour la gestion de la rage.

Mais, dans un monde où les zoonoses prennent de plus en plus d'importance puisqu'elles sont à 75 % responsables des pathogènes émergents et que 60 % des pathogènes humains sont zoonotiques, le vétérinaire sanitaire canin a un rôle important à jouer dans la détection, la surveillance et la prévention des zoonoses qui pourraient être transmises par les chats, les chiens ou des Nac.

D'autant que ces animaux ont des liens de plus en plus étroits avec les humains. Le vétérinaire canin a un rôle important aussi dans l'information du public et notamment des propriétaires d'animaux.

Il est donc important de définir sur quoi porteront les missions que lui confiera l'administration, c'est assez clair pour la rage par exemple, mais quid pour d'autres maladies, et lesquelles ? 

D.V. : A votre avis, les confrères canins sont-ils suffisamment sensibilisés à leur rôle potentiel en tant que vigie sanitaire auprès du public ?

H.T. : Bien sûr que non. Pour la grande majorité d'entre eux, ils n'ont pas la culture des réseaux d'épidémiosurveillance car ils n'ont pas la pratique des grandes prophylaxies qu'ont connues les vétérinaires ruraux. Mais on voit, avec le Respe***, que d'autres (les équins) qui n'avaient pas cette culture ont su mettre en place un réseau d'épidémiosurveillance. Donc tout est possible.

ll faut sensibiliser les vétérinaires canins et les indemniser de ce temps passé à se former. Par exemple, contrairement aux ruraux, les canins ne sont pas indemnisés lors des formations des vétérinaires sanitaires (ou plutôt c'est à la bonne volonté des DDPP****).

D.V. : Quelles sont pour vous les pistes d'évolution qui mériteraient d'être envisagées pour améliorer le rôle du vétérinaire sanitaire vis-à-vis des détenteurs d'animaux de compagnie, notamment du point de vue de leur rémunération ?

H.T. : La première question à se poser sera de savoir ce que l'Etat attend des vétérinaires canins (hormis ce qui existe déjà), n'oublions pas que le vétérinaire sanitaire est un vétérinaire habilité par l'Etat et à qui il délègue des missions.

E nsuite, il faudrait créer des réunions départementales réunissant les vétérinaires canins purs et mixtes d'un côté et la DDPP de l'autre. Bien souvent, les canins ne connaissent pas leur DDPP et on s'aperçoit lors des réunions de formation des vétérinaires sanitaires que ceux-ci (enfin ceux qui viennent à ces réunions) trouvent toujours très intéressants ces échanges entre l'administration et les patriciens.

Enfin, quelle rémunération pour ces actions ? Est-ce uniquement une rémunération libérale ? C'est-à-dire à la charge des propriétaires d'animaux de compagnie, comme c'est le cas actuellement dans la prévention de la rage par la vaccination ou la surveillance des chiens mordeurs ou importations illégales, ou est-ce que l'Etat décidant que le vétérinaire canin doit se former sur des thèmes précis et que de plus on lui confie certaines missions, on doit envisager un nouveau modèle de vétérinaire sanitaire canin et la rémunération qui l'accompagne ?

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

** SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

*** Respe : Réseau d'épidémiosurveillance en pathologie équine.

**** DDPP : Direction départementale de la protection des populations.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1660

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