Réduction de la mortalité et de l'incidence des maladies chez le veau laitier grâce aux oligo-éléments injectables
Samedi 18 Septembre 2021 Rurale 41702© Pascale Bradier-Girardeau
Pierre BESSIERE
L'auteur de cet article déclare ne pas avoir de lien d'intérêt avec le sujet traité.
L'administration d'oligo-éléments dans les premières heures de vie des veaux semble être tout à fait prometteuse.
De nouvelles études pourraient permettre de confirmer ces résultats et explorer les mécanismes cellulaires sous-jacents.
Cette supplémentation en oligo-éléments peut venir compléter d'autres moyens éprouvés pour réduire la mortalité et la morbidité chez le veau nouveau-né : la réduction du stress, la qualité de la prise colostrale, et des conditions environnementales adaptées.
Conséquences sur la santé des carences en oligo-éléments
En 2006, une étude rétrospective publiée par l'école nationale vétérinaire de Toulouse, à partir des données récoltées dans plus de 2000 troupeaux bovins laitiers, révélait que des carences en oligo-éléments, même légères, pouvaient engendrer des troubles de la santé, chez l'adulte comme chez le jeune (Enjalbert et al., 2006). Par exemple, les déficits en sélénium étaient fortement corrélés à un mauvais état général des veaux et avec un risque accru de myopathie ou d'infection. De même, les carences en zinc étaient associées à la survenue de troubles diarrhéiques et une croissance diminuée.
Les premiers jours de vie des veaux représentent une période particulièrement critique. La mortalité péri-natale (la mortalité des veaux nés à terme, entre la naissance et les premières quarante-huit heures de vie) varie entre 3 et 9 % selon les pays. La mortalité des veaux morts entre trois jours et huit mois d'âge représente environ un tiers de la mortalité totale. Les veaux nouveau-nés ont un système immunitaire encore naïf, ce qui les rend particulièrement sensibles aux infections. En cas de transfert colostral insuffisant, cette sensibilité est d'autant plus marquée.
L'efficacité de la réponse immunitaire dépend également de la présence d'oligo-éléments, qui sont impliqués dans de très nombreux processus biologiques, dont l'immunité.
Un grand nombre de facteurs peut compromettre la capacité des bovins à stocker les oligo-éléments. Parmi eux, divers facteurs de stress, qui peuvent conduire à une consommation accrue (via les phénomènes oxydatifs engendrés) et, à terme, à l'apparition de signes cliniques. Ces éléments ont poussé différentes équipes de recherche à investiguer les effets bénéfiques d'une injection de quatre oligo-éléments (le zinc, le cuivre, le manganèse et le sélénium) chez le veau laitier nouveau-né.
Recherche sur les effets de l'administration d'oligo-éléments
C'est en 2014 que la toute première étude à ce sujet a été publiée (Teixeira et al., 2014). Une équipe de recherche américaine a réparti environ 800 veaux (élevés dans deux élevages laitiers commerciaux) dans deux groupes : un groupe recevant une injection sous-cutanée d'oligo-éléments aux jours 3 et 30 suivant la naissance, et un groupe témoin sans traitement.
Si aucune différence concernant la mortalité ou le gain de poids n'a été observée entre les deux groupes, une incidence significativement plus faible de la diarrhée (41,7 % vs 49,7 %), des otites et des pneumonies (41,6 % vs 49,1 %) a été mise en évidence chez les animaux traités. Des prélèvements sanguins ont montré que l'apport d'oligo-éléments améliorait la capacité des neutrophiles à phagocyter les bactéries et renforçait les fonctions anti-oxydantes.
Des travaux similaires ont été publiés plus récemment par des chercheurs et des vétérinaires néo-zélandais, à partir des résultats obtenus sur le suivi d'environ un millier de veaux laitiers (Bates et al., 2019). La moitié d'entre eux recevait, dans les vingt-quatre premières heures de vie, une première injection d'oligo-éléments, réalisée par les éleveurs. Deux autres injections étaient réalisées, 35 et 70 jours après la naissance. Des données sur la morbidité et la mortalité étaient ensuite collectées pendant 140 jours. Comme dans l'étude précédente, la morbidité était significativement diminuée chez le groupe bénéficiant d'une supplémentation injectable en oligo-éléments (7,5 % vs 15,6 %), avec notamment une moindre fréquence des troubles diarrhéiques. Concernant le gain de poids et la mortalité périnatale (0 - 48h), aucune différence n'était observée.
En revanche, ces travaux ont révélé une remarquable différence concernant la mortalité cumulée sur la période de 140 jours, avec une diminution de plus de 50 % dans le groupe traité par rapport au témoin. En effet, les auteurs ont observé 10,4 % de mortalité chez les animaux du groupe témoin, contre 4,4 % chez les animaux ayant reçu les injections d'oligo-éléments.
Cette même équipe, dans un article publié en 2020, a également confirmé l'effet bénéfique d'une supplémentation ponctuelle sur la capacité des neutrophiles à phagocyter les bactéries (Bates et al., 2020) (cf. fig.1).
Quelques limites
Bien que prometteurs, ces résultats doivent toutefois être analysés avec prudence. Le suivi clinique n'était pas réalisé par des vétérinaires, mais par le personnel travaillant dans les élevages.
Les auteurs des études reconnaissent que cela a pu conduire à des imprécisions dans le calcul de la morbidité et de la mortalité.
Dans l'étude néo-zélandaise, le groupe témoin comprenait une plus grande proportion de veaux issus de mères primipares, ce qui a également pu avoir une influence non négligeable sur les résultats. En effet, certaines études indiquent que la mortalité périnatale est augmentée sur les veaux issus de primipares.
Perspectives de recherche
Les études décrites ici sont observationnelles et peuvent être entachées de biais (en particulier ceux décrits ci-dessus). Les auteurs ont observé d'une part un meilleur état de santé des animaux, et d'autre part, un système immunitaire plus performant, mais il manque des éléments pour prouver un lien de causalité entre les deux types d'observations.
La réalisation d'autres études, par exemple par la réalisation d'infections expérimentales quelques jours après l'injection d'oligo-éléments, permettrait de vérifier leurs effets et éventuellement de mieux caractériser le rôle de ces derniers. D'autres pistes de recherche, comme la supplémentation pendant la gestation, seraient également bienvenues.