BI Journée mondiale des vétérinaires

Prurit cervico-facial et augmentation des vomissements chez un chat suite à l'administration d'un traitement hyperthyroïdien : quel est votre avis ?

Une réaction idiosyncrasique faisant suite à l'administration de thiamazole est suspectée et l'administration du médicament est interrompue.

© Corinne Piquemal

Corinne PIQUEMAL1

Sylviane LAURENTIE1

1 Anses-ANMV*- Département Inspection, Surveillance du Marché et Pharmacovigilance (35306 Fougères Cedex)

Exposé

Le 1er septembre, un chat âgé de 14 ans est amené en consultation car ses propriétaires ont constaté qu'il présente une perte de poids associée à de la polyphagie, de l'hyperactivité, quelques vomissements et une PUPD modérée. Son état général est jugé correct et l'animal est à jour de ses traitements antiparasitaires externes et internes.

Suite à la réalisation d'un bilan sanguin complet (NF + biochimie), une hyperthyroïdie est diagnostiquée par le vétérinaire. Un traitement à base de thiamazole (5 mg par jour) sous forme de solution buvable est alors prescrit. Le 1 er octobre, l'animal est à nouveau amené chez le vétérinaire car la fréquence des vomissements a augmenté. En outre, le chat présente un intense prurit localisé au niveau de la tête et du cou, associé à l'apparition de plaies croûteuses et érythémateuses.

Le propriétaire précise que l'animal a déjà développé des symptômes similaires un an auparavant suite à la mise en place d'un premier traitement visant à réguler son hyperthyroïdie, qui avait déjà été détectée par un autre praticien.

Une réaction idiosyncrasique faisant suite à l'administration de thiamazole est alors suspectée et l'administration du médicament est interrompue. Une antibiothérapie, une corticothérapie ainsi que des soins locaux sont alors prescrits à l'animal pour les lésions cutanées. Un traitement à base de métoclopramide est également prescrit afin de réguler les vomissements. Le 10 octobre, au contrôle, le prurit a disparu et le chat ne présente plus de vomissements.

Quel est votre avis ?

L'avis du pharmacovigilant

Le délai d'apparition des signes cliniques, leur arrêt suite à l'interruption du médicament ainsi que leur réapparition après reprise du même traitement sont très en faveur d'un effet du médicament.

Le prurit sévère qui peut être associé à l'apparition d'excoriations au niveau de la tête et du cou, ainsi que les vomissements, sont des effets secondaires décrits dans le résumé des caractéristiques du produit administré. Par ailleurs, plusieurs cas similaires ont été rapportés dans la base de donnée de l'ANMV.

Les données de la littérature rapportent des effets indésirables fréquents mais de gravité globalement modérée apparaissant dans les 4 à 8 semaines suivant la mise en place du traitement et plus rarement après 2 à 3 mois 1 . Il ne semble pas exister de relation entre la dose de thiamazole administrée 2 ou la fréquence d'administration 3 et l'apparition d'effets indésirables.

Les signes cliniques les plus fréquemment cités demeurent les troubles de l'appétit, les vomissements et la léthargie survenant chez 10 à 35 % des animaux traités2 ,4. Le prurit cervico-facial qui, lorsqu'il est sévère, peut conduire à l'apparition d'excoriations, a quant à lui été rapporté chez près de 4 % des chats traités avec des anti-thyroïdiens dans l'étude de Peterson2.

Il semblerait que la mise en place d'une corticothérapie puisse diminuer la sévérité des lésions mais en cas de persistance des automutilations, l'arrêt du traitement est préconisé1. L'administration de thiamazole chez les félins peut par ailleurs engendrer une hépatotoxicité5 ainsi que des troubles hématologiques (éosinophilie, lymphocytose, neutropénie, lymphopénie, leucopénie légère, agranulocytose, thrombocytopénie ou anémie hémolytique)1, 2 ,6.

Dans ces cas, et en fonction de la gravité des anomalies détectées, une interruption du traitement peut être nécessaire. L'administration d'antithyroïdiens de synthèse peut également révéler une insuffisance rénale sous-jacente, ou l'aggraver8, suite à une baisse du débit de filtration glomérulaire.

Un changement de traitement pour du carbimazole chez les animaux ayant présenté des effets indésirables suite à l'administration de thiamazole est déconseillé. En effet, le carbimazole est métabolisé en thiamazole par l'organisme7.

Dans ce cas, aucune autre cause expliquant l'apparition des signes cliniques n'ayant été identifiée, le rôle du thiamazole a finalement été jugé probable (imputation A).

Par leurs déclarations de pharmacovigilance, les vétérinaires contribuent à une amélioration constante des connaissances sur les médicaments et permettent ainsi leur plus grande sécurité d'emploi. Contribuez à cette mission en déclarant sur le site : https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr

* Anses-ANMV : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail-Agence nationale du médicament vétérinaire.

Pour en savoir plus sur les effets indésirables des antithyroïdiens : Keryvin C, Begon E, Burger M, et coll. Antithyroïdiens de synthèse : étude des effets indésirables. Le Point Vétérinaire, 2017 ;48(377), p36-41.

Bibliographie

1 Feldman EC, Nelson RW. Feline hyperthyroidism (Thyrotoxicosis) In: Canine and Feline Endocrinology and Reproduction. 3rd ed. Elsevier Saunders, St Louis. 2004: 196-201.

2 Peterson ME, Kintzer PP, Hurvitz AI. Methimazole treatment of 262 cats with hyperthyroidism. J Vet Intern Med. 1988 Jul-Sep;2(3):150-7.

3 Trepanier LA, Hoffman SB, Kroll M, Rodan I, Challoner L. Efficacy and safety of once versus twice daily administration of methimazole in cats with hyperthyroidism. J Am Vet Med Assoc. 2003 Apr 1;222(7):954-8.

4 Frénais R, Burgaud S, Horspool LJ. Pharmacokinetics of controlled-release carbimazole tablets support once daily dosing in cats. J Vet Pharmacol Ther. 2008 Jun;31(3):213-9.

5 Daminet S, Kooistra HS, Fracassi F, Graham PA, Hibbert A, Lloret A, Mooney CT, Neiger R, Rosenberg D, Syme HM, Villard I, Williams G. Best practice for the pharmacological management of hyperthyroid cats with antithyroid drugs. J Small Anim Pract. 2014 Jan;55(1):4-13.

6 Sartor LL, Trepanier LA, Kroll MM, Rodan I, Challoner L. Efficacy and safety of transdermal methimazole in the treatment of cats with hyperthyroidism. J Vet Intern Med. 2004 Sep-Oct;18(5):651-5.

7 Trepanier LA, Peterson ME, Aucoin DP. Pharmacokinetics of methimazole in normal cats and cats with hyperthyroidism. Res Vet Sci. 1991 Jan;50(1):69-74.

8 Scott-Montcrieff JCR. Feline hyperthyroidism. In: Feldman EC, Nelson RW. Reusch CE et coll. Canine and feline endocrinology. 4th ed. 2015. Elsevier Saunders, St Louis. 2015:136-195.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1628

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