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Proposition de loi Bien-être : une consécration du vétérinaire comme acteur central de la protection animale, selon Jacques Guérin

Selon Jacques Guérin, président du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, le durcissement des sanctions pénales n'est que la conséquence logique et naturelle de l'évolution du statut de l'animal dans la société.

© D.R.

A la suite du dépôt d'une proposition de loi (DV n° 1537) pour lutter contre la maltraitance faite aux animaux de compagnie (https://bit.ly/3iOXLfN), La Dépêche Vétérinaire va à la rencontre des organisations professionnelles afin de connaître l'accueil réservé à cette proposition. Jacques Guérin, président du CNOV*, considère que l'acquisition d'une attestation par les futurs proprié taires n'est pas très éloignée de la notion connue des vétérinaires du consentement éclairé.

La Dépêche Vétérinaire : Que pensez-vous du durcissement des sanctions pénales pour actes de maltraitance prévu par la propositionde loi ?

Jacques Guérin, président du CNOV* : Le durcissement des sanctions pénales n'est que la conséquence logique et naturelle de l'évolution du statut de l'animal dans la société traduite dans la loi. 

Depuis 2000, l'article L214-1 du CRPM** consacre l'animal en tant qu'être sensible puis le Code civil, en 2015, par son article 515-14, définit les animaux comme des êtres vivants doués de sensibilité quoique soumis au régime des biens. 

Désormais, l'animal de compagnie est un membre à part entière du foyer familial. L'élevage et l'acquisition d'un animal de compagnie doivent être régis par des règles propres, distinguant l'animal de compagnie d'une marchandise comme les autres. Il apparaît ainsi légitime qu'une protection pénale soit plus affirmée pour ce bien très particulier qu'est l'animal, tout en considérant que les sanctions pénales ne peuvent constituer la seule réponse à la maltraitance des animaux. 

D.V. : Comment percevez-vous la proposition d'élargissement du mandat sanitaire des vétérinaires ?

J.G. : L'article 4 de la proposition de loi a pour objet d'élargir les missions du vétérinaire sanitaire. Il actualise les interventions que le détenteur d'un animal de compagnie est tenu de faire procéder telles que prévues aux articles L. 212-10 et L. 203-1 du même code. 

En d'autres termes, l'article 4 élargit les missions du vétérinaire sanitaire à toutes les identifications des chiens et chats. L'article 8 quant à lui impose une évaluation comportementale pour tous les chiens de moins de 1 an par un vétérinaire sanitaire habilité.

Un des intérêts de cette proposition est qu'elle promeut le rôle du vétérinaire sanitaire auprès des animaux de compagnie en lui donnant une matérialité au-delà de la seule surveillance de la rage. 

Par le vétérinaire sanitaire, il est établi un lien fort entre le détenteur, l'État et le vétérinaire dont la modulation se renforce dès lors que le statut du vétérinaire passe d'habilité à mandaté. 

Investi d'un mandat, le vétérinaire est au service de l'État et du bien public pour l'exécution de missions d'intérêt général telles que le dépistage des maladies animales réglementées, les opérations de lutte et d'éradication de ces maladies ou la protection animale.

D.V. : Selon vous, quel impact sur la responsabilisation des propriétaires aura l'acquisition d'une attestation de connais ­sances minimales ?

J.G. :  Il est difficile de se prononcer sur ce point avant la parution du décret. Néanmoins, certains rappels réglementaires sur les conséquences de l'adoption d'un animal de compagnie, tant au niveau des responsabilités (alimentation, conditions de vie, pénalisation des mauvais traitements, de l'abandon, ...) que sur le plan budgétaire, pourraient se révéler utiles pour éviter l'achat d'impulsion d'un animal qui n'est pas un meuble.

Il s'agit bien de dispenser une information a priori de nature à responsabiliser le futur détenteur de l'animal avant qu'il ne s'engage pour une dizaine d'années en faisant l'acquisition d'un animal de compagnie. Cette proposition n'est pas très éloignée de la notion connue des vétérinaires du consentement éclairé.

D.V. : Pensez-vous que ces propositions permettent de lutter efficacement contre la maltraitance faite aux animaux de compagnie ? Ces propositions vous semblent-elles applicables au quotidien ?

J.G. : La malveillance faite aux animaux de compagnie est une notion juridique, convenons-le, floue, trop souvent laissée à l'appréciation ou à la perception du juge. 

Elle est un champ d'actions, parfois d'activisme et de militantisme qu'une diversité de personnes, d'associations ou d'organisations non gouvernementales s'approprient de manière plus ou moins satisfaisante. 

Dès lors, l'intervention du législateur devient nécessaire et indispensable pour apporter un cadre à ce qui n'est pas admissible dans une société civilisée : la maltraitance des animaux.

Prenons l'exemple des chiens dangereux. Il s'agit en se reposant sur le retour d'expérience de corriger les erreurs d'appréciation qui ont été préalablement faites et de traiter les contournements connus de la loi.

La loi sera efficace dès lors que ses dispositions seront claires et comprises mais aussi dès lors que l'Etat se donnera les moyens de contrôler sa bonne application et de sanctionner les manquements.

La question n'est pas tant celle de savoir si les propositions sont applicables au quotidien mais plutôt celle de savoir si elles sont comprises et acceptées par les différents acteurs du secteur des animaux de compagnie. 

L'application au quotidien consiste en la résolution de questions techniques, d'évolutions de protocoles et de la relation entre les détenteurs et les vétérinaires pour ce qui concernent la santé des animaux. 

La profession vétérinaire a toujours eu une forte capacité d'adaptation et de résilience à partir du moment où elle n'est pas confrontée au mur du refus.

D.V. : Selon vous, quels seraient les répercussions de ces propositions sur la pratique vétérinaire en animaux de compagnie ?

J.G. : Tout d'abord, il me semble que ce projet de loi consacre le rôle du vétérinaire en tant qu'acteur central de la protection animale. Il est le professionnel de la santé animale le mieux à même d'agir au quotidien dans l'intérêt des animaux de compagnie (prévention, santé, protection).

Il reviendra certainement au législateur, en concertation avec la profession vétérinaire, de préciser la délicate question du secret professionnel et de l'équilibre nécessaire entre le devoir d'alerte et la confiance, ciment de la relation de soins qui s'instaure entre le vétérinaire praticien et le détenteur de l'animal.

L'habilitation du vétérinaire sanitaire, si nécessaire le mandatement, sont deux leviers sur lequel il convient que le projet de loi s'appuie pour gagner en efficience. 

* CNOV : Conseil national de l'Ordre des vétérinaires.

** CRPM : Code rural et de la pêche maritime.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1537

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