Profession vétérinaire : quel avenir pour la rurale en France ?
Vie de la profession 52492Les récentes difficultés rencontrées pour fixer la tarification des prophylaxies témoignent d'une certaine lassitude des praticiens vis-à-vis de leurs missions sanitaires.
© David Quint
Corinne DESCOURS-RENVIER
Prospective
Après la désertification médicale, la désertification vétérinaire est devenue une source d'inquiétude pour les pouvoirs publics. Le maintien du maillage vétérinaire est pourtant un enjeu majeur en santé animale, santé publique et sécurité sanitaire des aliments. Aujourd'hui, le défi dans les zones rurales est à la fois de soutenir les praticiens en exercice et de donner envie aux jeunes diplômés de s'y installer. Un challenge que la profession vétérinaire ne pourra pas relever seule.
Alors que les Assises du sanitaire animal ont été lancées le 30 janvier par la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, c'est le moment de s'interroger sur l'avenir du vétérinaire en productions animales. Comme celle des médecins généralistes, la diminution du nombre de vétérinaires exerçant en zone rurale ces dernières années est préoccupante. La faible densité de praticiens dans certains endroits engendre déjà des difficultés d'accès aux soins dans les élevages.
En 2022, une étude réalisée par VetEconomics* sur l'accessibilité et la disponibilité des vétérinaires soignant les animaux de production quantifiait pour la première fois le manque de praticiens dans ce secteur. L'offre de soins vétérinaires était alors jugée insuffisante dans 75,3 % des cantons en France métropolitaine selon des critères définis par le ministère de l'Agriculture*.
« Depuis, la situation s'est aggravée pour de multiples raisons », constate notre confrère Matthieu Mourou (Conseil national de l'Ordre des vétérinaires). « Les territoires où les éleveurs de bovins et de petits ruminants rencontrent des difficultés pour mettre en place la prophylaxie des maladies réglementées ou faire soigner leurs animaux sont de plus en plus nombreux »*.
L'Ordre national des vétérinaires développe actuellement un outil informatique permettant de suivre la continuité des soins des animaux en France*. Le module « Observatoire » de ce dispositif servira notamment à identifier les zones en tension.
Vétérinaires ruraux de moins en moins nombreux
Dans la dernière édition de l'Atlas démographique de la profession vétérinaire*, publiée en 2024, 6 428 vétérinaires inscrits à l'Ordre des vétérinaires déclarent une compétence pour les animaux de rente contre 6 473 en 2022. La tendance à la baisse a donc repris en 2023, malgré le léger rebond observé entre 2020 et 2021 (figure n° 1).
La population des vétérinaires qui déclarent plus spécifiquement un exercice exclusif au profit des animaux de rente ou une activité mixte à prédominance animaux de rente continue de reculer en 2023. Désormais, ils ne représentent plus que 15,2 % des inscrits à l'Ordre contre 16,4 % en 2022 (figure n° 2).
La situation varie toutefois selon les régions (figure n° 3). A titre d'exemple, la Bretagne, riche en élevages, s'est longtemps crue protégée des tensions. Pourtant, deux de ses départements, le Finistère et l'Ille-et-Villaine, sont désormais concernés par le manque de vétérinaires*.
Ce phénomène s'inscrit dans le cadre d'un manque global de praticiens* se traduisant par des difficultés de recrutement dans tous les domaines de la médecine vétérinaire.
Or les territoires ruraux peinent particulièrement à attirer de nouveaux arrivants. D'une part en raison du caractère très prenant des soins aux animaux de rente, que la députée Marie-Pierre Richer qualifiait récemment de « sacerdoce »*, et d'autre part en raison de la perte d'attractivité des campagnes : raréfaction des services publics, des commerces, des centres de culture et de loisir, difficultés à trouver un emploi pour les conjoints...
Baisse des élevages estimée à 30 % en dix ans
On observe par ailleurs une diminution des élevages de taille modeste au profit des grosses exploitations. Ce phénomène s'accompagne, dans les filières bovine et ovine, d'une baisse très sensible des populations d'animaux.
Entre 2010 et 2020, le nombre d'élevages (toutes espèces confondues) a diminué de 30 % en France*. En 2023, les résultats du contrôle laitier bovins, caprins et ovins montrent un recul de 5,6 % du nombre d'exploitations en un an, un chiffre qui confirme la tendance à la baisse observée ces dernières années*.
« Les zones couvertes par les vétérinaires s'étendent de plus en plus, ce qui rallonge considérablement les déplacements et pose des problèmes en termes d'organisation des tournées », déplore Matthieu Mourou.
D'autre part, les revenus des éleveurs sont généralement faibles en comparaison du travail accompli. Sans compter l'agribashing* dont les exploitants agricoles sont trop souvent victimes.
« Eux-mêmes en souffrance, les éleveurs peuvent avoir du mal à s'intéresser aux problèmes des vétérinaires et à leur apporter leur soutien », observe notre consoeur Stéphanie Philizot, présidente de la SNGTV (Société nationale des Groupements techniques vétérinaires). « Toutefois, si les relations avec les praticiens varient selon les régions et les filières, elles restent globalement bonnes sur le terrain. En cas de crise, durant la dernière épizootie de fièvre catarrhale ovine* (FCO) par exemple, on voit très bien que le partenariat vétérinaires/éleveurs se renforce ».
Partenariat éleveurs/vétérinaires efficace sur le terrain
Jean-Luc Chevalier (président du GDS 21) est éleveur de vaches laitières à Saint-Martin-du-Mont (Côte-d'Or). Le vétérinaire le plus proche ayant pris sa retraite récemment, son élevage est désormais suivi par un cabinet plus éloigné, situé à une quarantaine de kilomètres de son exploitation.
« Les adhérents du GDS 21 sont incités à collaborer avec leurs vétérinaires », explique Jean-Luc Chevalier. « Nos éleveurs sont particulièrement satisfaits du travail réalisé avec les GTV dans le cadre de la lutte contre la tuberculose ». En effet, en 2024, la Côte-d'Or n'a compté qu'un seul foyer de cette maladie, contre 45 en 2010.
Grâce à un financement de l'Etat, le GDS 21 a même embauché en 2022 un vétérinaire responsable de la biosécurité qui collabore avec le réseau de praticiens du département.
Les éleveurs de Côte-d'Or sont par ailleurs incités à acheter les médicaments de leurs animaux chez leur vétérinaire traitant. « Nous bénéficions ainsi de conseils personnalisés et nous n'achetons que les produits dont nous avons réellement besoin », conclut Jean-Luc Chevalier.
La bonne volonté des praticiens mise à l'épreuve
« Les éleveurs commencent à réaliser l'importance de conserver un cabinet vétérinaire près de chez eux, pas seulement pour les interventions d'urgence mais aussi pour développer une médecine préventive de leurs troupeaux », confirme notre confrère Laurent Perrin (président du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral).
Notre confrère constate toutefois un écart entre le discours attentiste des organisations professionnelles agricoles, parfois éloignées du terrain, et celui, plus alarmiste, des éleveurs travaillant dans les zones où l'offre de soins vétérinaires est déjà en tension.
« Nos partenaires officiels comptent sur l'empathie des vétérinaires qui ont jusqu'à présent accepté de faire le job pour ne pas pénaliser leurs clients », déplore Laurent Perrin. « Pourtant, si les éleveurs ne se mobilisent pas collectivement pour veiller au maintien en activité de leurs vétérinaires ruraux, ces derniers quitteront les campagnes ou orienteront leur activité vers des secteurs plus porteurs que la rurale. Les vétérinaires s'adapteront, ils l'ont déjà fait par le passé. Les éleveurs, eux, c'est moins sûr... ».
« Seuls, praticiens et éleveurs ne seront pas en mesure de résoudre le problème de la permanence des soins vétérinaires sur le territoire national », prévient Stéphanie Philizot. « La filière de l'élevage et ses acteurs ont plus que jamais besoin du soutien de l'Etat ».
En 2017, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation s'est engagé sur une feuille de route « pour le maintien des vétérinaires en productions animales et en territoires ruraux ». Plusieurs actions ont déjà été réalisées dans ce sens, comme la mise en place du dispositif autorisant les collectivités territoriales à attribuer des aides aux vétérinaires (lire plus loin).
« Nous sommes encore loin d'une véritable politique nationale, cohérente sur le long terme », déplore Stéphanie Philizot. « La gestion de crises comme celle de la FCO se fait trop souvent au coup par coup. Or les épizooties de ce type seront de plus en plus fréquentes. Les vétérinaires ruraux ont besoin de davantage de visibilité sur les tâches qui leur seront ou non confiées à l'avenir, notamment pour se former en conséquence ».
Lassitude des vétérinaires pompiers
Pour Laurent Perrin, l'engagement des vétérinaires vis-à-vis des pouvoirs publics est depuis trop longtemps asymétrique. « Lorsque l'Etat a besoin des vétérinaires durant une crise, ces derniers doivent se mobiliser de toute urgence », regrette notre confrère. « Alors que notre activité sanitaire de base se réduit chaque jour davantage, nous devons rester disponibles en permanence pour intervenir dès que le besoin s'en fait sentir ».
Une situation d'autant plus problématique pour l'organisation du travail que les vétérinaires ont développé au fil du temps d'autres activités plus rémunératrices, comme la canine, qu'ils ne peuvent pas arrêter du jour au lendemain (lire plus loin).
« Une contractualisation avec l'Etat est devenue indispensable pour stabiliser les revenus des vétérinaires qui assurent une veille sanitaire permanente et veulent être rémunérés en conséquence », conclut Laurent Perrin.
Tarifs des prophylaxies : bientôt un accord ?
Les récentes difficultés rencontrées pour fixer la tarification des prophylaxies témoignent d'une certaine lassitude des praticiens vis-à-vis de leurs missions sanitaires.
Fin août, le SNVEL a ainsi adressé aux vétérinaires sanitaires un courrier les incitant à ne pas se présenter cette année aux commissions bipartites décidant des tarifs de prophylaxie*.
« Depuis, des progrès ont heureusement été accomplis », se réjouit Laurent Perrin. « La DGAL* et le ministère de l'Agriculture s'engagent en effet à prendre en compte le travail des vétérinaires hors temps de crise ». Un accord est espéré prochainement.
Si la prophylaxie ne représente plus aujourd'hui que 1 à 5 % du chiffre d'affaires contre 30 % auparavant*, il ne faut pas pour autant en conclure que la profitabilité de l'activité rurale est systématiquement plus faible que celle de la canine.
Contrairement aux idées reçues, les vétérinaires avec une activité animaux de rente et mixte animaux de rente déclarent en effet un revenu moyen de 21,3 % supérieur à ceux ayant une activité animaux de compagnie et mixte animaux de compagnie dans l'édition 2024 de l'Atlas démographique
de la profession vétérinaire (figure n° 4). Stéphanie Philizot rappelle toutefois l'amplitude des horaires de travail dans ce secteur.
Deux cas de figure très différents sont distingués dans le rapport publié en 2022 suite à l'Appel à manifestation d'intérêt (AMI) financé par le ministère de l'Agriculture*.
L'AMI, dont le but est de dresser un état des lieux et de proposer des outils pour lutter contre la désertification vétérinaire, met en évidence l'existence d'entreprises vétérinaires mixtes disposant d'une offre de services compétitive pour chacune de leurs activités et rencontrant relativement peu de difficultés économiques.
En revanche, dans les structures où la rurale commence à se marginaliser, sa rentabilité est vite altérée et un cercle vicieux se met alors en place. « L'entreprise ne dispose plus des ressources suffisantes pour gérer efficacement son activité en productions animales, ce qui déclenche un sous-investissement stratégique et technique et provoque une perte d'attractivité pour les jeunes vétérinaires », constatent les auteurs du rapport AMI.
Un rapport publié en 2019 par le CGAAER estime qu'en dessous de 20 % d'activité rurale dans un cabinet mixte, la situation est difficilement tenable*.
Quand la canine sponsorise la rurale
Chute du nombre d'animaux dans les élevages, éleveurs mieux formés... « Les urgences diminuent en rurale mais elles n'ont pas disparu pour autant », remarque Stéphanie Philizot. « Une astreinte demeure donc indispensable mais dans les zones où la part de l'élevage se réduit, elle est de plus en plus souvent financée par les autres activités de la clinique, comme la canine ».
Le dynamisme du marché de la santé des animaux de compagnie permet en effet de maintenir des structures vétérinaires là où les seules productions animales en seraient incapables.
« La gestion d'une petite activité rurale est toutefois compliquée », prévient Laurent Perrin. « D'un point de vue comptable, c'est difficile d'optimiser le temps d'un vétérinaire rural dont la charge de travail est irrégulière et qui doit se déplacer de plus en plus loin, en comparaison de celui d'un praticien occupé sur place à 100 % en canine ».
Comme il existe par ailleurs une demande croissante de soins pour les animaux de compagnie, il devient d'autant plus tentant de délaisser les productions animales.
Les incitations matérielles et financières ont été l'un des premiers moyens utilisés par les pouvoirs publics pour lutter contre la désertification médicale. L'effet de ces mesures sur la pérennité des installations de médecins généralistes au fil du temps est toutefois incertain.
En ce qui concerne les vétérinaires, la loi DDADUE* autorise depuis 2020 les collectivités territoriales à proposer des aides financières et/ou matérielles aux praticiens et futurs diplômés.
Depuis janvier 2024, par exemple, la Côte-d'Or finance cinq types d'aides pour les vétérinaires (installation, modernisation du cabinet) et les étudiants vétérinaires (logement, déplacement, bourse d'étude)*.
Stéphanie Philizot, qui exerce dans ce département, y voit surtout un signe très positif de l'intérêt croissant des politiques locaux à l'égard de la profession vétérinaire. « Les zones les plus touchées par la désertification ont besoin en urgence d'aides financières, techniques, juridiques... mais aussi d'accompagnement humain », souligne notre consoeur qui espère que les organisations professionnelles, les politiques et les éleveurs vont poursuivre leur action dans ce sens.
La forfaitisation, un moyen de structurer l'activité vétérinaire
Actuellement, l'une des pistes les plus prometteuses pour soutenir l'activité vétérinaire en milieu rural est la forfaitisation, contrat passé entre un praticien et un éleveur.
En pratique, le vétérinaire réalise dans l'élevage des actes définis en amont dans le contrat qui peut s'envisager comme une offre à tiroirs (soins, suivi de reproduction, alimentation, parage...). En retour, l'éleveur s'engage à réaliser des versements financiers réguliers à échéances prédéfinies. Les actes de prophylaxie et de suivi sanitaire encadrés par l'Etat sont exclus de ces accords qui demeurent privés.
Notre confrère Julien Le Tual, dont la clientèle est à cheval sur la Bretagne et les Pays-de-la-Loire, pratique depuis longtemps la forfaitisation et apprécie beaucoup cette façon de travailler.
« Nous tâchons de répondre au mieux aux besoins spécifique de chacun de nos clients, qu'il s'agisse de petits éleveurs bio qui assurent eux-mêmes la transformation de leurs produits ou de très gros élevages laitiers », explique-t-il. « L'essentiel est de bien cibler les clients avec lesquels nous souhaitons travailler car ce mode de fonctionnement ne convient pas à tout le monde ».
« La forfaitisation limite les imprévus car l'accent est mis sur la prévention », souligne notre confrère. « Il y a moins d'animaux malades et, lorsque c'est le cas, l'éleveur n'hésite pas à appeler rapidement le vétérinaire ». Le praticien est donc moins souvent sollicité en urgence, ce qui lui permet d'optimiser sa tournée et lui évite des allers et retours inutiles.
Une démarche gagnant/gagnant
« Grâce à la cotisation des éleveurs partenaires, le vétérinaire est rémunéré pour la permanence des soins qu'il assure, 24 heures sur 24, sept jours sur sept », précise Laurent Perrin qui assimile ce fonctionnement à une sorte de maintenance vétérinaire. « Quant aux clients hors contrat, ils ont ponctuellement accès aux mêmes services, s'ils le souhaitent, mais à un tarif différent ».
Dans sa thèse réalisée à VetAgro Sup, notre confrère Nicolas Courdent a confirmé les bénéfices économiques de la forfaitisation*. Dans la structure vétérinaire qu'il a étudiée, le chiffre d'affaires global moyen a en effet augmenté de 20 % par vache et par an et les actes ont repris 4 % de parts à la vente du médicament. Le nombre de visites en garde a diminué de 54 % en parallèle.
« Meilleur suivi sanitaire, hausse des performances zootechniques, baisse de la morbidité et de la mortalité : la forfaitisation est également avantageuse pour l'éleveur », ajoute Nathalie Bareille (professeure en productions bovines, Oniris VetAgroBio).
Pour quantifier le gain de productivité dans une exploitation, le Pr Bareille et sa collègue Florence Beaugrand, maître de conférences en sciences de gestion, ont modélisé l'impact économique de la forfaitisation pour un troupeau de bovins laitiers via le simulateur DairyHealth Manager de l'unité mixte de recherche BIOEPAR.
« L'investissement est généralement rentable au bout de trois ans », explique notre consoeur qui précise que les bénéfices sont d'autant plus rapides que la situation sanitaire était dégradée au départ.
La forfaitisation s'inscrit donc dans une démarche gagnant-gagnant dès lors que le praticien développe une offre de services suffisamment étoffée mais ce n'est pas la panacée.
L'évolution du recrutement des futurs vétérinaires
Outre la forfaitisation, de nombreuses idées ont été recensées par l'AMI pour lutter contre la désertification vétérinaire. Elles visent non seulement à soutenir l'activité des praticiens actuellement en exercice mais aussi à préparer l'avenir en aidant les jeunes vétérinaires à s'installer et en faisant évoluer le recrutement des étudiants dans les écoles nationales vétérinaires (ENV).
Pour pallier le manque global de praticiens, les pouvoirs publics misent sur le plan de renforcement des ENV et l'ouverture de l'établissement UniLaSalle à Rouen. A l'horizon 2030, 840 vétérinaires supplémentaires formés en France arriveront chaque année sur le marché du travail, soit 75 % de plus qu'en 2017. Un récent rapport du CGAAER publié en décembre prévoit même un excédent d'au moins 500 diplômés à l'horizon 2030*. Les auteurs du rapport doutent cependant que cela suffise à combler le manque de vétérinaires ruraux en l'absence d'un plan d'action global.
Une solution fréquemment évoquée pour s'assurer qu'un nombre suffisant d'entre eux se tournera vers la médecine des animaux de rente est de diversifier le mode de recrutement. Par exemple, le nombre de places attribuées aux candidats titulaires de certains BTS, BTSA ou DUT a augmenté dans l'espoir de recruter davantage de potentiels vétérinaires ruraux.
Stéphanie Philizot se réjouit d'une évolution qui lui semble augmenter les chances d'accueillir des jeunes capables de s'adapter à la réalité économique de la profession, aux horaires, aux exigences de la clientèle...
Plus que la filière d'accès elle-même, Nathalie Bareille estime que c'est surtout l'étape de l'entretien durant le recrutement des étudiants qui est déterminante pour détecter les profils les plus mûrs. Une fois diplômés, ces jeunes auront-ils toutefois envie de s'orienter vers les productions animales ?
Retour en grâce de la rurale dans les ENV
« A Oniris, les étudiants en fin de cursus sont de plus en plus demandeurs de stages en rurale », se réjouit Nathalie Bareille.
Les futurs vétérinaires ont actuellement le choix entre un stage classique d'une durée de 12 semaines ou un stage tutoré plus long (au moins 18 semaines et jusqu'à 6 mois).
« L'expérience du terrain est en effet essentielle en rurale, les jeunes diplômés devant impérativement être autonomes à leur sortie de l'école », explique le Pr Bareille qui accueille cette année une trentaine d'étudiants dans chacun des deux groupes.
D'après le rapport du CGAAER de 2019, plus de 95 % des jeunes qui sont passés par le dispositif de tutorat exercent aujourd'hui en clientèle mixte.
Si Julien Le Tual confirme cet engouement pour la rurale, il souligne toutefois que les étudiants qu'il reçoit sont attirés par les animaux de rente mais beaucoup moins par les animaux de compagnie.
« C'est un paradoxe », confirme Laurent Perrin. « Nous observons un vrai retour des jeunes vers la rurale mais il n'y a pas toujours assez d'activité à leur proposer dans ce domaine, au risque de les décevoir ».
« Il y a heureusement des étudiants attirés à la fois par la canine et la rurale », rassure Nathalie Bareille. « Nous développons aussi des stages grands animaux orientés à la fois vers les animaux de rente et les chevaux ». L'idéal pour favoriser l'émergence de profils mixtes en adéquation avec les besoins du terrain.
Préférence des étudiants pour la médecine préventive
Nathalie Bareille voit par ailleurs croître l'intérêt des étudiants de rurale pour la médecine des populations et la prévention. « Cette évolution est en adéquation avec les attentes de la société : bien-être animal, protection de l'environnement, sécurité sanitaire des aliments... », souligne notre consoeur.
Dans ce cadre, les stagiaires et les jeunes diplômés sont attirés par les structures vétérinaires qui ont recours à la forfaitisation. « Ils estiment que cette façon d'exercer donne plus de sens à leur travail », conclut le Pr Bareille.
Si le regain d'intérêt des jeunes vétérinaires pour la rurale est très positif, il ne règle pas pour autant le problème du maillage vétérinaire. En effet, l'installation des nouveaux diplômés ne comblera pas à elle seule les manques dans les zones les plus touchées par la désertification.
La profession vétérinaire s'est fortement impliquée ces dernières années pour rechercher des solutions et alerter les pouvoirs publics. Aujourd'hui, les praticiens ruraux ont besoin d'actions concrètes, élaborées en collaboration avec tous les acteurs concernés : éleveurs, collectivités locales, services de l'État... ■
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