Probiotiques : des indications de plus en plus nombreuses chez les animaux de compagnie

Il n'existe donc pas de flore intestinale « type ».

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Corinne DESCOURS-RENVIER

Aliments complémentaires

A l'occasion d'une conférence en ligne organisée par le laboratoire Wamine, des exemples d'indications des probiotiques chez les animaux de compagnie ont été présentés par le Pr Juan Hernandez (médecine interne, Oniris). Si les affections gastro-intestinales sont bien évidemment concernées, de nombreuses autres maladies pourraient bénéficier d'une supplémentation en probiotiques multi-souches, pour corriger les déséquilibres de la flore intestinale.

En octobre dernier, le laboratoire Wamine a organisé une conférence en ligne sur le thème « Probiotiques, pas uniquement une solution anti-diarrhéique ». A cette occasion, notre confrère le professeur Juan Hernandez (Oniris VetAgroBio Nantes) a fait le point sur les connaissances les plus récentes dans ce domaine.

De la bactériologie descriptive à la bactériologie fonctionnelle

« Notre compréhension du microbiote intestinal est en pleine évolution », explique le conférencier. « Grâce au développement de la métagénomique, les bactéries, virus, protozoaires et archées qui le composent sont de mieux en mieux connus. Reste maintenant à comprendre la façon dont ils interagissent avec leur hôte à l'aide des outils de métatranscriptomique1 . C'est un tout nouveau domaine d'étude ! »

Sans surprise, le rôle du microbiote a d'abord été étudié au niveau digestif. Le Pr Juan Hernandez cite en particulier une étude comparant des souris normales et des souris axéniques, nées et élevées en milieu stérile. A la fin de l'expérience, le poids des souris possédant une flore intestinale fonctionnelle était supérieur de 20 % à celui des souris axéniques, dépourvues de tout microbiote.

« Le microbiote intestinal assure en effet la lyse des fibres et de l'amidon pour produire de l'énergie, sous forme d'acides gras à courtes chaînes par exemple », explique Juan Hernandez. « Il produit aussi de la vitamine B12, des folates et de la vitamine K. Autant d'opérations que l'organisme hôte est incapable de réaliser par lui-même ! »

Les effets du microbiote ne se limitent pourtant pas à la digestion puisque ce dernier possède aussi une action immunitaire. Ainsi, chez les souris axéniques, l'administration d'un agent inflammatoire n'entraîne qu'une faible réaction au niveau intestinal, contrairement à ce que l'on observe chez les souris normales. « Sans microbiote, pas de système immunitaire actif », conclut notre confrère. « Ce dernier joue par ailleurs un rôle dans la maturation du système immunitaire. »

De façon étonnante, si l'on transplante le microbiote fécal d'un humain sain aux animaux axéniques, l'inflammation pourra alors se développer. Elle sera même très marquée si le donneur est atteint de la maladie de Crohn. « C'est la preuve qu'il est possible de transférer le phénotype d'un individu malade à un autre organisme via une greffe de microbiote », conclut Juan Hernandez.

Un autre exemple de transfert de phénotype est l'apparition de signes d'anxiété chez des souris saines qui ont reçu le microbiote fécal d'un patient humain dépressif. « Les effets du microbiote sur le système nerveux central sont aujourd'hui reconnus », confirme le Pr Hernandez. « La flore intestinale assure notamment la synthèse de précurseurs de la sérotonine à partir du tryptophane. Dépourvu de l'enzyme nécessaire, la tryptophanase, l'organisme hôte en est incapable par lui-même. »

Au niveau métabolique, certaines bactéries du microbiote transforment par ailleurs les sels biliaires primaires en sels biliaires secondaires. « En l'absence d'une flore intestinale fonctionnelle, on observe une accumulation toxique des sels biliaires primaires », remarque Juan Hernandez.

Du microbiote sain à la dysbiose

Les individus en bonne santé possèdent des microbiotes parfois très différents. « Il n'existe donc pas de flore intestinale « type » », conclut le conférencier. « Le microbiote sain est celui qui est suffisamment varié pour être fonctionnel. »

Les principaux facteurs influençant la composition du microbiote sont l'alimentation et la prise de certains médicaments. Bien que suspecté, le rôle de l'environnement est encore mal connu. Les perturbations du microbiote semblent par ailleurs fréquentes dans certaines affections.

« Certaines affections sont reconnues comme étant fréquemment associées à une dysbiose intestinale dans l'espèce canine, et probablement dans l'espèce féline », explique Juan Hernandez. « Il s'agit essentiellement de diarrhées, aigües comme chroniques, d'atopie, de troubles du comportement, d'obésité, de diabète sucré ou encore de maladie rénale aiguë. »

Des études2 ont montré les conséquences d'une dysbiose intestinale chez des chiens souffrant d'une entéropathie : anomalies dans la composition de la flore, diminution de la production d'acides gras à courtes chaînes, chute de la production des sels biliaires secondaires...

Une autre étude3 a mis en évidence des différences significatives de la composition du microbiote entre des chiens présentant un comportement normal et des animaux phobiques ou agressifs. Chez les chiens présentant des troubles du comportement, on observe par exemple la présence de bactéries de type Rikenellaceae, absentes chez les chiens sains, ou, chez les animaux agressifs, une baisse significative des Mogibacteriaceae ...

Corriger les défaillances le plus précisément possible

Selon la définition de l'OMS, les probiotiques sont « des micro-organismes vivants qui, lorsqu'ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels. »

Leur efficacité clinique a été montrée chez le chien en cas de gastro-entérite, tant sur les diarrhées aiguës (symptômes digestifs induits par des antibiotiques ou un passage en chenil, parvovirose, pancréatite aiguë, diarrhée idiopathique) que chroniques (maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ou MICI, dysmotilité colique non inflammatoire, conséquences d'une chimiothérapie).

Juan Hernandez cite en particulier une étude4 réalisée chez des chiens atteints de MIC qui a montré une amélioration clinique comparable soit après une supplémentation en probiotiques multi-souches (VSL#3), soit à l'issue d'un traitement associant corticoïdes et métronidazole. Les effets secondaires étaient toutefois beaucoup moins marqués avec les probiotiques.

Dans cette indication, le conférencier conseille donc d'utiliser en première intention des probiotiques multi-souches, comme par exemple Floréquilibre ND qui possède un agrément chez le chien et chez le chat. « En l'absence d'amélioration, il sera toujours temps de passer aux corticoïdes », conclut-il.

Au niveau comportemental, une étude5 a montré une baisse des signes d'anxiété chez des chats souffrant de stress secondaire à une infection herpétique et supplémentés en Bifidobacterium longum 999. L'espèce féline bénéficierait donc elle aussi de l'administration de probiotiques.

« En cas d'affection susceptible d'être associée à une dysbiose intestinale, l'administration de probiotiques multi-souches paraît intéressante, chez le chien et sans doute aussi chez le chat » , conclut Juan Hernandez.

A l'avenir, une meilleure connaissance des fonctions de chacune des souches qui composent le microbiote devrait permettre de corriger de manière très ciblée d'éventuels dysfonctionnements.

1 Le métatranscriptome représente l'ensemble des gènes et les fonctions exprimées (les transcriptomes) par les différents micro-organismes d'un échantillon.

2 Fecal short-chain fatty acid concentrations and dysbiosis in dogs with chronic enteropathy, Minamoto & all JVIM 2019 - Altered microbiota, fecal lactate and fecal bile acids in dogs with gastro-intestinal disease, Blake et al, PLoS One 2010.

3 Gut microbiome structure and adrenocortical activity in dogs with aggressive and phobic behavioral disorders, Mondo & all, Heliyon, 2020.

4 Comparison of microbiological, histological, and immunomodulatory parameters in response to treatment with either combination therapy with prednisone and metronidazole or probiotic VSL#3 strains in dogs with idiopathic inflammatory bowel disease, Rossi & all, PLos One 2016.

5 Effect of Bifidobacterium longum 999 supplementation on stress associated findings in cats with FHV-1 infection, Davis & all, Nestlé Purina Pet Care.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1687

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