Prévention des entérites néonatales : une étude terrain compare l'administration aux veaux d'immunoglobulines spécifiques par voie orale à la vaccination de vaches gravides

Laurent MASCARON

Correspondant en infectiologie et vaccinologie

Courriel : l.mascaron@orange.fr

Infectiologie

Une étude terrain a comparé, en prévention des entérites néonatales, l'administration aux veaux d'immunoglobulines spécifiques par voie orale (Locatim ND) à la vaccination de vaches gravides. Elle montre une proportion significativement supérieure de veaux n'ayant pas été atteints de diarrhée néonatale après avoir reçu rapidement après la naissance le produit à tester par rapport aux veaux nés de mères vaccinées dans cet élevage. Les diarrhées ont été moins sévères chez les veaux du groupe Locatim ND.

Les diarrhées néonatales constituent l'affection la plus fréquente et la plus pénalisante du point de vue économique chez les jeunes veaux. La vaccination des mères en fin de gestation est une pratique courante afin d'enrichir le colostrum en anticorps spécifiques capables de protéger les nouveau-nés contre les principaux pathogènes responsables de ces diarrhées (Escherichia coli, rotavirus, coronavirus), par transfert passif d'immunité.

Encore faut-il que la première tétée soit suffisamment précoce (dans les quatre à six heures après la naissance) et le colostrum de qualité suffisante, de nombreux facteurs pouvant influer sur celle-ci.

Une alternative à la vaccination des vaches gravides est d'administrer au veau par voie orale, en plus de la buvée du colostrum, une quantité maîtrisée d'immunoglobulines spécifiques afin de l'immuniser préventivement contre certains antigènes associés aux entérites néonatales.

Objectif de l'étude

Un essai clinique terrain* a été mené dans un élevage bovin allaitant afin de comparer l'effet préventif sur les entérites néonatales d'une vaccination des mères par rapport à l'administration précoce aux veaux par voie orale d'un concentré d'immunoglobulines dirigées en particulier contre le facteur d'adhésion F5 (K99) d'Escherichia coli, extraites du colostrum de vaches hyperimmunisées (Locatim ND).

Matériel et méthodes

Animaux, vaccination/traitement et observations cliniques

Les veaux d'une exploitation bovine de race charolaise, située dans le Maine-et-Loire et comptant une centaine de vêlages par an, sans historique de vaccination contre les diarrhées néonatales, ont été observés pour objectiver la survenue et la gravité de ces diarrhées, évaluées quotidiennement à l'aide d'une grille de score clinique pendant une durée de quinze jours après la naissance : 0 = absence, 1 = diarrhée bénigne sans nécessité de traitement, 2 = diarrhée nécessitant un traitement par voie orale, 3 = diarrhée sévère nécessitant un traitement par voie parentérale ou veau mort.

Toutes les 10 vaches classées par ordre chronologique des dates présumées de vêlage, 5 d'entre elles ont été vaccinées par injection unique de 2 ml d'une spécialité indiquée en prévention des entérites néonatales, 3 à 12 semaines avant cette date, conformément au RCP (vaccin indiqué pour une immunisation active des vaches et génisses gestantes contre les rotavirus, les coronavirus et le facteur d'adhésion F5 d'Escherichia coli).

Les veaux des 5 autres vaches ont reçu, par voie orale, dans les deux heures après la naissance, 60 ml de Locatim ND.

Tous les veaux ont été élevés sous la mère pour une tétée ad libitum. Aucune surveillance de la prise du colostrum ni mesure de sa qualité n'ont été effectuées par l'éleveur.

L'étude a été conduite entre octobre 2014 et octobre 2015.

Prélèvement sanguin et dosage des anticorps spécifiques

Une prise de sang a été effectuée sur chaque veau 48 heures après sa naissance afin de mesurer les titres en anticorps sériques vis-à-vis du rotavirus et du coronavirus (tests Elisa BioX réalisés à l'Institut de virologie de l'université de Leipzig, Allemagne) ainsi que du facteur F5 d'Escherichia coli (test de micro-agglutination réalisé chez Biokema SA).

Résultats

45 veaux ont reçu Locatim ND entre 15 minutes et 2 heures après la naissance, comparés à 43 veaux nés de mères vaccinées entre 23 et 79 jours avant vêlage (absence de données sur la buvée du colostrum et sa qualité).

Une incidence plus faible (p = 0,001) et une moindre gravité (p = 0,002) des diarrhées néonatales ont été constatées chez les veaux du groupe Locatim ND par rapport à ceux issus de mères vaccinées (voir la figure) :

- veaux nés de mères vaccinées : 18/43 (41,9 %) atteints de diarrhée (score clinique cumulé : 29) ;

- veaux du groupe Locatim ND : 5/45 (11,1 %) atteints de diarrhée (score clinique cumulé : 9).

Aucune recherche de pathogènes sur les veaux diarrhéiques (par exemple par test rapide sur fèces) n'a été réalisée au cours de l'étude.

Aucune différence significative entre les deux groupes n'a été constatée pour les titres en anticorps sériques à 48 heures vis-à-vis du rotavirus et du facteur F5 d' Escherichia coli  ; ces titres étaient supérieurs vis-à-vis du coronavirus chez les veaux du groupe Locatim ND.

Discussion - conclusion

Une proportion significativement supérieure de veaux n'a pas été atteinte de diarrhée néonatale après avoir reçu rapidement après la naissance le produit à tester, par rapport aux veaux nés de mères vaccinées dans cet élevage. De même, les diarrhées ont été moins sévères chez les veaux du groupe Locatim ND.

Le délai de prise du colostrum après vêlage et sa qualité n'ont pas été contrôlés et peuvent avoir participé à la moindre efficacité de la vaccination des mères par rapport à l'administration directe au veau d'une quantité connue d'immunoglobulines dès les premières heures de vie.

La précocité du transfert au veau d'immunoglobulines spécifiques, réalisé directement et/ou par la prise du colostrum, joue un rôle majeur dans la protection des nouveau-nés en raison de la « fermeture » progressive de la perméabilité de l'intestin aux anticorps d'origine maternelle au cours des vingt-quatre heures suivant la naissance.

L'intérêt de Locatim ND peut être d'apporter une quantité maîtrisée et importante d'anticorps spécifiques dans les élevages où la vaccination des vaches contre les entérites néonatales ne donne pas de bons résultats en raison de déficiences dans le transfert de l'immunité maternelle. ■

* Richard Eicher 1,2 , Damien Lebastard 3 . Effect of the oral administration of specific immunoglobulins as compared to a standard vaccination of pregnant dams on calf neonatal enteritis. Tierärztliche Umschau, Pferd und Nutztier, 2-2021, 18-21.

1 Biokema SA, Crissier, Suisse.

2 Faculté vétérinaire de l'université de Berne, Suisse.

3 GIE Vetavenir, ZA la Charte Bouchère, 49360 Yzernay, France.