BI Journée mondiale des vétérinaires

Prendre en compte le microbiote digestif des carnivores

Le microbiote digestif est un organe à lui seul. Le thérapeute ne doit pas l'ignorer.

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Aurore HAMELIN

Santé digestive

Le praticien doit prendre en compte la bonne santé du microbiote digestif des carnivores, notamment lors d'une consultation de phytothérapie. Le microbiote digestif joue de nombreux rôles : nutritionnel, immunitaire... Une dysbiose peut entraîner des troubles digestifs et avoir des conséquences sur d'autres organes (dysfonctionnement hépatique, altération de l'humeur, défaut d'élimination rénale, maladies cardio-vasculaires...). L'administration de probiotiques adaptés permet de restaurer un microbiote déséquilibré.

« La complexité du vivant est souvent oubliée dans la démarche de soin, soin trop fréquemment centré sur la défaillance d'un organe », a indiqué notre confrère Claude Faivre (consultant Wamine) lors d'une webconférence du laboratoire Wamine sur l'attention à porter à la bonne santé du microbiote digestif des carnivores, notamment lors d'une consultation de phytothérapie, le 24 mars.

Pour mieux aborder la notion de microbiote digestif, Claude Faivre le compare au lichen, association à bénéfice réciproque d'une algue ou d'une bactérie et d'un champignon. L'image de l'arbre entretenant des relations complexes avec son environnement est également parlante pour illustrer les liens tissés entre les êtres vivants.

Un équilibre reposant sur l'eubiose

Sans mycorhize racinaire, l'arbre subit plus facilement les attaques des nuisibles. « Il y a donc, de la même manière, un équilibre entre l'hôte et le microbiote digestif qu'il abrite. Les relations entre les deux entités fonctionnent sur le même schéma que celui des plantes précitées » , explique Claude Faivre.

Cet équilibre se nomme l'eubiose : les bactéries bénéfiques telles les lactobacilles, les bifidobactéries et certaines Escherichia coli cohabitent avec des bactéries potentiellement pathogènes comme les Campylobacter, certains Enterococcus et Clostridium difficile. Tout déséquilibre entre ces deux types de populations entraîne une dysbiose.

« Le microbiote digestif est un organe à lui seul, le thérapeute ne doit pas l'ignorer. Sa masse totale est supérieure à celle du cerveau. Il abrite, entre autres, plus de 1 500 espèces de bactéries et contient plus de 1 500 milliards de cellules. Cela représente, en surface, la taille d'un terrain de tennis », ajoute notre confrère.

La colonisation commence à la naissance

Il reconnaît que certains nient un quelconque intérêt à ce microbiote digestif : « Nous traitions les animaux avant sans s'en préoccuper et cela fonctionnait bien ; le microbiote digestif n'entre en compte que pour le traitement des diarrhées ; cela fait un médicament de plus à prescrire sur une liste parfois longue ; le client va trouver la facture trop élevée ... ».

Malgré un microbiote foetal, la colonisation du tube digestif (TD) commence à la naissance quand le chiot ou le chaton passe la filière pelvienne. Le microbiote s'enrichit ensuite en fonction de l'environnement et de l'alimentation rencontrés.

Chaque individu possède ainsi son propre microbiote (lire encadré). Trois grands groupes ou phyla coexistent dans leurs intestins : les firmicutes (qui comprennent les lactobacilles par exemple), les actinobactéries (incluant les bifidobactéries) et les bactéroïdetes. Toutes ces bactéries communiquent en permanence entre elles afin de mieux proliférer.

Perméabilité intestinale et inflammation

Le microbiote digestif joue de nombreux rôles. D'abord nutritionnel avec par exemple les cellulases bactériennes et la production de vitamines (K, B1, B2, B8...). Le microbiote agit sur le renouvellement cellulaire des entérocytes, stimule l'immunité (production d'Ig A). Il termine, et ce n'est pas son moindre rôle, la digestion des sucres et des protéines non absorbés par le grêle.

Une dysbiose peut donc entraîner des troubles digestifs mais ils ne sont pas systématiques. D'autres conséquences peuvent se faire sentir à distance sur d'autres organes (dysfonctionnement hépatique, altération de l'humeur, défaut d'élimination rénale, maladies cardio-vasculaires...). En effet, la perméabilité intestinale, due à l'inflammation générée par la dysbiose, laisse passer de nombreux éléments qui pourront nuire ailleurs que dans le tube digestif.

Localement, l'inflammation qui résulte de ces mécanismes complexes peut provoquer chez le chien ou le chat des vomissements, des besoins pressants, des mâchonnements ou des douleurs intestinales modérés lors du premier stade.

Effets positifs des probiotiques

Au stade suivant, la gastro-entérite apparaît. Enfin, au stade 3, une fuite des protéines, des douleurs abdominales marquées et le passage d'allergènes peuvent survenir.

« Les probiotiques se définissent comme des micro-organismes vivants qui, lorsqu'il sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au delà des effets nutritionnels traditionnels » , a rappelé le conférencier en reprenant la définition légale de ces produits. « Le mot ingéré pourrait être remplacé par le mot administré car le tube digestif n'est plus seul concerné par ces prises orales » .

Chaque souche de probiotique possède des propriétés qui lui sont propres et répond à une nomenclature très précise. Cette caractérisation génomique doit être prouvée pour prétendre au statut de probiotique. Parmi les Lactobacillus acidophilus, il existe des milliers de souches avec chacune des effets différents.

Claude Faivre a indiqué que seules deux souchothèques existaient dans le monde : aux Etats-Unis et en France (https://icsn.cnrs.fr/plateformes/souchotheque). Toutes les bactéries d'intérêt doivent être enregistrées dans la collection des souches microbiennes de ces structures nationales. « Certaines souches de bactéries qui comportent des plasmides particuliers sont interdites en médecine vétérinaire », a précisé notre confrère.

Connaître les effets des bactéries

Le laboratoire producteur doit connaître les effets des bactéries qu'il commercialise. Si les méthodes de culture changent, cela altère également les propriétés des souches. « Il demeure très difficile alors de comparer les produits probiotiques entre eux », a souligné notre confrère.

Les laboratoires doivent respecter les conditions de fabrication nécessaires à leur survie et à leur efficacité : humidité relative résiduelle de moins de 4 %, résistance au passage de l'estomac, aux sucs pancréatiques et biliaires et nombre de cellules vivantes suffisant.

« 15 à 16 milliards de bactéries sont ainsi mises en gélules dans Floréquilibre ND produit par le laboratoire Wamine pour qu'au moins 10 milliards de bactéries puissent être actives au niveau intestinal. Ce produit ne réensemence pas l'intestin. Il aide à rééquilibrer les populations de micro-organismes commensaux intestinaux. Il peut ainsi être administré à la fois au chien et au chat. Leur durée de vie dans le TD est d'environ 72 heures d'où le besoin de réitérer les prises. Le poids des selles est constitué pour une très grande part de micro-organismes », indique Claude Faivre.

Pour obtenir une action certaine, la durée du traitement est souvent de plusieurs jours, voire semaines selon les cas.

Gros Plan : Ce qui menace le microbiote des carnivores

Chaque individu a son propre microbiote avec lequel il vit en symbiose. Les causes de dysbioses sont nombreuses : alimentation déséquilibrée, aliment contaminé par un micro-organisme, mauvaise conservation des aliments, mauvaise hygiène des gamelles, médicaments tels les antibiotiques, maladies chroniques ou systémiques...

« Les anti-inflammatoires peuvent aussi déséquilibrer le microbiote. Pour schématiser, ils diminuent la sécrétion de prostaglandines, ce qui aboutit à la chute de production du mucus qui revêt la barrière intestinale. Cela favorise les agressions bactériennes ou virales » , a expliqué notre confrère Claude Faivre, (consultant Wamine) lors d'une webconférence du laboratoire Wamine sur l'attention à porter à la bonne santé du microbiote digestif des carnivores, le 24 mars.

Une fois la dysbiose installée, un relâchement des jonctions serrées des entérocytes est observé. Celui-ci augmente la perméabilité intestinale : un passage d'allergènes au travers de la paroi digestive est alors possible. A.H.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1624

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