Pour ou contre les médecines non conventionnelles ?

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Maud LAFON

Débat

Longtemps à l'écart du débat qui oppose, en santé humaine, les pro et les anti médecines non conventionnelles, homéopathie en tête, les vétérinaires semblent aujourd'hui y être pleinement entrés, surtout depuis l'interpellation de l'Ordre par le collectif Zétérinaire, fin avril, en ce qui concerne l'homéopathie. Entre les deux camps, le consensus semble difficile à trouver. C'est donc à chaque vétérinaire de se faire une opinion en analysant les arguments des uns et des autres.

Depuis plusieurs années déjà et de façon récurrente, le débat couve. Mais c'est un courrier du collectif Zétérinaire adressé au Conseil national de l'Ordre des vétérinaires le 23 avril en lui demandant de prendre position sur l'homéopathie (lire DV n° 1481) qui l'a lancé dans notre profession.

Pour ou contre l'homéopathie et, plus largement, les médecines dites non conventionnelles ? Le débat divise la profession et oppose deux franges de vétérinaires qui campent souvent sur leurs arguments.

La conciliation est-elle seulement envisageable ? Rien n'est moins sûr si on prend l'exemple de la médecine humaine dans laquelle les deux camps se tiraillent quasiment depuis que ces médecines coexistent.

Zone de neutralité

Jusqu'à présent, les vétérinaires étaient restés relativement à l'écart de ce débat parfois virulent. La brèche est ouverte et la neutralité semble difficile à préserver.

Pourtant, aux côtés des pro et des anti, une partie des vétérinaires paraît relativement indifférente. S'ils n'utilisent pas eux même l'homéopathie, l'acupuncture, la phytothérapie, l'ostéopathie..., ils n'y sont pas hostiles, voire même prêts à les conseiller en dernier recours.

Ainsi, de plus en plus de centres hospitaliers vétérinaires universitaires proposent par exemple une offre d'ostéopathie.

Pour rappel, les médecines non conventionnelles reposent sur une approche holistique de la relation vétérinaire-animal-propriétaire. Plus guère appelées médecines douces, elles peuvent intervenir en complément ou en alternative de la médecine allopathique.

Aider l'animal à se défendre

Elles ne ciblent pas la maladie proprement dite mais le terrain dans lequel elle évolue. Le principe est d'aider l'animal à mieux se défendre. L'abord est un peu différent en ostéopathie qui met en jeu des mécanismes anatomiques.

Comme la médecine allopathique, elles ont leurs indications et leurs limites et ce que reprochent certains de leurs détracteurs est la mise en avant pas toujours claire de ces freins.

Autre écueil à leurs yeux, majeur : l'absence de validation scientifique de ces médecines, études contrôlées et randomisées à l'appui.

Ce à quoi les partisans des médecines non conventionnelles rétorquent que chacun est libre de choisir la thérapeutique qui lui plaît, sans perte de chance pour l'animal, ce que leur formation et expérience de vétérinaire leur permet de faire au mieux.

Demande réelle

D'autant que la demande des clients, tant en animaux de compagnie qu'en équine et en productions animales, pour cause notamment de haro sur les antibiotiques, est forte.

Chaque espèce a ses médecines de préférence.

Les détenteurs de chevaux semblent davantage clients de l'ostéopathie, les propriétaires d'animaux de rente sont férus d'homéopathie, contraintes économiques et réglementaires, en termes de résidus notamment, obligent.

Quant aux propriétaires d'animaux de compagnie, qui sont déjà malheureusement nombreux à se montrer hostiles aux vaccins, ils sont également de plus en plus réticents à l'usage de la « chimie » et volontiers tentés par des alternatives naturelles.

« Il faut répondre à leur demande », soulignent les promoteurs des médecines non conventionnelles. « Pas sans preuve scientifique d'efficacité », rétorquent leurs opposants. Conciliation difficile à envisager...

Deux outils différents

Et la question divise en santé humaine, en santé animale et dans tous les pays. Avec des réponses différentes des gouvernements.

Ainsi, si la Grande-Bretagne veut la peau de l'homéopathie, la Suisse, fidèle à sa réputation, a adopté un compromis en considérant à égalité avec l'allopathie quatre médecines non conventionnelles - médecine anthroposophique, homéopathie classique, médecine traditionnelle chinoise et phytothérapie - qui font donc l'objet d'une prise en charge par le régime d'assurance maladie de base.

Le débat a même lieu en Allemagne, pourtant patrie du fondateur de l'homéopathie, Christian Friedrich Samuel Hahnemann, né en 1755 en Saxe.

Au final, est-il judicieux de comparer les médecines non conventionnelles et l'allopathie ?

Ce sont deux outils différents qui, malheureusement, peuvent tous les deux nuire à l'animal s'ils sont mal utilisés mais se montrer bénéfique s'ils le sont correctement et à bon escient.

De par sa formation, seul un vétérinaire est à même d'apprécier les limites et les bénéfices de chacune d'elles.

Interview : « Notre profession doit respecter le choix de ceux qui s'engagent dans d'autres voies »

Notre consoeur Isabelle Lussot-Kervern, exercice exclusif en ostéopathie, phyto-aromathérapie, acupuncture et membre du conseil d'administration de l'Avef*, coordonne depuis fin 2018 le réseau RéPAAS, le réseau de phyto-aromathérapie de l'Afvac**, Avef et SNGTV***. Elle estime que chaque praticien doit pouvoir choisir librement le moyen thérapeutique qu'il souhaite utiliser. D'autant que les sollicitations des propriétaires d'animaux sur ces approches sont, selon elle, quotidiennes en pratique courante.

La Dépêche Vétérinaire : Comment expliquez-vous et comment réagissez-vous aux critiques dont font l'objet les médecines non conventionnelles, en particulier l'homéopathie ces derniers temps ?

Isabelle Lussot-Kervern, coordonnatrice du réseau RéPAAS : Je ne cherche pas forcément à expliquer ces critiques : chacun est libre de penser ce qu'il veut et de l'exprimer.

Je peux comprendre le souhait de certains de travailler en se basant uniquement sur des données éprouvées et testées à large échelle, selon des critères de la recherche dite « scientifique ». Mais je pense que notre profession doit respecter le choix de ceux qui s'engagent dans d'autres voies avec notamment pour objectif de répondre aux demandes des propriétaires d'animaux.

Nous sommes les seuls professionnels à pouvoir analyser toutes les données nécessaires à l'établissement d'un diagnostic. Libre à chacun ensuite de choisir le moyen thérapeutique qu'il souhaite utiliser.

L'expérience clinique et notre formation scientifique nous permettent d'évaluer les effets des traitements instaurés, quels qu'ils soient ! La « science » vétérinaire n'avancerait pas si tous les praticiens se limitaient uniquement à qui a déjà été éprouvé.

D.V. : La suspicion qui entoure l'homéopathie est-elle susceptible de s'étendre aux autres médecines conventionnelles et/ou le craignez-vous ?

I.L.-K. : On reproche à l'homéopathie une absence d'efficacité prouvée selon les critères actuels de la médecine basée sur les preuves (Evidence based medicine).

Des résultats probants de recherches scientifiques pour d'autres médecines complémentaires comme l'ostéopathie ou la phyto-aromathérapie restent encore peu nombreux mais ils existent.

Les recherches menées sur les plantes médicinales sont néanmoins de plus en plus nombreuses pour répondre à l'engouement sociétal pour ce type de médecine.

Je pense qu'il ne faut rien craindre mais au contraire maintenir l'ouverture d'esprit scientifique que nous offre notre profession et respecter les parcours de chacun d'entre nous.

Les praticiens qui utilisent des approches dites holistiques sont tout à fait à même d'évaluer la pertinence de leur méthode thérapeutique. De nouvelles méthodes permettant une évaluation de la globalité du patient sont encore à développer pour valider ces résultats à large échelle.

D.V. : Serait-il judicieux selon vous de réfléchir à des statuts différenciés pour chaque médecine non conventionnelle et de les envisager séparément, notamment dans les formations, et non plus au sein de commissions communes ?

I.L.-K. : Au fur et à mesure des recherches menées dans tel ou tel domaine, certaines médecines complémentaires se rapprocheront peut-être des critères prônés par une partie de la profession. L'offre de formation à disposition des vétérinaires doit cependant demeurer la plus complète possible et leur donner la possibilité d'explorer tous les domaines pour lesquels ils développent un intérêt, forts de leur esprit scientifique et critique.

D.V. : Pensez-vous qu'il faille réserver l'enseignement des médecines non conventionnelles à la formation continue et les exclure de la formation initiale ? Ou inversement ?

I.L.-K. : Je pense que la profession vétérinaire sous couvert d'une approche dogmatique qui se voulait universelle s'est coupée d'autres formes de prises en charge thérapeutique dans lesquelles se sont engouffrés un grand nombre de professionnels dont la formation reste très hétérogène.

Encore une fois, le vétérinaire est le seul à bénéficier d'une formation complète lui permettant d'établir un diagnostic.

Si je prends l'exemple de l'ostéopathie, sa pratique nécessite une très bonne connaissance de l'anatomie, notamment palpatoire. Enseigner cette approche aux étudiants vétérinaires leur offrirait une autre méthode pour compléter leur examen clinique et ainsi leur apporter une aide conséquente dans certaines situations.

Il est à mon avis dommage de ne pas donner aux étudiants une formation de base en médecines complémentaires afin de leur donner, a minima, une culture générale nécessaire à l'exercice de leur profession.

Les sollicitations des propriétaires d'animaux sur ces approches sont quotidiennes en pratique courante. Si le vétérinaire répond par le dénigrement, certains propriétaires se tourneront forcément vers d'autres professionnels non vétérinaires.

D.V. : Pensez-vous qu'un « découplage » entre la pratique vétérinaire et l'exercice de ces médecines non conventionnelles ouvre la voie à l'arrivée sur le marché de professionnels non vétérinaires et instaure une concurrence supplémentaire ?

I.L.-K. : Tout à fait, c'est déjà le cas en ce qui concerne l'ostéopathie.

Heureusement, notre profession est pleine de ressources et même s'il est difficile de faire changer certaines mentalités, celles-ci évoluent.

La profession s'est emparée de la question des personnes autorisées à pratiquer des actes d'ostéopathie animale (PRAOA), qui a abouti à la publication d'un texte de loi.

Les PRAOA qui ne seront pas inscrits sur des listes dédiées tenues par les conseils régionaux de l'Ordre des vétérinaires, seront considérés comme pratiquant illégalement la médecine vétérinaire à compter du 31 décembre 2019.

En phyto-aromathérapie les organismes techniques ont lancé un projet novateur et porteur, le RéPAAS, un réseau transversal de l'Afvac**, Avef*, SNGTV***, ayant notamment pour objectif de rassembler les vétérinaires qui pratiquent ces thérapeutiques.

Ce projet a obtenu un soutien financier de la Direction générale de l'alimentation dans le cadre du plan EcoAntibio. Un des enjeux de ce projet est de permettre aux vétérinaires de mieux connaître les plantes médicinales et leurs utilisations possibles. Certains éleveurs les utilisent depuis plus de 30 ans. Ces pratiques se sont développées dans l'optique de trouver des alternatives aux antibiotiques, le plus souvent sans collaboration avec les vétérinaires.

Il est indéniable que certains professionnels non vétérinaires cherchent à occuper les places laissées libres par notre profession. C'est également pour cette raison que depuis le début de l'année un groupe Médecines complémentaires s'est constitué au sein du SNVEL****, avec pour leitmotiv de défendre l'acte vétérinaire quelle que soit l'approche utilisée.

Finalement, lancer des actions pour limiter les offres de formations accessibles aux vétérinaires, c'est agir contre notre profession. C'est aussi laisser le champ libre à des non professionnels, parfois autoproclamés ou sans formation validée, pour occuper le terrain laissé libre par les vétérinaires. Une grave erreur.

* Avef : Association vétérinaire équine française.

**Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

***SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

****SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Interview : « Le débat a été étouffé trop longtemps dans notre profession »

Membre du collectif Zétérinaire qui a récemment interpelé le Conseil national de l'Ordre sur le caractère non scientifique de l'homéopathie en lui demandant de prendre position (lire DV n° 1481), notre confrère Franck Poudrai appelle à un débat sur les médecines non conventionnelles et dénonce son retard. Le caractère scientifique est au coeur de la question et, si chacun est libre de ses pratiques, il importe selon lui d'éviter d'instaurer une confusion dans l'esprit du public.

La Dépêche Vétérinaire : Que vous inspire la situation actuelle et le débat instauré autour de l'homéopathie et plus globalement des médecines non conventionnelles ?

Franck Poudrai, représentant le collectif Zétérinaire : La situation actuelle nous laisse à penser que ce débat a été étouffé trop longtemps dans notre profession. Le devoir de confraternité a empêché l'émergence de réactions quand certains confrères ont commencé à faire la promotion de pratiques frôlant l'ésotérisme. Les actions des instances vétérinaires furent alors insuffisantes et probablement difficiles. Il nous paraît donc désormais nécessaire d'interroger clairement la profession sur ces dérives.

Néanmoins nous reconnaissons que chacun est libre de faire appel à des pratiques quand il pense qu'elles lui procureront du bien-être ou d'exercer personnellement ces pratiques à titre commercial : ça ne relève simplement pas du domaine de la médecine, humaine ou vétérinaire.

En revanche, la prétention de ces activités à revendiquer un caractère scientifique et/ou médical est problématique et doit nous questionner collectivement : il ne devrait pas suffire d'ajouter « -pathe » ou « -thérapie » derrière n'importe quel terme pour lui conférer un statut scientifique.

La « bien-êtropathie » est une chose, l'exercice d'une médecine fondée sur la science en est une autre que personne ne devrait pouvoir confondre. Le mélange des genres n'est pas de nature à conserver ni renforcer la confiance du public dans la médecine, pas plus que dans la science, conduisant à des issues thérapeutiques parfois dramatiques et augurant de conséquences sociétales qui ne peuvent être que délétères.

D.V. : Les organismes techniques professionnels proposent tous des formations continues sur ces médecines. Pensez-vous que ce soit leur rôle et, sinon, à qui devrait revenir la mission de les assurer ?

F.P. : Aucune formation continue ne devrait être effectuée pour des pratiques non éprouvées reposant sur de simples spéculations, d'autant plus quand elles ne répondent pas aux principes de la science actuelle ni à la définition d'une théorie scientifique.

Doit-on « former » à ce type de pratiques avant même que la recherche scientifique ait pu valider le moindre résultat probant ?

Si nous parlons des organisations vétérinaires à vocation technique (OVVT), proposer des formations sur des pratiques non éprouvées permet-il de conserver une crédibilité vis-à-vis de leurs adhérents, de leurs intervenants spécialistes et aussi vis-à-vis de leurs homologues européens ?

Nous nous étonnons d'ailleurs que des spécialistes diplômés continuent d'accepter que les formations qu'ils animent pour ces OVVT soient mises au même niveau que les formations d'homéopathie organisées par ces mêmes organismes.

Il en est de même pour les enseignements dans les écoles vétérinaires. Les budgets de celles-ci étant déjà limités, ils seront mieux consacrés à l'enseignement de pratiques médicales éprouvées et à l'esprit critique qu'à celui de pseudo-médecines.

Concernant certaines entreprises privées, les catalogues des formations commercialisées illustrent que ces sociétés à responsabilité limitée n'enseignent ni la démarche scientifique ni sa méthode : les pratiques non éprouvées sont leur fonds de commerce et leur raison d'être. Si des confrères sont prêts à investir pour des formations sur des pratiques n'ayant aucune base scientifique et risquant de ne donner aucune reconnaissance de formation continue, c'est que le modèle économique de ces Sarl est performant.

En tout état de cause, il paraît légitime de contester que le contribuable doive continuer de financer des formations d'homéopathie comme de toute pseudoscience via le FIF-PL* et Actalians par exemple.

D.V. : La fourniture de publications scientifiques validant leur intérêt serait-elle de nature à vous faire changer d'avis à leur sujet ?

F.P. : Bien sûr dès lors qu'elles reposent sur une démarche scientifique.

Le pluriel dans votre question est essentiel : pour une indication donnée dans un cadre donné, l'efficacité d'une pratique médicale doit être démontrée par plusieurs équipes indépendantes.

Et le terme de démonstration est important : pour qu'il y ait démonstration il faut un niveau de preuve suffisant.

Les pseudo-médecines échouent à apporter des preuves de haut niveau répliquées. Toutefois si elles devaient y parvenir, nous accueillerons avec plaisir tout nouvel arsenal thérapeutique.

Il faut cependant garder en tête un point crucial. Aujourd'hui les publications scientifiques, en termes de médecine, valident principalement une pratique dans une indication donnée selon un protocole donné afin d'obtenir un résultat donné. La validation d'une pratique dans ce cadre n'entraîne pas nécessairement sa validité dans un autre cadre.

C'est pourquoi, prétendre valider l'ensemble d'une discipline est illusoire. C'est comme si on prétendait que l'antibiothérapie est bonne pour tout. Ou la corticothérapie. Ces deux pratiques répondent à des indications données mais sont inutiles, voire délétères, pour d'autres.

* FIF-PL : Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux.

Interview : « La polémique est déconnectée des enjeux réels »

Pour notre confrère Julien Daspet, membre de la commission Médecines complémentaires de la SNGTV*, les médecines complémentaires font partie des outils permettant de diminuer la consommation d'antibiotiques, que l'on croie ou non à leur efficacité. Au lieu de les restreindre, il faudrait au contraire selon lui élargir le champ d'action de ces médecines.

La Dépêche Vétérinaire : Comment expliquez-vous et réagissez-vous aux critiques dont font l'objet les médecines non conventionnelles, en particulier l'homéopathie ?

Julien Daspet, membre de la commission Médecines complémentaires de la SNGTV* : La polémique récente autours de l'homéopathie me semble déconnectée des attentes actuelles, aussi bien de la communauté scientifique que du grand public et des consommateurs.

L'homéopathie est un des outils qui, chez l'Homme, a montré qu'il permettait de diminuer les consommations d'antibiotiques, que l'on croie ou non à son efficacité. Je ne pense donc pas que l'on puisse se passer de l'un de ces outils. 

D.V. : La suspicion qui entoure l'homéopathie est-elle susceptible de s'étendre aux autres médecines conventionnelles et/ou le craignez-vous ? 

J.D. : Je ne crains pas que cette suspicion s'étende aux autres médecines complémentaires. Phytothérapie et aromathérapie sont à un moment charnière de passage entre médecine traditionnelle et médecine scientifique. Il faut laisser à la science le temps de faire son travail dans ces domaines. 

D.V. : Serait-il judicieux selon vous de réfléchir à des statuts différenciés pour chaque médecine non conventionnelle et de les envisager séparément, notamment dans les formations, et non plus au sein de commissions communes ? 

J.D. : Le médicament homéopathique bénéficie déjà d'allègements lors du dépôt de dossier d'AMM, le médicament à base de plantes mériterait aussi un statut particulier intégrant complexité et variabilité de sa composition, deux caractéristiques difficilement conciliables avec les exigences actuelles des dossiers LMR.

Les formations SNGTV homéopathie et aromathérapie sont déjà différenciées.

Historiquement, la commission Médecines complémentaires de la SNGTV regroupe praticiens en homéopathie, en ostéopathie, en phytothérapie et aromathérapie. Il n'est pas à l'ordre du jour de la scinder.

Son objectif est d'élargir le champ des possibles, en adéquation avec les attentes sociétales. Le tout nouveau RePAAS (Réseau phytothérapeute Afvac**, Avef***, SNGTV) financé par le plan EcoAntibio 2 poursuivra le même objectif pour la phytothérapie et l'aromathérapie, en additionnant les compétences des praticiens de ces trois entités.

D.V. : Pensez-vous qu'il faut réserver l'enseignement des médecines non conventionnelles à la formation continue et les exclure de la formation initiale ? Ou inversement ?

J.D. : Je pense que l'enseignement des médecines complémentaires a toute sa place dans les écoles vétérinaires, cela est même fortement souhaitable dans un délai court.

Les besoins sur le terrain sont présents sur tout le territoire et les praticiens souvent désemparés face à ces pratiques. Beaucoup d'éleveurs pratiquent d'ailleurs déjà sans vétérinaire, malheureusement sans contrôle qualité ni traçabilité de ce qu'ils utilisent. 

Un DIE de phytothérapie existe déjà. Il existe aussi des formations scientifiques en phyto et aromathérapie dans quelques facultés de pharmacie, dont certaines ont des modules spécifiquement destinés à la profession vétérinaire.

Il serait temps que l'enseignement vétérinaire prenne le relais en formation initiale en aromathérapie. En formation continue, la SNGTV propose déjà des modules.

D.V. : Pensez-vous qu'un découplage entre la pratique vétérinaire et l'exercice de ces médecines non conventionnelles ouvre la voie à l'arrivée sur le marché de professionnels non vétérinaires et instaure une concurrence supplémentaire ?

J.D. : Le découplage serait à mon sens une erreur. En rurale, les réelles innovations techniques sont rares. Le consommateur plébiscite l'agriculture biologique et le vétérinaire de demain devra avoir dans son arsenal thérapeutique des outils cohérents avec les attentes sociétales s'il veut encore avoir une place.

Plutôt que de craindre une situation de concurrence qui existe déjà, l'enjeu pour la profession est double : 

- faire que les médecines complémentaires, phyto et aromathérapie en tête, continuent à progresser avec les dernières avancées de la science ;

- restaurer sécurité, qualité et traçabilité lors de traitements sur animaux d'élevage.

Pour l'un comme pour l'autre, la profession vétérinaire me semble être la mieux placée.

* SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

** Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

*** Avef : Association vétérinaire équine française.

Interview : « La charge de la preuve revient aux promoteurs de ces médecines »

Pour notre confrère Pierre-Louis Toutain, professeur honoraire de physiologie-thérapeutique à l'école vétérinaire de Toulouse, les médecines non conventionnelles peuvent être acceptables dès lors qu'elles s'envisagent dans un cadre éthique et sans perte de chance pour l'animal. Si sa formation de pharmacologue l'incite à s'exprimer surtout sur l'homéopathie, toutes les médecines non conventionnelles devraient, selon lui, passer l'épreuve des essais cliniques contrôlés.

La Dépêche Vétérinaire : Les médecines non conventionnelles, et particulièrement l'homéopathie, font l'objet de nombreuses controverses actuellement, tant en médecine humaine que vétérinaire. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Pierre-Louis Toutain, professeur honoraire de physiologie-thérapeutique à l'école vétérinaire de Toulouse : En France, si un vétérinaire répond à ses obligations de moyens et qu'il utilise les médecines non conventionnelles en parallèle et sans nuire à la santé de l'animal, leur existence ne me pose pas de problème en tant que pharmacologue.

Si, à l'inverse, comme c'est souvent le cas au Royaume-Uni notamment, il ne met en oeuvre que de l'homéopathie par exemple, il fait courir un risque injustifié à l'animal. D'autant plus si ce traitement rassure son propriétaire et que ce dernier se sent ensuite dispensé de tout traitement conventionnel.

J'aurais tendance à être moins sévère envers ces médecines quand elles sont mises en oeuvre chez l'Homme, sous réserve qu'elles soient prescrites en connaissance de cause, alors que l'animal, souvent résilient, est tributaire des choix pas toujours éclairés de son propriétaire.

Si la situation de l'homéopathie est claire et, selon les données scientifiques, c'est à dire dénuée de tout effets thérapeutiques spécifiques , elle est un peu différente avec l'ostéopathie ou l'acupuncture pour lesquelles il y a une véritable intervention.

L'usage correct du tord-nez chez le cheval, par exemple, peut être assimilé à de l'acupuncture avec une libération d'endorphine et son effet analgésiant est avéré. Mais pour autant, l'acupuncture ne soigne pas tout.

La lutte contre l'antibiorésistance et la recherche d'alternative aux antibiotiques a ouvert la boîte de Pandore avec l'émergence de thérapeutiques remises en question ou remises en perspective aujourd'hui (usage du zinc, des probiotiques...).

Faire la démonstration de l'efficacité d'une thérapeutique quelle qu'elle soit n'est pas si simple mais pourtant nécessaire. On doit rappeler que ni l'opinion ni le témoignage ne sont considérés comme des preuves d'efficacité.

D.V. : Pensez-vous, comme le demande certains, qu'il faille exclure ces disciplines du champ de l'enseignement vétérinaire initial et continu traditionnel ?

P.-L.T. : Les écoles sont déjà carencées dans l'enseignement de certaines disciplines et notamment de l' Evidence Based Medicine . Il faudrait expliquer aux étudiants ce qu'est une preuve, un essai clinique contrôlé, les ouvrir à des bases de données scientifiques comme le projet Cochrane...

Consacrer du temps aux médecines non conventionnelles dans un contexte autre que celui de la médecine fondée sur les preuves me paraîtrait déraisonnable.

Quant à la formation continue, chacun fait ce qui lui plaît ,même si la question de légitimité de la prise en charge de ces formations par un fonds mutualisé peut se poser.

D.V. : Une solution à la réhabilitation de ces médecines serait la production d'études scientifiques validant ses effets. Comment expliquez-vous la rareté des publications scientifiques sur le sujet ?

P.-L.T. : Concernant l'homéopathie, sujet que je connais mieux par mon statut de pharmacologue, les articles publiés, et notamment une revue narrative récente*, dont je suis l'un des co-auteurs, conclut que les rares essais bien menés ont montré une absence d'efficacité et elle explique la non plausibilité de cette doctrine (biais de publication, essais de mauvaise qualité, non contrôlés, non reproductibilité des résultats,...).

Je ne demanderais qu'à lire, voire à participer à des essais conçus selon les normes internationales en matière de preuve pour tester l'efficacité de l'homéopathie mais j'y mettrais comme condition que les résultats en soient publiés quel qu'en soit la nature. De telles études seraient particulièrement intéressantes chez les grands animaux, non concernés par le biais émotionnel qui peut exister avec les animaux de compagnie.

Il revient à ceux qui veulent promouvoir ces médecines d'apporter la preuve de leur efficacité.

* Comparison of veterinary drugs and veterinary homeopathy ; P. Lees & al. ; Vet Record ; août 2017.

Interview : « Les critiques sont le symptôme d'une grande ignorance »

Pour notre confrère Richard Blostin, président du Groupe d'étude en biothérapies de l'Afvac*, les critiques dont font l'objet actuellement les médecines non conventionnelles en général et l'homéopathie en particulier ne sont que le reflet d'une grande ignorance de la part de leurs détracteurs. Il appelle au dialogue pour faire progresser la science et déplore l'impasse qui consiste à opposer médecines conventionnelles et non conventionnelles.

La Dépêche Vétérinaire : Comment expliquez-vous et réagissez-vous aux critiques dont font l'objet les médecines non conventionnelles, en particulier l'homéopathie, ces derniers temps ?

Richard Blostin, président du Groupe d'étude en biothérapies (GEB) de l'Afvac* : L'homéopathie est attaquée. Ce n'est pas la première fois. Des optimistes diront qu'on n'attaque que ce qui est bien vivant et qui dérange. Mais pourquoi dérange-t-elle, alors ?

Pourquoi est-ce le tour maintenant à d'autres médecines non conventionnelles (MNC) d'être attaquées ?

Les allopathes se sentent-ils affaiblis, gênés dans leur pratique par ces MNC ? Est-ce dû au retour de leur propre clinique, à la demande de leurs clients ou peut-être à un refus de l'évidence ?

Pourquoi tant de mobilisation négative ? Pour faire comme certains médecins bien pensants ?

A ce jour, pour l'homéopathie, au niveau international, des rapports officiels donnent des conclusions différentes. Pourquoi ne retenir que les résultats négatifs comme ceux du rapport australien qui fait l'objet de recours en justice pour des biais** ?

Ces critiques sont pour nous le symptôme d'une grande ignorance de la part des détracteurs notamment sur les résultats de la recherche fondamentale.

D.V. : La suspicion qui entoure l'homéopathie est-elle susceptible de s'étendre aux autres MNC et/ou le craignez-vous ?

R.B. : Doutons, doutons de tout mais ne confinons pas l'inconnu au connu sinon la science et la médecine ne peuvent progresser. Oui aux discussions et au dialogue, dès lors qu'il est possible.

Que les critiques faites aux techniques dites non conventionnelles amènent aussi celles à l'Evidence Based Medecine***.

Bien sûr les MNC ne guérissent pas tout, bien sûr il y a des charlatans. Comme partout !

Nous essayons de transmettre homéopathie et phytothérapie en nous appuyant le plus possible sur la recherche et sur notre pratique quotidienne. Ne restez pas sur de l'ignorance et des a priori systématiques.

Informons-nous et restons curieux. C'est ainsi que progresse la science. Et nous, vétérinaires, pouvons être des intermédiaires entre la recherche et les médecins. Opposer médecines conventionnelles et non conventionnelle est stérile.

Le GEB organise le 8 novembre une réunion à Paris sur la recherche avec des chercheurs conventionnels travaillant sur le dilué/dynamisé. Les portes sont ouvertes.

D.V. : Serait-il judicieux selon vous de réfléchir à des statuts différenciés pour chaque MNC et de les envisager séparément, notamment dans les formations, et non plus au sein de commissions communes ?

R.B. : Il n'y a qu'une médecine et différentes techniques pour soigner. Ne ghettoïsons pas les MNC. Essayons, sans oublier les usages traditionnels, de les faire progresser en nous appuyant le plus possible sur les résultats scientifiques.

C'est possible au sein des grands organismes de formation, en collaborant et échangeant avec les autres spécialités, dans l'intérêt de notre profession.

D.V. : Pensez-vous qu'il faut réserver l'enseignement des médecines non conventionnelles à la formation continue et les exclure de la formation initiale ? Ou inversement ?

R.B. : Il serait positif qu'il y ait, comme déjà de façon épisodique dans certaines écoles, une initiation aux MNC, faite par les groupes techniques des organismes de formation puis la possibilité d'une formation continue vétérinaire pour les confrères qui le souhaitent.

D.V. : Pensez-vous qu'un découplage entre la pratique vétérinaire et l'exercice de ces MNC ouvre la voie à l'arrivée sur le marché de professionnels non vétérinaires et instaure une concurrence supplémentaire ?

R.B. : La nature a horreur du vide. Il y a une demande de la clientèle et de la population (développement du bio). Il y a déjà sur le marché des intervenants non vétérinaires.

On ne doit pas laisser ces MNC tomber dans des mains non expertes médicalement, ouvrant la porte au n'importe quoi, à l'ésotérisme voire au danger. Il y va de la santé publique et animale. C'est une responsabilité, donnée à notre profession. Que les MNC restent vétérinaires !

* Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

** sphq.org/rapport-suisse-rapport-australien ; Efficacité de l'homéopathie : rapport suisse et rapport australien.

*** Amrhein and coll, 21 mars 2019, Vol 567, Nature, 305.

Gros Plan : Prise en charge des formations : pas d'évolution prévue sur les médecines non conventionnelles

Maud LAFON

Sur 2 600 formations vétérinaires prises en charge par le FIF-PL* l'an dernier, 175 concernaient des médecines non conventionnelles. Leur proportion est plus importante dans le domaine des formations longues, de plus de 100 heures. Aucun refus de prise en charge de ces médecines n'est à l'ordre du jour.

« Pour l'instant, un certain nombre de formations à des médecines non conventionnelles est pris en charge par le FIF-PL*, certaines depuis peu comme l'homéopathie et l'acupuncture qui ne le sont que depuis trois ou quatre ans » , explique notre confrère Eric Février, membre du conseil d'administration du SNVEL** et représentant de la profession vétérinaire au sein du FIF-PL.

Aucune demande n'a été effectuée expressément au FIF-PL pour que cette situation change et aucune évolution débouchant, par exemple, sur l'exclusion de ces formations à une éligibilité à la prise en charge n'est prévue.

« Ces formations aux médecines non conventionnelles ont été ajoutées au catalogue sous la pression de la demande des confrères et cela a été possible car les crédits alloués à la formation des vétérinaires ne manquent pas » , ajoute notre confrère.

Volume faible

Leur volume reste cependant très faible en ce qui concerne les formations courtes (moins de 100 heures) au regard des autres formations.

Sur 2 600 formations prises en charge l'an dernier, 24 concernaient l'homéopathie, 37 la phyto-aromathérapie, 84 l'ostéopathie et 30 l'acupuncture et la médecine chinoise.

La part de ces formations est par contre plus importante pour les cursus longs (plus de 100 heures), près de la moitié des 75 prises en charge chaque année (à 70 % avec un plafond) étant consacrée à l'ostéopathie.

« Les fonds attribués aux formations longues seront sans doute épuisés au cours de l'été » , complète Eric Février qui précise qu'elles seront donc probablement scindées pour ne pas pénaliser les vétérinaires.

S'adapter aux demandes

Les critères concernant ces formations ont déjà été modifiés en ce sens en leur consacrant 10 % de la collecte des fonds de la profession.

« Le message que je porte au FIF-PL est de s'adapter aux demandes des vétérinaires en termes de besoins de formation et, pour l'instant, les médecines non conventionnelles font partie de leurs attentes » , souligne notre confrère.

Il précise pour autant refuser son aval aux formations fantaisistes sur la médecine énergétique, la biodynamie ou les domaines ésotériques. Certaines formations aux médecines alternatives ne sont donc pas prises en charge.

Au sein du FIF-PL, Eric Février a en effet la charge de valider ou non les nouveaux thèmes soumis par les confrères.

L'acceptation est corrélée aux critères prioritaires pour la profession, listés par le fonds (consultables sur le site www.fifpl.fr).

Le champ des formations prises en charge a évolué au fil de l'évolution de la pratique et des attentes des vétérinaires. Eric Février rappelle qu'il y a quelques années, aucune formation de management n'était prise en charge par exemple, ce qui n'est bien évidemment plus le cas aujourd'hui.

* FIF-PL : Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux.

** SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Gros Plan : Une procédure d'enregistrement allégée peu utilisée

En théorie, les médicaments homéopathiques peuvent faire l'objet d'une procédure d'enregistrement allégée auprès de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV). Ce n'est pourtant le cas d'aucun médicament homéopathique vétérinaire qui bénéficient tous d'une autorisation de mise sur le marché. Notre consoeur Paule Carnat-Gautier, directrice adjointe de l'ANMV, précise cette réglementation et fait le point sur la situation des produits de phytothérapie.

La Dépêche Vétérinaire : Quelle est actuellement la procédure d'enregistrement d'AMM pour un médicament homéopathique ? Obéit-elle à la même rigueur scientifique qu'un médicament traditionnel ?

Paule Carnat-Gautier, directrice adjointe de l'Agence nationale du médicament vétérinaire : La procédure d'enregistrement est décrite dans le Code de la santé publique. Le médicament homéopathique doit répondre à certains critères pour être éligible, notamment une voie d'administration décrite par la pharmacopée européenne ou la pharmacopée française ou, à défaut, par les pharmacopées utilisées de façon officielle dans les autres Etats membres de la Communauté européenne.

L'absence d'indication thérapeutique particulière sur l'étiquetage ou dans toute information relative au médicament et un degré de dilution garantissant l'innocuité du médicament, notamment tel qu'il ne contienne pas plus d'une partie par 10 000 de la teinture mère (article L. 5141-9 du Code de la santé publique) sont requises.

La procédure d'enregistrement répond à la même rigueur scientifique qu'un médicament traditionnel mais il s'agit d'une procédure allégée et non d'une autorisation de mise sur le marché.

Ainsi, par exemple, l'évaluation de la partie qualité du dossier portant sur les teintures mères, le processus de fabrication et de contrôle est évaluée de la même façon qu'un autre médicament mais aucune évaluation de l'efficacité du produit n'est conduite, le médicament homéopathique enregistré ne pouvant porter aucune revendication thérapeutique.

A ce jour, aucun médicament vétérinaire homéopathique n'a fait l'objet d'un enregistrement (procédure allégée). Les médicaments homéopathiques vétérinaires présents sur le marché bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché qui peut être basée sur des revues bibliographiques pour la partie efficacité.

En ce qui concerne, les médicaments homéopathiques à usage humain, ils peuvent être soumis à autorisation de mise sur le marché avec ou non des démonstrations efficacité, innocuité basées sur des revues bibliographiques ou faire l'objet d'un enregistrement, ce qui est le cas pour les différentes souches ou dilutions homéopathiques ou les médicaments qui respectent les monographies du Comité Herbal Products publiées sur le site de l'Agence européenne des médicaments*.

D.V. : Quelle est la situation pour les médicaments de phytothérapie ? Des évolutions sont-elles à l'étude, comme souhaité par les utilisateurs ?

P.C.-G. : Les médicaments de phytothérapie sont soumis à la procédure d'autorisation de mise sur le marché. Cette procédure est toutefois allégée tant sur le plan du contenu scientifique du dossier que des taxes.

Lorsque la demande porte sur un médicament d'usage traditionnel et dont les substances actives sont exclusivement une ou plusieurs substances végétales, telles que définies au 1° de l'article R. 5141-1, ou préparations à base de plantes ou une association de plusieurs substances végétales ou préparations à base de plantes, le dossier est allégé en faisant référence à la littérature publiée et reconnue dans la tradition de la médecine phytothérapeutique vétérinaire pratiquée en France ou dans l'Union européenne pour montrer l'usage traditionnel depuis au moins 10 ans et que le médicament de phytothérapie présente toute garantie d'innocuité.

L'Anses** a émis un avis 2014-SA-0081 relatif aux mesures d'allègement envisageables pour le dossier de demande d'AMM en 2016***.

Dans cet avis, l'Anses a identifié trois principales difficultés scientifiques et réglementaires qui empêcheraient les demandeurs de déposer un dossier :

- l'absence de limite maximale de résidus (LMR) pour une grande majorité de plantes utilisées dans les médicaments vétérinaires à base de plantes destinés aux animaux producteurs de denrées alimentaires (l'existence d'une LMR étant un prérequis au dépôt d'un dossier d'AMM) ;

- la nécessité d'une identification stricte permettant de caractériser la plante ou les parties de plantes composant le médicament ;

- la rareté des publications scientifiques avec un niveau de preuve élevé sur l'efficacité de la plante ou partie de plante.

La réglementation européenne récemment adoptée et qui sera applicable en 2022 ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour les médicaments de phytothérapie qui restent soumis à autorisation de mise sur le marché.

Toutefois, le règlement n°2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires prévoit que la Commission établisse un rapport sur l'usage de la phytothérapie en médecine vétérinaire et des propositions d'allègement visant à instaurer un système simplifié d'enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes.

Cette mesure a été largement portée par la France lors des négociations au Conseil et les autorités françaises seront particulièrement attentives au suivi de l'élaboration de ce rapport et des propositions qui pourraient en découler. Nous regrettons le délai jusqu'en 2027 accordé à la Commission pour ce rapport.

L'ANMV poursuit ses travaux avec les utilisateurs pour lever les freins au développement de médicaments vétérinaires de phytothérapie, notamment les travaux d'étude des substances au regard des limites maximales de résidus dans l'objectif d'être force de proposition pour la Commission européenne.

* https://urlz.fr/a2QQ

** Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

*** https://urlz.fr/6KuF

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1490

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