Plan EcoAntibio 3 : dégager un objectif qualitatif et agir sur la transmission de l'antibiorésistance, prône le CGAAER
Mercredi 18 Janvier 2023 Vie de la profession 46210Plusieurs études montrant l'importance du rôle de la transmission dans l'évolution de l'antibiorésistance, il est important d'étudier précisément ce risque et d'élargir désormais les efforts du prochain plan EcoAntibio à la maîtrise de cette transmission dans tous les secteurs, comme dans les établissements de soins vétérinaires mais aussi en élevage, dans le transport d'animaux, en abattoirs, dans l'industrie agro-alimentaire..., explique le CGAAER.
© David Quint
Michel JEANNEY
Santé publique
Tirant le bilan des deux plans EcoAntibio, un récent rapport du CGAAER* dégage les grandes lignes de ce que pourrait être le plan EcoAntibio 3. Le document estime que la consommation d'antibiotiques a atteint, à quelques exceptions près, un niveau plancher et que le nouveau plan devrait plutôt afficher un objectif qualitatif et proposer l'amélioration des prescriptions dans le respect du bien-être animal. Il invite à s'intéresser désormais au rôle de la transmission dans l'évolution de l'antibiorésistance et d'en diminuer les risques. Il préconise en outre d'élargir les plans de lutte à la résistance aux antiparasitaires, dans la lignée des plans mis en oeuvre dans l'Union européenne et au niveau international.
Stabiliser la consommation d'antibiotiques au niveau actuel, en maintenant la mobilisation des acteurs : c'est l'une des préconisations d'un rapport rendu public fin 2022**, suite à une mission d'évaluation des plans EcoAntibio et d'appui à la préparation du troisième, confiée par le ministre de l'Agriculture au CGAAER*.
« Compte tenu de la baisse de consommation réalisée (suite aux précédents plans EcoAntibio, NDLR), continuer à vouloir restreindre de façon globale l'usage des antibiotiques dans tous les secteurs et filières pourrait entraver la réalisation de traitements médicalement justifiés et ainsi générer des risques d'atteinte à la protection animale », expliquent nos consoeurs Claire Laugier (Toulouse 1983) et Karine Guillaume (Nantes 1984), inspectrices générales de santé publique vétérinaire et autrices du rapport.
De grandes avancées
Pour elles, le prochain EcoAntibio 3 doit, dans ce contexte, chercher à « stabiliser la consommation moyenne d'antibiotiques au niveau actuel, en maintenant la mobilisation des acteurs par des actions de communication, de formation, de développement d'outils d'aide à la prescription et à l'évaluation (notamment Calypso) et de maintien de l'arsenal thérapeutique ».
Les inspectrices saluent les « grandes avancées dans le domaine de la santé animale depuis 2011, grâce aux succès des plans EcoAntibio 1 et 2, qui ont réussi à mobiliser l'ensemble des parties prenantes concernées ».
« De nombreuses actions de sensibilisation et de formation ont été organisées à destination des professionnels, des mesures règlementaires contraignantes ont été mises en application, des objectifs ambitieux de réduction de consommation ont été fixés », rappellent-elles.
Des efforts ont été en outre engagés pour construire des outils d'auto-évaluation et d'aide à la prescription. Des mesures visant à maintenir l'arsenal thérapeutique ont été encouragées. De nombreux projets, attribués à des structures variées, ont amené les différents acteurs à travailler ensemble pour lutter contre l'antibiorésistance.
Dans le cadre des plans EcoAntibio, les vétérinaires ont ainsi réussi « à diminuer fortement leurs prescriptions antibiotiques, particulièrement pour ce qui concerne les antibiotiques critiques ». Ils recourent fréquemment aux tests d'orientation diagnostique et aux antibiogrammes pour adapter précisément les traitements aux maladies rencontrées.
En concertation avec les vétérinaires, les éleveurs ont modifié leurs pratiques pour limiter les risques infectieux, améliorer l'état général de leurs animaux et limiter ainsi leur utilisation d'antibiotiques.
Des secteurs plus difficiles à mobiliser
Selon nos consoeurs, ces évolutions ont été particulièrement marquées dans les filières porcine et avicole. Elles se développent à des vitesses variables dans les autres élevages, d'abord bovin laitier, puis bovin allaitant, autres ruminants et lapins.
« Les secteurs des équidés et des carnivores domestiques apparaissent cependant plus difficiles à mobiliser », soulignent-elles.
Les progrès ont été importants et rapides pendant EcoAntibio 1, puis l'amélioration s'est poursuivie à un rythme ralenti tout au long d'EcoAntibio 2, jusqu'à atteindre un « plancher ».
Pour l'avenir, EcoAntibio 3 pourrait, selon les inspectrices, « afficher un objectif qualitatif et proposer l'amélioration des prescriptions dans le respect du bien-être animal. Cependant, des marges de progrès peuvent encore être identifiées dans plusieurs secteurs considérés à risque du fait de certaines pratiques (jeunes ruminants à l'engrais, équidés, animaux de compagnie) et pour lesquels des améliorations devront être proposées ».
Accompagner davantage certains professionnels
La situation de filières qui n'ont pas fait l'objet d'étude approfondie lors des précédents plans EcoAntibio (aquaculture, apiculture) devra être considérée afin de préparer des mesures, si nécessaire. Enfin, les cas particuliers de professionnels encore peu mobilisés, qui n'ont pas suffisamment évolué, doivent être identifiés, selon les deux inspectrices, grâce aux outils d'auto-évaluation et de surveillance. Ce ciblage permettra de les accompagner grâce à des conseils adaptés.
De façon légitime, les plans EcoAntibio ont axé les efforts vers la baisse de consommation des antibiotiques en santé animale, l'émergence de l'antibiorésistance étant effectivement liée pour partie à la présence et à la concentration d'antibiotiques (pression de sélection). Cependant, « l'antibiorésistance peut également être disséminée et se transmettre entre l'Homme, l'animal, le milieu extérieur, par différentes voies, lors de transferts de bactéries ou même de gènes de résistance », soulignent nos consoeurs.
« Plusieurs études montrant l'importance du rôle de la transmission dans l'évolution de l'antibiorésistance, il est important d'étudier précisément ce risque et d'élargir désormais les efforts du prochain plan EcoAntibio à la maîtrise de cette transmission dans tous les secteurs (élevage, transport d'animaux, abattoirs, industries agro-alimentaires, établissement de soins vétérinaire...) », détaillent-elles.
Autre évolution à envisager : élargir les plans à la résistance aux antimicrobiens. En effet, les plans de lutte élaborés en France sont ciblés sur l'antibiorésistance. Ceux mis en oeuvre dans l'Union européenne et au niveau international sont quant à eux élargis à la résistance aux antimicrobiens.
« En effet, différentes espèces de pathogènes autres que les bactéries développent des mécanismes efficaces leur permettant de survivre à l'exposition des médicaments utilisés à leur encontre. La résistance des parasites représente ainsi un phénomène mondial, qui concerne tous les groupes de parasites, toutes les espèces animales domestiques et de nombreux antiparasitaires », souligne le rapport du CGAAER.
Résistance aux antiparasitaires : leishmaniose canine à surveiller
Elle constitue, selon lui, un problème majeur, et en croissance, dans le domaine de la santé animale, entraînant des pertes économiques alarmantes dans certains secteurs (petits ruminants, équidés...).
La résistance aux antiparasitaires pourrait également représenter un danger pour la santé publique, notamment du fait de zoonoses vectorielles menaçant des sujets humains immuno-déprimés. Une mauvaise gestion zootechnique et thérapeutique de ces traitements pourrait conduire à l'émergence de parasites zoonotiques résistants et donc difficilement contrôlables chez l'Homme, par exemple dans le cas de la leishmaniose canine, zoonose vectorielle mortelle en l'absence de traitement, dont le chien est le réservoir majeur.
« Il serait donc intéressant d'élargir les réflexions à cette problématique dans le cadre du futur plan EcoAntibio ou de construire, à partir de ce modèle qui a prouvé son efficacité, un plan spécifique de lutte « Eco-antiparasitaire » », concluent les deux autrices du rapport. ■
* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.
** Disponible à l'adresse : https://bit.ly/3IQijEP