Plan de lutte contre la désertification vétérinaire : la région Grand Est se dote d'un dispositif ambitieux

La désertification vétérinaire dans la région Grand Est pourrait à terme engendrer d'importantes conséquences pour les filières agricoles en matière de santé et bien-être des animaux d'élevage, pérennité des exploitations et santé publique.

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Julien GOBERT

Administrateur du SNVEL*

Maillage

Les organismes professionnels vétérinaires du Grand Est (SRVEL** GE, GTV*** GE et Crov**** GE) travaillent depuis 2022 avec le Conseil régional Grand Est pour la mise en place d'un plan d'action de lutte contre la désertification vétérinaire en milieu rural dans le cadre de la loi DADDUE. Un nouveau dispositif d'aide à l'installation ouvert depuis le mois d'octobre 2024 vient compléter un plan large et ambitieux.

Le phénomène de désertification vétérinaire n'épargne pas la région Grand Est. Ainsi, une couverture imparfaite de ce territoire par des compétences vétérinaires a été identifiée : près de 50 % du territoire de la Marne, 33 % pour les Ardennes, 50 % pour la Haute-Marne, 33 % pour la Meuse, 50 % en Meurthe-et-Moselle, 75 % pour l'Alsace, 25 % pour les Vosges...

Cette situation pourrait à terme engendrer d'importantes conséquences pour les filières agricoles en matière de santé et de bien-être des animaux d'élevage, de pérennité des exploitations mais aussi de santé publique. Sensibilisé en 2022 par les organismes professionnels vétérinaires (OPV) de la région Grand Est (SRVEL* GE, GTV** GE et Crov*** GE), le Conseil régional Grand Est a débuté dès 2023 la mise en place en place d'un vaste plan de lutte reposant sur le cadre de la loi DADDUE.

Un premier niveau d'intervention : les mesures d'urgence

Certaines zones rurales sont peu denses en élevage et l'exercice de la profession vétérinaire ne peut y être restreint à l'exercice des animaux de production. D'un point de vue comptable, la déprise de l'activité des animaux de rente vers les animaux de compagnie est facilitée par une faible part des charges de structures sur le chiffre d'affaire. De plus, ces zones peu denses sont moins favorables aux investissements. En effet, les montants des investissements, qu'ils soient dans l'immobilier et ses aménagements, dans la formation continue ou dans le développement de nouveaux services, sont les mêmes quelle que soit la densité d'élevage.

Par ailleurs, le volume du marché pour les financer est moindre en zone peu dense et pénalise la capacité d'amortissement et d'atteinte du seuil de rentabilité. Pour répondre à cette difficulté, la région Grand Est a ouvert dès 2023, en concertation avec les OPV, un premier niveau d'intervention dit d'urgence pour endiguer le phénomène de désertification via le lancement d'un dispositif de soutien en faveur de l'exercice vétérinaire au profit des animaux d'élevage. Celui-ci a vocation à aider les établissements de soins vétérinaires à gagner en compétitivité via une aide à l'investissement matériel, immatériel et d'immobilier bâti.

Un triple objectif : accompagner l'évolution des infrastructures vétérinaires proposant une activité rurale en Grand Est, contribuer au maintien et au développement de l'offre de services de l'activité au profit des animaux de rente et faciliter l'accueil de stagiaires. Une enveloppe de 400 000 euros par an, intégralement financée par la région, a été mise en place. Cette enveloppe vise à soutenir des investissements tels que :

- le matériel de médecine, de chirurgie, de laboratoire, d'imagerie, le matériel informatique, de contention et de parage ;

- la construction neuve ou l'aménagement de locaux existants pourvu que cela vise le développement de nouveaux services (unité d'hospitalisation ou de chirurgie d'animaux de rente), la création d'un nouvel établissement de soins vétérinaires ou la création d'un local pour accueillir des stagiaires.

Des montants d'investissements plancher et plafond ont été mis en place, allant de 7 000 à 30 000 euros pour les investissements matériels et de 40 000 à 100 000 euros pour l'immobilier bâti. Des taux d'interventions varia­bles selon la nature des investissements ont été établis allant de 25 à 60 % du montant du projet.

Ainsi, en 2023 et 2024, ce ne sont pas moins de 38 établissements de soins vétérinaires qui ont pu bénéficier de ce soutien de la région Grand Est.

Un deuxième niveau d'intervention : les mesures structurantes

Le premier niveau d'intervention vise à pérenniser l'existant. Un deuxième niveau d'intervention a été construit dès 2023 afin de mieux préparer l'avenir et relancer la dynamique d'installation des vétérinaires ruraux dans le Grand Est. Rien de mieux pour cela que de susciter des vocations dès l'entrée dans la formation initiale et de faire découvrir l'exercice en Grand Est au travers de stages pendant le cursus de formation.

50 000 euros ont été dédiés à la création d'aides à destination des étudiants vétérinaires réalisant un stage dans le cadre de leur formation au sein d'une structure exerçant une activité rurale en Grand Est et permettent au prorata temporis de la durée du stage (pour un maximum de 6 mois consécutifs) :

- la prise en charge jusqu'à 300 euros par mois des frais de logement des étudiants pendant leur stage ;

- la prise en charge jusqu'à 300 euros par mois des frais de déplacement du stagiaire entre le lieu d'étude et le lieu de stage ;

- une aide incitative jusqu'à 300 euros par mois en faveur de la structure accueillante pour participer aux frais d'accueil et de formation du stagiaire.

Les mesures structurantes complétées en 2024 par le déploiement d'une aide à l'installation

Accessible depuis le début du mois d'octobre 2024, un nouveau dispositif vient compléter le plan d'action : les aides à l'installation. Trois cadres d'installation ont été retenus, chacun avec leur soutien respectif de la région Grand Est :

- l'installation en collaborateur libéral : une aide de 10 000 euros sur cinq ans soit 2 000 euros par an ;

- l'installation en tant qu'associé dans une société d'exercice déjà existante : une aide de 20 % du montant du rachat de la part du fond d'exercice libéral, stock et encours client, plafonnée à 40 000 euros ;

- l'installation individuelle ou la création d'une nouvelle société d'exercice vétérinaire : un forfait de 40 000 euros par dossier.

La date de réception de la demande par la région doit être antérieure à la date d'installation.

Le statut de collaborateur libéral : un tremplin vers l'association

Le statut de collaborateur libéral a été rendu éligible à cette mesure au titre de soutien à la trésorerie lors de la conclusion du contrat de collaboration. La région Grand Est a souhaité accompagner les collaborateurs libéraux faisant l'avance de trésorerie en souscrivant un contrat de prévoyance et une assurance responsabilité civile professionnelle avant même de percevoir leur première rétrocession d'honoraires ou encore les collaborateurs libéraux devant emprunter pour l'achat d'un véhicule professionnel.

Par ailleurs, l'installation en collaborateur libéral est en croissance constante et est très souvent une forme de tremplin vers l'association (familiarisation avec les organismes sociaux, la comptabilité, la création de sa propre clientèle).

Un plan complet motivant certains Conseils départementaux

Ces aides s'inscrivent dans le cadre de la loi DADDUE et le montant des aides accordées par une ou plusieurs collectivités territoriales ne peut pas dépasser 60 000 euros par an et par bénéficiaire. Les aides sont donc cumulables dans cette limite. Ainsi, des Conseils départementaux comme celui de la Moselle ont immédiatement emboîté le pas au Conseil régional Grand Est en instaurant un plan de lutte visant à compléter celui de la région en l'abondant dans la limite autorisée.

A noter, une jeune consoeur ou un jeune confrère qui souhaiterait s'installer en région Est pourrait bénéficier simultanément du dispositif d'aide à l'installation et du dispositif d'aide à l'investissement matériel et d'aide à l'immobilier bâti mis en place par la région Grand Est pour l'accompagner, pourvu qu'il s'engage à exercer tout ou partie de son activité au profit des animaux d'élevage pendant au moins cinq ans après l'attribution de l'aide.

Encore plus d'infos !

Contact par courriel : politiqueveterinaire@grandest.fr

Accéder aux dispositif : www.grandest.fr/aides/ (sélectionner la thématique Agriculture, viticulture et forêt pour filtrer les dispositifs agricoles).

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

** SRVEL : Syndicat régional des vétérinaires d'exercice libéral.

*** GTV : groupement technique vétérinaire.

**** Crov : Conseil régional de l'Ordre des vétérinaires.

Accueil des étudiants vétérinaires
Soutien en faveur de l'exercice vétérinaire
Aide à l'installation des vétérinaires

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1724

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