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Péritonite infectieuse féline et Covid : comparaison

© Viacheslav Rubel-Shutterstock

Pierre BESSIÈRE

L'auteur de cet article déclare ne pas avoir de lien d'intérêt avec le sujet traité.

Le parallèle entre la péritonite infectieuse féline (PIF) et la COVID-19, deux maladies causées par des coronavirus, est probablement déjà venu à l'esprit de tous les vétérinaires.
L'idée que le SARS-CoV-2, l'agent étiologique de la COVID-19, pourrait se comporter comme le FCoV, l'agent étiologique de la PIF, est glaçante.
Ce scénario est pourtant très improbable, car les maladies et leurs agents respectifs sont très différents.

Un peu de virologie

FCoV et SARS-CoV-2 sont tous les deux des coronavirus. S'ils ont pour origine des virus de chauves-souris, ils appartiennent à des genres différents et éloignés d'un point de vue évolutif. Le FCoV est un Alphacoronavirus, tandis que le SARS-CoV-2 est un Betacoronavirus. Le chat peut être infecté par les deux virus, bien que l'infection par le SARS-CoV-2 soit anecdotique en comparaison à celle par le FCoV, qui ne concerne que les félidés.

Tout virus possède à sa surface des protéines qui feront office de clef, capable de reconnaître des récepteurs cellulaires qui, eux, feront office de serrure : FCoV et SARS-CoV-2 n'ouvrent pas les mêmes serrures. Ainsi, ils n'ont pas exactement le même tropisme tissulaire : le FCoV infecte plutôt les entérocytes et les macrophages, tandis que le SARS-CoV-2 se multiplie plutôt dans l'appareil respiratoire. Cette différence est capitale dans la comparaison entre les deux virus car elle explique en partie pourquoi ils ne causent pas les mêmes effets.

Des présentations cliniques radicalement différentes

Le FCoV classique a pour principale cible les entérocytes et peut ainsi être responsable de troubles gastro-intestinaux, d'intensité généralement modérée. Lorsqu'il mute et devient capable de causer une PIF, ce virus acquiert la capacité de se multiplier très efficacement dans les macrophages et de diffuser dans tout l'organisme. La présentation clinique dépend alors de la forme que prendra la maladie : en cas de PIF humide, l'animal présentera des épanchements riches en fibrine, tandis qu'en cas de PIF sèche, des lésions granulomateuses se formeront et les signes cliniques dépendront de l'organe touché (foie, poumon, oeil, système nerveux central ...). Des signes généraux sont présents dans les deux cas (hyperthermie, anorexie, abattement ...).

Un chat infecté par le SARS-CoV-2 ne présentera pas systématiquement des signes cliniques (les quelques études où des chats ont été infectés expérimentalement décrivent des infections uniquement asymptomatiques) mais, s'ils sont présents, ils consisteront principalement en une atteinte respiratoire et digestive. Chez l'homme, la tempête cytokinique est un phénomène bien décrit et responsable de formes graves de la COVID-19 : suite à une réponse immunitaire antivirale exacerbée, de grandes quantités de molécules pro-inflammatoires sont libérées, causant une inflammation incontrôlée (on parle de SRIS, syndrome de réponse inflammatoire systémique), menant souvent à la mort. Cette tempête cytokinique peut également avoir lieu chez le chat atteint par la PIF. L'utilisation des anti-inflammatoires stéroïdiens est ainsi bénéfique dans les deux cas : la dexaméthasone est d'ailleurs pour le moment la seule molécule dont l'efficacité en cas de COVID-19 a été démontrée par les essais cliniques randomisés.

La réponse anticorps : délétère dans un cas, bénéfique dans l'autre

Lorsqu'un chat déclare une PIF, l'issue est immanquablement fatale (des traitements antiviraux prometteurs étant en cours d'investigation, cela pourrait changer dans les années à venir) et cela est en partie dû à la réponse anticorps. Premièrement, les complexes immuns formés par le FCoV et les anticorps anti-FCoV peuvent précipiter et engendrer de l'hypersensibilité de type III. Ils s'accumulent contre les parois des vaisseaux sanguins et attirent des cellules immunitaires, qui sécrètent alors des molécules inflammatoires. Cela cause des lésions de vascularite et est à l'origine des épanchements caractéristiques de la forme humide de la PIF.

Deuxièmement, un phénomène appelé ADE (de l'anglais, antibody dependant enhancement, qu'on peut traduire en « facilitation de l'infection par les anticorps ») peut avoir lieu. Lorsque les macrophages reconnaissent les complexes immuns, ils les phagocytent en vue de les détruire : pour la plupart des virus, l'histoire s'arrêterait là. Sauf que, comme dit précédemment, en cas de PIF, le FCoV est capable de se multiplier très efficacement dans les macrophages : ainsi, ces complexes immuns jouent le rôle de cheval de Troie. Le virus n'a pas à rentrer activement dans les macrophages, ce sont les macrophages qui viennent à lui et l'internalisent. Comme les anticorps ne sont que peu neutralisants (capables de se fixer sur le virus, sans pour autant bloquer ses fonctions biologiques), le FCoV peut ainsi poursuivre son cycle de réplication dans la cellule. C'est principalement à cause de l'ADE qu'aucun vaccin efficace contre la PIF n'a été développé, certains vaccins accélérant l'évolution de la maladie plutôt que de protéger les animaux contre l'infection. Ce phénomène n'a pas systématiquement lieu en cas d'infection naturelle : de nombreux paramètres influent, comme la souche virale, le fond génétique de l'animal, la voie d'inoculation ...

Au contraire, l'infection par le SARS-CoV-2, chez l'Homme, comme chez le chat, provoque la production d'anticorps nettement neutralisants et protecteurs. Le SARS-CoV-2 ne se multipliant que peu, voire pas du tout, dans les macrophages, le risque d'ADE est moindre et reste hypothétique. Notamment, aucun sujet vacciné n'a développé ce phénomène. Des zones d'ombre persistent cependant et la recherche biomédicale reste très attentive à ce sujet.

Un diagnostic pas toujours évident

En cas d'infection humaine par le SARS-CoV-2, le diagnostic est généralement facile et fait appel à diverses techniques de biologie moléculaire. Les infections félines par le SARS-CoV-2 sont rares et passent généralement inaperçues. Le diagnostic de la PIF, lui, est un peu plus délicat : il n'existe aucun test de biologie moléculaire permettant de différencier un FCoV classique (hébergé dans le tube digestif de nombreux chats) d'un FCoV muté pouvant causer la PIF. Un test PCR ou sérologique positif confirme donc la présence (respectivement actuelle ou passée) du virus, mais pas la maladie. La détection par RT-PCR du virus dans les épanchements ou les lésions granulomateuses permet en revanche de confirmer une suspicion clinique. La précipitation des complexes immuns dans les vaisseaux sanguins est toutefois à l'origine de faux négatifs, qu'il s'agisse de tests sérologiques ou moléculaires.

À la recherche d'un traitement

Au cours des derniers mois, un nombre incroyable de molécules aux propriétés antivirales a été investigué pour soigner la COVID-19. En dépit de toutes les controverses à ce sujet, aucune n'a pour le moment fait ses preuves. Le remdesivir, un analogue nucléosidique (une molécule qui perturbe la polymérisation du génome viral), a particulièrement fait parler de lui, bien que les dernières études ne soient pas en faveur d'un effet bénéfique en cas de COVID-19. En revanche, des essais chez le chat, avec des molécules très proches de ce dernier, ont montré des effets particulièrement prometteurs, à la fois in vitro et in vivo. Les résultats sont encore préliminaires, mais dans un futur plus ou moins proche, la PIF pourrait ne plus être une maladie systématiquement mortelle.

Qu'est-ce que la recombinaison génétique ?

De manière générale, les enzymes servant à copier le génome des virus à ARN lors de la multiplication virale (les ARN polymérases) commettent beaucoup d'erreurs, ce qui se traduit par un fort taux de mutation. Les virus ont également une autre corde à leur arc : l'échange, l'ajout ou la suppression de portions du génome (qu'il soit constitué d'ARN ou d'ADN), appelé la recombinaison génétique. Ce phénomène a lieu avec le matériel génétique de l'hôte ou entre virus, si une même cellule est infectée par deux virus différents.

Voici un exemple, avec deux virus appelés A et B : lors de leur réplication, une portion du génome du virus A peut être remplacée par une portion du génome du virus B, donnant ainsi un virus chimérique. D'un point de vue évolutif, la recombinaison a plusieurs avantages pour le virus, notamment l'acquisition d'avantages sélectifs : le virus A peut par exemple transmettre au virus B la capacité à se multiplier plus efficacement ou à échapper aux anticorps.

Depuis la découverte de la PIF, dans les années 60, un variant du FCoV est apparu, suite à la recombinaison avec un coronavirus canin, ce qui fait que deux pathotypes circulent aujourd'hui. En théorie, ce phénomène pourrait avoir lieu entre le SARS-CoV-2 et le FCoV, si un chat était infecté par les deux virus. Cependant, pour que la recombinaison donne un virus viable, il faut généralement que les fragments de génome échangés soient très similaires : si le génome du virus change trop, la probabilité que cela donne une mutation délétère est excessivement élevée. Les virus ont donc tendance à recombiner avec des séquences très proches. Or, le SARS-CoV-2 et le FCoV appartiennent à des genres différents, ce qui implique des génomes avec de fortes différences. De plus, lorsqu'un chat déclare une PIF, c'est que le FCoV a vraisemblablement acquis plusieurs mutations sur plusieurs gènes (ces mutations sont, à ce jour, encore peu caractérisées). Quand bien même un chat était infecté par les deux virus, qui auraient réussi à infecter une même cellule, il est donc quasi-impossible que le FCoV confère son pouvoir pathogène au SARS-CoV-2, car cela impliquerait plusieurs phénomènes de recombinaison.

En conclusion

FCoV et SARS-CoV-2 sont similaires par certains aspects : ces deux coronavirus sont hautement contagieux et leurs effets délétères, notamment la tempête cytokinique, peuvent en partie être contrecarrés par les corticoïdes. Les espèces qu'ils infectent, leurs cellules cibles, leur pathogenèse et les signes cliniques qu'ils entraînent sont toutefois différents. Les progrès réalisés par la recherche - le développement de vaccins à ARN messager pour lutter contre la COVID-19 et l'utilisation d'analogues nucléosidiques pour guérir la PIF - font espérer qu'à moyen terme, les maladies qu'ils entraînent soient mieux maîtrisées.

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