Pancréatite féline

Une réalimentation précoce est recommandée. L'anorexie peut être préjudiciable chez le chat et notamment entraîner une lipidose hépatique.

© Marie-Laure Théron

Marie-Laure THÉRON

Le traitement de la pancréatite est symptomatique. Il est important de prendre en considération les affections concomitantes qui sont fréquentes. Les recommandations actuelles dans la prise en charge médicale de la pancréatite sont axées sur : la nutrition, les traitements anti-vomitifs, la correction des désordres électrolytiques, l'analgésie et la prise en charge des affections concomitantes.

RECOMMANDATIONS NUTRITIONNELLES

Il a longtemps été conseillé de proscrire toute alimentation vingt-quatre à quarante-huit heures chez les animaux souffrant de pancréatite ; dogme actuellement remis en question tant chez l'homme que chez les carnivores domestiques 1-3. L'anorexie peut être préjudiciable chez le chat et notamment entraîner une lipidose hépatique si celle-ci n'est pas déjà présente. Une réalimentation précoce est désormais recommandée.

Le choix de l'aliment est un autre sujet de controverse. Si pendant longtemps il a été conseillé un aliment pauvre en matière grasse, il n'y a actuellement aucune preuve que ce type d'aliment soit bénéfique chez les chats atteints de pancréatite. Pour plus d'informations, voir l'article de ce même dossier dédié à la nutrition des chats atteints de pancréatite.

La réalimentation entérale doit se faire progressivement sur plusieurs jours afin d'éviter la survenue d'un syndrome de renutrition et de prévenir les surcharges génératrices de reflux, de nausées et de vomissements. Une réalimentation progressive sur cinq jours est souvent mieux tolérée par les chats. Le gavage est proscrit (risque de fausse route, induction de nausées et de vomissements). Le recours aux orexigènes n'est pas recommandé en hospitalisation.

La réalimentation peut se faire par une sonde naso-oesophagienne, d'oesophagostomie ou de gastrostomie (cf. tableau 1). Des sondes de gastro-jéjunostomie ont été décrites dans les cas de pancréatite mais aucune donnée ne permet d'affirmer qu'il y a un bénéfice à administrer l'aliment après le pancréas. Un aliment liquide, facilement utilisable avec des sondes de réalimentation de petit diamètre, est nécessaire et plusieurs formulations sont disponibles sur le marché vétérinaire (cf article nutrition) 4.

Deux études s'intéressent aux complications des sondes d'oesophagostomie chez le chat 5,6. Les complications sont présentes dans 35,8 % à 45,5 % des cas, avec le plus souvent une migration de la sonde (14,5 %) et une infection du site de stomie (12,1 % à 17,8 %) pouvant aller jusqu'à nécessiter un parage chirurgical. Les chats recevant des corticoïdes sont plus à risque de développer une infection.

ANTI-VOMITIFS

Les anti-émétiques sont incontournables dans la prise en charge des pancréatites même en l'absence de vomissements (cf. tableau 2). Ils permettent de traiter la nausée qui est difficilement identifiable chez le chat.

Le recours au maropitant (antagoniste des récepteurs NK-1) est très souvent nécessaire. En plus de son activité antiémétique, il permettrait de réduire la douleur abdominale chez le chat, effet qui peut s'avérer utile dans un contexte de pancréatite. Dans les cas réfractaires, le recours à un antagoniste des récepteurs 5HT3 comme l'ondansetron (Zophren ND)* peut être intéressant. (* sans AMM vétérinaire)

Le métoclopramide est considéré comme un antiémétique peu efficace chez le chat mais son efficacité est augmentée lorsqu'il est administré en perfusion continue.

CORRIGER LA DÉSHYDRATATION ET LES DÉSORDRES ÉLECTROLYTIQUES

Les vomissements, la diarrhée et l'anorexie peuvent engendrer une déshydratation et des désordres électrolytiques importants. Corriger la déshydratation, maintenir la perfusion de l'organisme, corriger les désordres électrolytiques et acido-basiques sont les objectifs de la fluidothérapie (cf. tableau 3).

L'hypokaliémie et l'hypocalcémie sont relativement fréquentes lors de pancréatite chez le chat (voir l'article sur les actualités diagnostiques dans ce dossier et l'article sur la fluidothérapie dans la DT 158, avril 2018, p13).

ANALGÉSIE 

(cf. tableau 2 pour les posologies)

La douleur abdominale est fréquente lors de pancréatite mais parfois difficile à identifier chez le chat. En conséquence, une analgésie est systématiquement recommandée initialement. Les opioïdes sont les molécules de choix dans la prise en charge de la douleur lors de pancréatite 7. Dans les cas sévères, le recours à un protocole MLK (morphine/lidocaïne/kétamine) peut être nécessaire si la douleur n'est pas correctement gérée avec un opioïde seul.

ANTIBIOTHÉRAPIE

L'antibiothérapie sera à considérer chez les chats présentant une courbe d'Arneth déviée à gauche, des neutrophiles toxiques, en état de choc ou lors de suspicion de complication bactérienne (abcès pancréatique, cholécystite).

La voie intraveineuse est la voie de choix en hospitalisation car la disponibilité est totale. L'amoxicilline associée au clavulanate (voie IV hors AMM chez le chat) est un antibiotique de choix en première intention car il possède un spectre relativement large pour les bactéries anaérobies.

Il est bien entendu conseillé d'effectuer les prélèvements de bile, de foie, de lésion cavitaire pour analyse cytobactériologique et antibiogramme avant l'administration d'antibiotique.

AUTRES TRAITEMENTS À CONSIDÉRER

Le traitement d'une éventuelle affection concomitante (ex : lipidose hépatique, cholangite, diabète sucré) doit également être instauré.

Chirurgie

Elle doit être considérée chez les chats présentant des signes d'obstruction des voies biliaires ou du canal pancréatique, lors de nécrose pancréatique ou d'abcès du pancréas.

Antiacides

Les antiacides sont justifiées uniquement si des lésions ulcératives digestives sont documentées (hématémèse, méléna). Seuls l'oméprazole* administré matin et soir a montré son efficacité pour augmenter le pH gastrique 8. (* sans AMM dans l'espèce)

Cobolamine (vitamine B12)

Une hypocobalaminémie peut être rencontrée chez les chats avec une entérite chronique ou bien lors d'IPE (insuffisance du pancréas exocrine) par la diminution de la synthèse du facteur intrinsèque qui est indispensable à l'absorption de la vitamine B12.

Elle doit être corrigée par une administration parentérale hebdomadaire.

Une prise orale quotidienne a permis de corriger l'hypocoblaminémie chez des chiens souffrant d'entéropathies chroniques et peut éventuellement être proposée si l'administration par voie sous-cutanée est difficile 9.

Enzymes pancréatiques

Quelques études en médecine humaine chez des patients atteints de pancréatite chronique ont montré qu'une complémentation en enzymes pancréatiques diminuait la fréquence et l'intensité des épisodes de douleurs secondaires aux affections pancréatiques malgré une fonction exocrine en apparence sans anomalie 5.

Aucune étude vétérinaire n'a été réalisée pour confirmer cet effet chez le chat. Cependant, certains auteurs utilisent les enzymes pancréatiques chez les chats souffrant de pancréatite chronique et observent parfois une amélioration des signes digestifs et de l'anorexie 4.

Complémentations

Des complémentations en vitamines liposolubles, en acides aminés ou antioxydants peuvent s'avérer justifiées chez des chats souffrant de lipidose hépatique ou de cholestase.

Le tableau 3 peut être consulté pour les posologies des molécules d'intérêt.

SUIVI

Un contrôle clinique régulier est primordial : appétit, température rectale, état d'hydratation, électrolytes, glycémie, bilirubinémie.

L'absence de réponse au traitement doit inciter à reconsidérer le diagnostic ou envisager des complications. Les complications possibles d'une pancréatite sont une nécrose du pancréas, une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), une surinfection bactérienne (abcès pancréatique), une septicémie, une défaillance multiorganique (notamment une insuffisance rénale aiguë).

Une tumeur du pancréas doit également être envisagée chez les chats adultes vieillissants. Des comorbidités fréquemment associées aux pancréatites doivent également être recherchées et le traitement adéquat mis en place : lipidose hépatique, cholangite, entérite chronique, maladie rénale chronique, diabète sucré, obstruction biliaire.

CONCLUSION

Le traitement de la pancréatite est essentiellement symptomatique, il est axé sur la fluidothérapie, l'administration d'anti-vomitifs, l'analgésie et la réalimentation entérale précoce. Si aucune amélioration clinique n'est observée pendant les premiers jours d'hospitalisation, la recherche de complications ou d'affections concomitantes est nécessaire. Il est important de les prendre en considération car elles conditionnent le traitement et le pronostic.

Article paru dans La Dépêche Technique n° 179

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