Otites récidivantes chez le chien atopique : prévenir les échecs thérapeutiques
Mercredi 14 Septembre 2022 Animaux de compagnie 44649Erythème du méat acoustique externe chez un labrador atopique.
© Emilie Vidémont-Drevon - CHVSM
Emilie VIDÉMONT-DREVON
Spécialiste en dermatologie
Centre hospitalier vétérinaire Saint-Martin (74)
Dermatologie
La dermatite atopique est, de loin, la principale cause d'otite externe érythémato-cérumineuse chez le chien. Il est important d'identifier précocement les otites externes atopiques afin de proposer une prise en charge adaptée et limiter ainsi les échecs thérapeutiques. La dermatite atopique sous-jacente doit, bien entendu, être prise en charge de façon spécifique même si l'atteinte auriculaire est isolée. La mise en place d'un traitement auriculaire associé est néanmoins nécessaire dans de nombreux cas.
La dermatite atopique peut engendrer une inflammation auriculaire initialement asymptomatique, en particulier chez les jeunes animaux. Il est donc important d'examiner systématiquement les conduits auditifs des chiens atopiques afin de détecter un érythème du méat acoustique externe, une inflammation proximale ou une hyperplasie débutante des glandes cérumineuses. L'identification de ces anomalies doit être considérée comme pathologique.
L'examen otoscopique doit également être systématique chez les races prédisposées à la dermatite atopique, telles que les bouledogues français par exemple.
Instaurer un traitement auriculaire
Malheureusement, plusieurs traitements antiprugineux et immunomodulateurs (oclacitinib, lokivetmab, ciclosporine) agissant efficacement sur les signes cutanés associés à la dermatite atopique ont une action limitée sur la symptomatologie auriculaire. Ceci impose, chez la majorité des chiens atopiques présentant des otites récidivantes, la mise en place d'un traitement auriculaire en entretien, destiné à agir sur l'inflammation et la dysbiose auriculaires.
Nettoyage auriculaire
Lorsque du cérumen est présent en excès, la réalisation de nettoyages auriculaires réguliers est un pré-requis indispensable. La fréquence de ceux-ci et le type de nettoyant doivent être adaptés à la quantité et à l'aspect du cérumen. Un compromis doit être trouvé entre un nettoyage luttant contre l'excès de cérumen et un nettoyage excessif favorisant l'accumulation de liquide et donc la macération dans le conduit auditif.
L'anomalie de la barrière cutanée caractérisant la dermatite atopique existant aussi au sein de l'épiderme auriculaire, la recours à des nettoyants auriculaires présentant des propriétés hydratantes et émollientes est intéressant (acide lactique, propylène glycol par exemple).
Dysbiose
Une baisse de la diversisté de la flore bactérienne et fongique est observée dans les oreilles de chiens atopiques : c'est le phénomène de dysbiose (Ngo, 2018). Les staphylocoques et les levures Malassezia sont plus nombreux dans les oreilles des chiens atopiques que dans les oreilles de chiens sains.
L'utilisation de nettoyants auriculaires à visée antiseptique ou stimulant les défenses antimicrobiennes est intéressante bien qu'aucune étude clinique n'ait encore été réalisée.
Le contrôle de l'inflammation auriculaire grâce à des dermocorticoïdes pourrait également lutter de façon indirecte contre la dysbiose en contrôlant les conditions favorables à son développement. Une première étude semble aller dans ce sens (Leonard, 2021).
Corticoïdes intra-auriculaires
L'utilisation de dermocorticoïdes en instillation intra-auriculaire de façon proactive est une des approches les plus efficaces pour traiter l'inflammation auriculaire atopique. L'approche proactive est ainsi qualifiée par comparaison au traitement réactif, que l'on prescrit lors de la survenue d'une poussée. Son but est de maintenir l'inflammation à un faible niveau afin de limiter les poussées inflammatoires.
Deux dermocorticoïdes peuvent être utilisés : l'acéponate d'hydrocortisone (Cortavance ND), en utilisation hors AMM, et un topique spécifiquement destiné aux oreilles, associant l'acétonide de triamcinolone et l'acide salicylique (Recicort ND). Le second possède une activité anti-inflammatoire moins puissante que le premier (activité modérée versus activité puissante) et l'acide salicylique auquel il est associé peut, rarement, être responsable d'une irritation locale.
Une étude a documenté l'efficacité de l'instillation de l'acéponate d'hydrocortisone deux jours consécutifs par semaine pour repousser les récidives d'otites érythémato-cérumineuses chez des chiens atopiques (Bensignor, 2012) . La dose à instiller n'a pas fait l'objet d'étude spécifique et varie de 5 gouttes à 0,15-0,2 ml par oreille selon la taille du chien (données non publiées). Dans cette étude, aucun effet secondaire n'a été observé après 6 mois d'utilisation. L'acéponate d'hydrocortisone est métabolisé dans la peau, ce qui augmente sa concentration effective in situ, favorisant une activité anti-inflammatoire locale élevée et limite sa résorption systémique.
Malgré cette bonne tolérance, il est indispensable d'assurer un suivi régulier afin de s'assurer que l'inflammation auriculaire est efficacement contrôlée et qu'il n'y a pas d'effet secondaire lié à l'utilisation du dermocorticoïde. Les effets secondaires à surveiller peuvent être liés au passage systémique du corticoïde et sont donc les mêmes que ceux de la corticothérapie orale. Les effets secondaires locaux se traduisent par une atrophie cutanée, caractérisée par un amincissement et une transparence cutanée laissant voir le réseau vasculaire dermique, ainsi qu'une sécheresse cutanée et une exfoliation.
Identifier les facteurs aggravants ou perpétuants concomitants
Des facteurs aggravants ou perpétuants peuvent empêcher la résolution de l'otite atopique. Ils doivent être identifiés via un examen otoscopique ou vidéo-otoscopique, voire la réalisation d'une imagerie des bulles tympaniques. Citons, par exemple, de façon caricaturale, la sténose proximale présentes chez certains brachycéphales et gênant le processus de migration épithéliale, le fonctionnement anormal du système glandulaire chez le cocker responsable d'une anomalie de composition et de quantité du cérumen ou encore la présence d'une otite moyenne primitive sécrétante chez le cavalier king Charles.
Des remaniements des conduits auditifs et des bulles tympaniques sont également observés lors d'otite chronique, mal traitée, et constituent un frein à la résolution clinique.
Utiliser un traitement oral dans les cas réfractaires
Lorsque l'instillation régulière de topiques auriculaires est impossible pour le propriétaire ou que les facteurs concomitants sont trop sévères, un traitement systémique peut être nécessaire. Les corticoïdes oraux constituent alors le traitement le plus efficace contre l'inflammation auriculaire. Leur utilisation à long terme doit être limitée.
Conclusion
Il est important d'identifier et de traiter précocement les otites externes associées à une dermatite atopique. Ceci permet d'éviter l'installation de remaniements inflammatoires, de pouvoir utiliser une approche proactive et d'agir avant l'apparition d'une douleur auriculaire marquée responsable d'une impossibilité à instiller les traitements par le propriétaire. ■
Bibliographie
- Bensignor E, Pattyn J, Reme C. Reduction of relapses of recurrent otitis externa in atopic dogs with twice-weekly topical application of hydrocortisone aceponate in the ear canal : a randomized, blinded, controlled study. Vet Dermatol 2012 ; 23 (Suppl. 1), 2-104 (abstract).
- Leonard C, Taminiau B, Ngo J et al. Preventive use of a topical anti-inflammatory glucocorticoid in atopic dogs without clinical sign of otitis does not affect ear canal microbiota and mycobiota Vet Dermatol 2021; 32: 355-e98.
- Ngo J, Taminiau B, Fall PA et al. Ear canal microbiota - a comparison between healthy dogs and atopic dogs without clinical signs of otitis externa. Vet Dermatol 2018; 29: 425-e140.