Otites externes du chat : penser aux polypes, même si elles sont bilatérales
Mercredi 2 Juin 2021 Animaux de compagnie 40661Aspect typique d'un polype dans le conduit horizontal chez un chat.
© Emmanuel Bensignor
Emmanuel BENSIGNOR
Spécialiste en dermatologie
Professeur associé de dermatologie-Oniris
Consultations référées de dermatologie et allergologie à Rennes-Cesson, Paris et Nantes
Dermatologie
Parallèlement aux classiques causes parasitaires et allergiques d'otites externes, le chat présente assez souvent des polypes, avec une possible atteinte bilatérale. Il conviendra de bien suivre le chat après le retrait d'un polype car les récidives ne sont pas rares.
Les otites sont beaucoup moins fréquemment rencontrées dans l'espèce féline que chez le chien. Leur étiologie est vaste. A côté des classiques causes parasitaires (Otodectes cynotis notamment) et allergiques, le chat présente assez souvent des polypes : ce sont des proliférations bénignes qui peuvent avoir comme origine le nasopharynx, l'oreille moyenne ou le conduit auditif.
Ces néoformations provoquent une gêne, avec des secouements de tête et/ou du grattage, qui s'accompagnent fréquemment d'une otite suppurée.
Dans la littérature, il est classique de considérer ces lésions comme principalement unilatérales. Il n'en est rien comme évalué dans cette étude rétrospective de l'université du Tennessee*.
Près d'un quart avec des polypes dans les deux oreilles
Sur 25 cas de chats souffrant de polypes diagnostiqués entre 2005 et 2015, près d'un quart (6 cas sur 25) présentaient des polypes dans les deux oreilles. Dans quatre cas sur 25, le polype avait une origine nasopharyngée.
L'âge moyen était de 2 ans, avec une variation importante de 4 mois à 16 ans. Des signes nerveux étaient observés dans environ la moitié des cas. Des symptômes « respiratoires » (toux, dyspnée, épiphora) associés à une otite étaient rapportés dans plus de 85 % des cas.
Les polypes étaient diagnostiqués soit par la vidéo-otoscopie, soit par le scanner. Dans 4 cas sur 6 de polypes bilatéraux, le chat était présenté pour une otite unilatérale.
Le traitement a consisté en une exérèse par traction sous contrôle vidéo-otoscopique (6 cas), par résection chirurgicale par abord latéral et/ou par bullectomie ventrale (12 cas), par exérèse complète du conduit auditif et ostéotomie latérale (tecabo, 1 cas) ou par une approche mixte (6 cas).
Le suivi n'a pu être réalisé que dans un peu plus de la moitié des cas seulement (13 chats) et a montré un taux élevé de récidives (7 cas, donc plus de 50 %), avec un délai variant de 6 semaines à 7 ans.
Pour 6 cas récidivants sur 7, la technique utilisée avait été la traction alors que 5 de ces chats avaient été pourtant traités avec une corticothérapie systémique après l'intervention.
Quelques éléments utiles à la pratique peuvent ici être soulignés : quand un chat est présenté avec une otite unilatérale, il est fondamental de penser à l'existence d'un polype auriculaire.
Inspecter attentivement l'oreille
Il est également fondamental d'inspecter attentivement l'oreille apparemment « saine » car un polype peut être présent sans nécessairement s'accompagner de signes cliniques. L'imagerie couplée à la vidéo-otoscopie est à privilégier dans le cadre d'un bilan d'extension, notamment afin de préciser l'origine du polype.
L'exérèse par traction est nettement moins performante que la chirurgie en termes de récidive : le propriétaire doit donc être clairement informé des limites de cette technique et des risques de rechute, parfois rapides, après une traction versus une bullectomie ventrale .
Enfin, l'adjonction de corticoïdes en post opératoire ne modifie pas le pronostic concernant une potentielle récidive. ■
* Hoppers SE et al. Feline bilateral inflammatory aural polyps : a descriptive retrospective study. Vet Dermatol 2010 ; 31 : 385-389.