One Health en pratiques : un diplôme unique en France

Amandine Gautier, responsable pôle SHS & One Health à VetAgro Sup

© D.R.

Unique en France, le diplôme One Health  en pratiques à VetAgro Sup vise à fournir les outils théoriques mais surtout les déclinaisons pratiques de la démarche Une seule santé . Les participants ont déjà reçu des sollicitations pour intervenir comme experts de la démarche.

La Dépêche Vétérinaire : L'École nationale des services vétérinaires - France vétérinaire international (ENSV-FVI) VetAgro Sup a créé un diplôme One Health en pratiques (la session 2021 démarrant en mars prochain). Est-il unique en France et quels sont ses objectifs ?

Sébastien Gardon et Amandine Gautier (pôle SHS/ One Health , ENSV-FVI VetAgro Sup) : Ce diplôme est unique en France et répond d'abord à une demande émanant du terrain : il est plébiscité tant par des vétérinaires libéraux que des professionnels de santé humaine, de l'écologie, des gestionnaires du risque et des membres des administrations. La première promotion était composée de plus de la moitié de vétérinaires libéraux.

Il vise à fournir les outils théoriques mais surtout les déclinaisons pratiques de la démarche One Health à travers des conférences et tables rondes (et des sorties terrain) mettant en avant les expériences menées et en cours sur le terrain dans le cadre de pratiques professionnelles (des vétérinaires, par exemple) et de mise en oeuvre d'initiatives locales ou de politiques publiques (prévention du risque infectieux, risques émergents, gestion de crises sanitaires, politiques de l'alimentation, gestion de la faune sauvage, transitions agricoles, antibiorésistance...).

Dans ce cadre, la promotion découvre aussi certaines institutions (l'Agence européenne des produits chimiques, l'Anses1, l'OMS2, les ministères français).

La formation de trois semaines non consécutives (la possibilité est également offerte aux participants de la suivre sur plusieurs années) repose sur un réseau de 80 professionnels, praticiens et experts nationaux et internationaux de la démarche One Health  ; elle participe, elle-même, à la formation d'un réseau d'experts One Health à l'échelle de la France, à l'heure où les sollicitations nationales et internationales sont croissantes (comme en témoigne la conférence One Health qui s'est tenue, le 12 octobre, à VetAgro Sup, avec Monique Eloit, directrice générale de l'OIE 3 ).

Les participants ont déjà reçu des sollicitations pour intervenir comme experts de la démarche One Health.

D.V. : Le concept One Health est à la mode mais ne souffre-il pas d'une certaine absence de concrétisation, particulièrement en France ?

S.G. et A.G. : En effet, c'est exactement le diagnostic que nous avons posé à l'ENSV-FVI VetAgro Sup.

Nous ne voulions pas, par cette formation, contribuer à faire émerger un concept qui risque d'apparaître comme une coquille vide mais bien nous appuyer sur des pratiques et des cas concrets. Car les acteurs agissent déjà sur le terrain, y compris en faisant du One Health sans le revendiquer.

Se fondant sur son expérience de directrice (dans le 42 notamment), Nathalie Guerson, directrice de l'ENSV, a à coeur à la fois de renforcer ce pilier environnement à la santé publique vétérinaire et de rendre le projet d'établissement de VetAgro Sup « la santé globale » le plus connecté possible à la réalité des acteurs tout en favorisant les passerelles entre les parcours (agronomique, vétérinaire et santé publique) de l'établissement.

Appuyés par nos propres travaux de recherche en sciences humaines et sociales, nous construisons des formations ancrées sur le terrain et qui répondent à des besoins que nous avons préalablement identifiés.

Il est vrai que la crise Covid a accéléré la prise en compte de ces interactions entre santé humaine, animale et gestion des écosystèmes et réinterrogé la place des vétérinaires dans One Health . D'ailleurs, l'ambassadeur de la première promotion du diplôme d'établissement, Serge Morand, biologiste et écologue, est venu nous présenter ses recherches et ce qu'il présente comme « une épidémie d'épidémies » ... quelques jours avant l'annonce du confinement.

Nous étions, de façon assez sinistre, très connectés à l'actualité.

D.V. : Y-a-t-il un exemple réussi de mise en pratique de ce concept qui vous vienne à l'esprit, en France ou à l'étranger ?

S.G. et A.G. : Les exemples sont nombreux et concernent aussi bien les transitions agro-alimentaires, le travail de coopération qui peut être entrepris sur un territoire entre les agents des DD(CS)PP4 et les médecins inspecteurs de santé publique, etc.

Mais, peut-être, pouvons-nous citer ici l'exemple de la gestion de la faune sauvage en lien avec les animaux domestiques.

Nous connaissons désormais les conséquences (avantages et inconvénients) de l'abattage de la faune sauvage comme méthode de gestion des maladies infectieuses. Sur cette question, nous faisons des retours sur différents épisodes marquants (les blaireaux, les bouquetins, mais aussi des exemples à l'international) et faisons dialoguer les différentes parties prenantes (les parcs, les acteurs agricoles...).

D.V. : Quels sont les freins à sa concrétisation ?

S.G. et A.G. : Nous sommes bien placés en tant que sociologues pour souligner que ces efforts d'intersectorialité, de travail commun entre professionnels venus d'horizons divers, voire de construction de politiques publiques intersectorielles, se heurtent tant à l'histoire et la culture des institutions concernées qu'à celle des professionnels mais aussi à des rapports de force entre les différentes parties prenantes dont le pouvoir n'est évidemment pas de même importance.

Malgré cela (ce ne sont pas vraiment des freins mais les spécificités des formations initiales), nous constatons que les savoirs s'hybrident, que les recherches interdisciplinaires deviennent légion (le cas de l'antibiorésistance l'illustre bien), y compris avec les sciences sociales, et que les professionnels qui suivent la formation du diplôme d'établissement comme les futurs professionnels (les étudiants en médecine, en école vétérinaire, en écologie de la santé) adoptent avec une grande facilité une approche systémique et intégrée.

Encore plus d'infos !

Sur le diplôme : site Internet de VetAgro Sup à l'adresse www.ensv.fr/diplome-detablissement-one-health-en-pratiques/

1 Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

2 OMS : Organisation mondiale de la santé.

3 OIE : Organisation mondiale de la santé animale.

4 DD(CS)PP : Direction départementale (de la cohésion sociale et) de la protection des populations.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1544

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