OEil sec : utiliser des collyres sans conservateur

Les alternatives à l'utilisation de conservateurs sont les formes unidoses de collyres ou des flacons de collyres pourvus d'un système avec filtre/membrane (Abak ND) ou valve (Comod ND).

© Dragonstock-Adobe Stock

Valérie DUPHOT

Ophtalmologie

La toxicité des conservateurs présents dans certains collyres a été identifiée par de nombreuses études. Pour les traitements à long terme, les formulations sans conservateur représentent une alternative précieuse. L'avancée la plus significative dans le traitement de l'oeil sec a été la suppression de conservateur tel le chlorure de benzalkonium dans les lubrifiants oculaires en ophtalmologie humaine.

Le Dr Sarah Koudsié (ophtalmologiste, centre hospitalier universitaire de Bordeaux) a rappelé les propriétés des conservateurs utilisés dans les collyres, le 10 mars, lors d'une webconférence sur l'oeil sec organisée par MP Labo : ce sont des substances devant s'opposer aux altérations physiques (lumière, température), chimiques et microbiologiques d'un produit.

« Les conservateurs inhibent la prolifération bactérienne dans le flacon du collyre, ont des propriétés antiseptiques et maintiennent l'efficacité du principe actif », précise-t-elle. Parmi les principaux conservateurs, elle cite le plus utilisé : le chlorure de benzalkonium (ammonium quaternaire), au pouvoir bactéricide rapide, actif sur les bacilles Gram+ et Gram-, virucide et fongicide.

« Sa toxicité a été identifiée dans de nombreuses études, dont sa responsabilité dans l'aggravation de la sévérité du glaucome chez les patients traités avec plusieurs collyres », indique Sarah Koudsié. « Le chlorure de benzalkonium accroît les échecs de chirurgies du glaucome si la durée de traitement par des collyres contenant ce conservateur est longue ».

Le chlorure de benzalkonium rompt le film lacrymal, agit sur les cellules conjonctivales et cornéennes et provoque des réactions immunologiques et allergiques.

Le Dr Koudsié souligne les trois facteurs liés à la toxicité des conservateurs : le temps (effet cumulatif du traitement), la dose (relation dose-effet) et la variabilité inter-individuelle (affection oculaire sous-jacente).

Instabilité du film lacrymal

La toxicité conjonctivale se traduit par un phénomène allergique (hypersensibilité immédiate de type 1 ou retardée de type 4), une réaction immuno-inflammatoire (surexpression de médiateurs de l'inflammation) et une toxicité directe sur les cellules caliciformes conjonctivales et les cellules du stroma conjonctival, avec pour conséquence la libération de substances apoptotiques et angiogéniques.

Cliniquement, l'utilisation de conservateurs dans les collyres peut provoquer un chémosis, une hyperhémie conjonctivale, des papilles conjonctivales, des érosions et des ulcérations cornéennes et un eczéma des paupières. Ils entraînent une instabilité du film lacrymal par la dissolution de sa couche lipidique externe.

« Ceci a pour conséquence d'exposer la couche aqueuse du film lacrymal, diminuant le temps de rupture du film lacrymal, ce qui provoque une sécheresse oculaire », précise Sarah Koudsié. L'instabilité du film lacrymal induit un cercle vicieux entre sécheresse oculaire et inflammation.

Population à risque identifiée

Les conservateurs altèrent l'épithélium cornéen. En rompant le film lacrymal, ils sont en contact direct avec l'épithélium cornéen et provoquent la rupture profonde des cellules. La toxicité épithéliale induit une kératite réversible à l'arrêt du traitement.

Les patients présentant une indication de traitement par des collyres au long cours (glaucome, sécheresse oculaire) et ceux ayant un terrain atopique ou une fragilité oculaire sous-jacente (dystrophie de la cornée, dysfonction des glandes de Meibomius) constituent la population à risque.

« Les alternatives à l'utilisation de conservateurs sont les formes unidoses de collyres, apparues dans les années 60 au Royaume-Uni suite à l'apparition d'une épidémie d'endophtalmies après des contaminations croisées dans un hôpital de Birmingham, ou des flacons de collyres pourvus d'un système avec filtre/membrane (Abak ND) ou valve (Comod ND) » , explique Sarah Koudsié.

Des systèmes évitant l'entrée d'air dans le flacon

Le système Abak ND permet un échange optimal du liquide sortant et de l'air entrant. Le système Comod ND, qui comporte une poche souple à l'intérieur du flacon, évite l'entrée d'air et de micro-organismes.

« Des collyres sans conservateur sont nécessaires pour les patients ne tolérant pas les conservateurs. Pour les traitements à long terme, les formulations sans conservateur représentent une alternative précieuse. Les laboratoires pharmaceutiques sont incités à développer des traitements sans conservateur », ont déclaré l'Agence européenne du médicament et l'Agence nationale de sécurité du médicament en 2009.

« Selon Dews en 2007, l'avancée la plus significative dans le traitement de l'oeil sec a été la suppression de conservateur tel le chlorure de benzalkonium dans les lubrifiants oculaires », ajoute Sarah Koudsié.

Gros Plan : MP Labo : « La première gamme de protecteurs oculaires sans conservateur »

MP Labo propose la « première gamme de protecteurs oculaires sans conservateur » avec deux références : Lacri+ ND et Lacri-protect ND (lire DV n° 1597) et rappelle que « l'utilisation fréquente des conservateurs tend à fragiliser la surface oculaire, la rendant susceptible de développer des phénomènes inflammatoires plus ou moins chroniques pouvant être graves à long terme* » et que la formulation sans conservateur permet « d'apporter un confort oculaire et de limiter les effets indésirables ».

Lacri+ ND, est formulé avec du hyaluronate de sodium réticulé par de l'urée, ce qui lui confère une meilleure stabilité et augmente ainsi sa rémanence. Il s'utilise à moyen et long termes pour ses actions multiples sur le film lacrymal (qualité, stabilité) en complément de la prise en charge du syndrome de l'oeil sec ou en complément de traitements médicaux favorisant la régénération cellulaire.

Le produit est proposé en flacon doseur breveté qui utilise la technologie OSD basée sur une association de valves d'étanchéité et d'un filtre stérilisant pour l'air qui permettent d'éviter l'entrée d'air et de micro-organismes. Il se conserve trois mois après ouverture.

Carbomère et hyaluronate de sodium

Lacri-protect ND est un carbomère 0,2 % présenté en unidoses, qui s'utilise préférentiellement de façon ponctuelle ou sur une courte durée pour « aider à la restauration de l'épaisseur du film lacrymal en complément de la prise en charge du syndrome de l'oeil sec ou pour la protection de la surface oculaire grâce à un effet filmogène ».

Notre confrère Bruno Jahier (directeur des affaires scientifiques MP Labo) a rappelé les stratégies permettant d'éviter l'ajout de conservateurs dans les collyres, le 10 mars, lors d'une webconférence sur l'oeil sec organisée par MP Labo : l'utilisation de pipettes unidoses et de flacons techniques, brevetés tels que l'OSD (Aptar ND).

Les carbomères améliorent la qualité du film lacrymal et augmentent sa rémanence sur la surface cornéenne, améliorant les symptômes associés au syndrome de l'oeil sec.

Le hyaluronate de sodium, molécule naturellement présente dans le vitré, aux propriétés visco-élastiques et mucomimétiques reconnues et améliorées par la réticulation, « améliore les paramètres de la santé de la surface oculaire (irritation, rougeur et écoulements) » . V.D.

* Vaede D, Baudouin C, Warnet JM, Brignole-Baudouin F. Les conservateurs des collyres : vers une prise de conscience de leur toxicité. Journal français d'ophtalmologie. 2010,33:505-524.

Gros Plan : Retours d'expérience positifs

Notre confrère Charles Cassagnes (activité référée en ophtalmologie) a présenté ses retours d'expérience sur l'utilisation de collyres sans conservateur en clinique et ceux d'utilisation par les propriétaires, le 10 mars, lors d'une webconférence sur l'oeil sec organisée par MP Labo.

« Il s'agit de retours d'expérience après prescription de collyres chez des chiens présentant des signes cliniques de sécheresse oculaire (chassie, conjonctivite, kératite, inconfort oculaire), un test de Schirmer inférieur à 10 mm/min et sans traitement en cours ni infection concomitante risquant d'interférer sur la sphère oculaire » , rappelle-t-il.

Très bonne tolérance du collyre sans conservateur

Notre confrère a établi un score clinique de 0 à 3 portant sur la rougeur oculaire, l'écoulement oculaire, l'irritation oculaire (blépharospasme) et les opacités cornéennes (néovascularisation, pigmentation).

Après la présentation de plusieurs cas cliniques, il explique que chez les chiens avec des antécédents d'intolérance à certains collyres lubrifiants, il constate « une très bonne tolérance du Lacri+ ND mais pas d'augmentation du test de Schirmer ».

Les propriétaires n'ont pas de difficultés particulières d'instillation du collyre. L'unique différence avec un collyre classique est qu'il faut appuyer plus fort sur le flacon, dont l'embout est muni d'une membrane filtrante et d'une membrane d'étanchéité pour éviter que de l'air et des micro-organismes ne pénètrent dans le flacon.

« J'observe une très bonne tolérance du traitement et une facilité d'utilisation de ce collyre sans conservateur, qui bénéficie d'une importante durée de conservation, et la satisfaction des clients, donc une bonne observance », conclut Charles Cassagnes. V.D.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1612

Envoyer à un ami

Mot de passe oublié

Reçevoir ses identifiants