Mise en évidence d'un indicateur acoustique d'émotions positives

La filière équine manque d'indicateurs d'émotion positive facilement identifiables par les utilisateurs.

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Maud LAFON

Comportement

L'évaluation du bien-être chez le cheval pâtit d'un manque d'indicateurs faciles à utiliser. Une étude a mis en évidence une relation entre la fréquence des ébrouements, indicateurs acoustiques simples à détecter, et une émotion positive immédiate.

La filière équine manque d'indicateurs d'émotion positive facilement identifiables par les utilisateurs. Les indicateurs existants sont ambigus et ne permettent pas de mesurer précisément l'état émotionnel d'un cheval.

Un comportement de jeu chez l'adulte est ainsi par exemple associé à un état de mal-être chez des primates détenus en captivité et il pourrait en être de même pour le cheval. La fréquence cardiaque peut par ailleurs être augmentée mais aussi diminuée en cas de stress.

Pour pallier cette carence d'indicateurs fiables et faciles à utiliser, une étude présentée par Mathilde Stomp, de l'unité Ethologie animale et humaine de l'université de Rennes, lors de la 44 e Journée de la recherche équine, le 15 mars, à Paris, a évalué l'intérêt des signaux acoustiques et plus particulièrement l'ébrouement.

Les sons non verbaux varient en fonction des espèces : ronronnement chez les félins, snort chez le rhinocéros...

Trois indicateurs acoustiques non vocaux

Chez le cheval, on en distingue trois : le soufflement, le ronflement et l'ébrouement. Ce dernier est défini comme le son pulsé d'expulsion forcée de l'air par les naseaux produit quand la bouche est fermée. Il est traditionnellement associé à une fonction hygiénique de nettoyage des naseaux.

Des études préliminaires ont fait le lien entre la production de ce bruit et une situation agréable pour le cheval. L'étude présentée a pris comme hypothèse que l'ébrouement était le reflet comportemental d'un changement physiologique transitoire lié à une émotion positive.

Conditions de vie différentes

48 chevaux de trois populations (deux centres équestres et un centre hébergeant des chevaux de loisir) ont été inclus. Leurs conditions de vie étaient différentes.

Les expérimentateurs ont établi un gradient présumé d'états de bien-être pour chaque population.

Une première observation a porté sur le contexte de production des ébrouements hors conditions de travail. Elle a montré que la production d'ébrouements était deux fois plus importante quand les chevaux étaient au pré que lorsqu'ils étaient au box.

La plupart des ébrouements surviennent quand les chevaux mangent ou ont des activités calmes (pas exploratoire par exemple).

Aucun ébrouement n'a été relevé lorsque les chevaux manifestaient des stéréotypies ou de l'agressivité.

Position des oreilles

Un second type d'observation a porté sur l'état du cheval au moment des ébrouements. L'étude de la position des oreilles a montré qu'elles étaient plus souvent pointées vers l'avant ou sur le côté lors de l'émission de ce signal acoustique.

En parallèle, l'état de bien-être des chevaux a été appréhendé en se fiant à quatre indicateurs : comportements répétitifs anormaux, réactions agressives envers l'Homme, position des oreilles en arrière en alimentation, orientation vers le mur du box pour les chevaux de centres équestres hébergés ainsi.

Un score a été établi pour chaque cheval et chaque paramètre, aboutissant à un score total de stress chronique. Plus il était élevé, plus l'état de bien-être était altéré.

L'étude a mis en évidence un gradient de l'état de bien-être entre les trois populations : du moins altéré pour les chevaux de loisir vivant en permanence au pré au plus altéré pour la population d'un des centres équestres.

Corrélations négatives

Les chevaux de loisir sont ceux qui émettent le plus d'ébrouements au pré. La population de centre équestre la moins altérée en termes de bien-être produisait plus d'ébrouements au pré que celle de l'autre centre.

Des corrélations négatives ont été établies entre le score total de stress et le taux d'ébrouements et entre le taux d'ébrouements et la fréquence de comportements agressifs et/ou stéréotypiques.

" L'ébrouement semble donc être le reflet d'une émotion positive immédiate : il est plus souvent produit au pré, lors d'activités calmes et quand le cheval tient ses oreilles en avant " , a conclu Mathilde Stomp. La production d'ébrouements serait ainsi modulée par l'état de bien-être de l'équidé.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1440

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