BI Journée mondiale des vétérinaires

Microbiote intestinal : de la dysbiose aux troubles systémiques

Chez le chien et le chat comme dans les autres espèces animales, la composition du microbiote intestinal varie au cours de l'existence.

© M.L.

Corinne DESCOURS-RENVIER

Nutrition

Notre confrère Claude Faivre, consultant, a présenté les spécificités des différents microbiotes chez le chien et le chat, et plus particulièrement celles du microbiote intestinal lors d'une conférence en ligne organisée par le laboratoire Wamine, en avril. Ces éléments sont importants à connaître pour comprendre les mécanismes d'apparition des déséquilibres à ce niveau et les corriger efficacement.

Le laboratoire Wamine a organisé une conférence en ligne, en avril, consacrée aux différents microbiotes du chien et du chat. A cette occasion, Claude Faivre, vétérinaire et consultant en phytothérapie clinique individualisée, a rappelé l'importance du microbiote intestinal et les conséquences de son dysfonctionnement.

Du microbiote à l'holobionte

Un microbiote est composé d'une association de multiples micro-organismes (bactéries, virus, champignons...) bénéfiques ou potentiellement pathogènes selon leur nombre et leurs substrats, vivant dans un environnement spécifique. Aussi appelé symbionte, il s'associe à un hôte pour constituer un supra-organisme : l'holobionte.

« Différents microbiotes sont présents chez les mammifères », explique Claude Faivre. « Cutanés, génito-urinaires, naso-sinusaux ou encore buccaux, ils sont tous hébergés dans un biofilm sécrété par les bactéries elles-mêmes reposant sur un épithélium dont la structure varie selon son rôle physiologique. Le microbiote intestinal est le plus développé d'entre eux puisqu'il abrite jusqu'à 1014 micro-organismes. Il est aussi, du fait de ses multiples fonctions, le plus étudié ».

En conséquence, l'efficacité d'un traitement, qu'il soit de synthèse ou naturel, dépendra non seulement du patient mais aussi des espèces cohabitant avec lui.

Le microbiote intestinal, un organe complexe

Claude Faivre s'intéresse plus particulièrement au microbiote intestinal qui, en raison de son ampleur, peut être considéré comme un organe à part entière. Chez le chien, ce symbionte contient en effet plus de 100 milliards de micro-organismes, dont environ 1 500 espèces bactériennes jouant chacune un rôle différent.

Si trois grands Phyla dominent cet écosystème en temps normal (Bacteroidetes, Actinobactéria et Firmicutes), notre confrère remarque que l'équilibre du microbiote repose plus particulièrement sur six genres bactériens : Entérobactéries, Bactéroïdes, Bifidobactéries, Lactobacilles, Eubactéries et Clostridies.

Cet assemblage contient d'autres éléments : immunoglobulines (IgA) et défensines, nutriments en cours d'absorption, récepteurs immunitaires (TLR CPA) assurant le renouvellement intestinal. On parle alors de microbiome.

Si l'on tient compte des interactions avec le génome ou le milieu extérieur, on parle alors d'holobionte dont le bon équilibre est indispensable à l'intégrité de chaque individu.

Une composition qui évolue avec l'âge

Chez le chien et le chat comme dans les autres espèces animales, la composition du microbiote intestinal varie au cours de l'existence, tant qualitativement que quantitativement.

Dès le stade utérin, les chiots et les chatons possèdent une flore intestinale particulière, dépendant du système immunitaire maternel, qui va évoluer au cours du passage à travers la filière pelvienne, puis au contact de la mère et de l'environnement. « Il s'agit d'étapes essentielles pour limiter les risques de colonisation anarchique du tube digestif par des pathogènes », remarque Claude Faivre.

Chez l'adulte, la composition du microbiote intestinal est ensuite relativement stable, sauf en cas de rupture de l'homéostasie et d'apparition d'affections systémiques.

Des variations apparaissent au cours du vieillissement de l'animal (7/8 ans pour les carnivores de compagnie). Les changements les plus notables sont une augmentation des lactobacilles (entraînant une prise de poids) et une diminution des bifidobactéries (nuisant à l'efficacité du système immunitaire).

« Maintenir un nombre suffisant de bifidobactéries pour conserver une immunité satisfaisante est d'ailleurs un enjeu de première importance chez l'animal âgé », souligne notre confrère.

Les différents rôles du microbiote intestinal

Le rôle du microbiote dans la digestion est le plus connu, les micro-organismes assurant en particulier la fermentation des glucides et la digestion des protéines. Ils participent également à l'absorption finale des nutriments et de certains oligo-éléments.

Les effets du symbionte ne se limitent toutefois pas à la digestion puisqu'il possède également une action sur :

- le système immunitaire : effet barrière, stimulation de l'immunité, production de médiateurs... ;

- le système nerveux : activation de cellules endocrines et production d'hormones modulant l'activité neuronale et la synthèse des neuromédiateurs...

Quand l'équilibre se rompt...

Le symbionte vit normalement en équilibre avec son hôte (eubiose1), ce qui lui permet de remplir pleinement ses fonctions.

« Les micro-organismes communiquent entre eux de façon à la fois inter et intra spécifiques, de façon à réguler leurs populations », précise Claude Faivre. C'est le principe du quorum sensing2.

Toutefois, des facteurs extérieurs (environnement, alimentation, agents pathogènes...) peuvent rompre cet équilibre et perturber la composition qualitative et quantitative du microbiote intestinal, entraînant l'apparition d'une dysbiose3.

Risque d'aggravation des processus inflammatoires

Il existe une veille immunitaire permanente (inflammation de bas grade) composée de récepteurs TLR et de macrophages, afin d'intercepter tout élément du « non soi » qui tenterait de franchir la barrière intestinale.

Lors d'attaque massive, les perturbations inflammatoires liées à la dysbiose induisent un relâchement des tight-junctions4, ce qui non seulement augmente la perméabilité intestinale mais aussi provoque un envahissement de la sous-muqueuse par des cellules pro-inflammatoires, responsable d'une abrasion des villosités intestinales.

Si l'inflammation persiste, la fréquence et la forme des selles se trouvent modifiées (stade de gastro-entérite chronique). Dans les cas les plus graves, l'évolution se poursuit vers une MICI5 : les troubles deviennent permanents, avec douleur et fuites protéiques marquées. A ce stade, on observe une infiltration de la paroi intestinale par des immunoglobulines atypiques, notamment des IgE.

Par ailleurs, les nerfs entériques transmettent au système nerveux végétatif (SNV) les messages de douleur secondaires à l'inflammation. Les surrénales sécrètent alors de l'adrénaline, ce qui aggrave la dysbiose. Un véritable cercle vicieux se met en place...

De la dysbiose aux troubles systémiques

La hausse de la perméabilité intestinale permet le passage d'allergènes et de résidus bactériens vers la circulation générale. Des troubles systémiques risquent alors d'apparaître, de façon parfois différée dans le temps.

« En cas de dérèglement du microbiote intestinal, ce qui saute aux yeux du propriétaire, ce sont les symptômes digestifs », explique Claude Faivre.
« Mais de nombreuses autres affections peuvent être liées à une dysbiose ».

Notre confrère cite notamment les troubles respiratoires, cardio-vasculaires ou cutanés, les perturbations de l'élimination rénale ou du métabolisme énergétique6, le mauvais stockage des graisses (en particulier du cholestérol), le dysfonctionnement des filtres entéro-hépatiques et biliaires ou encore des modifications du comportement, de l'humeur ou de la motricité.

Enfin, la biodisponibilité des médicaments est également perturbée par la dysbiose.

Encore plus d'infos !

Dans une prochaine conférence, en juillet, Claude Faivre fera le point sur la meilleure façon d'utiliser les probiotiques chez le chien et le chat en s'appuyant sur les éléments présentés ici.

Renseignements auprès du laboratoire Wamine : www.wamine.fr/

1 La population des différents Phyla respecte alors des proportions individuellement et génétiquement déterminées.

2 La détection du quorum, ou quorum sensing, est la capacité d'un micro-organisme à détecter et à réagir à la densité de population par des mécanismes de régulation génétique.

3 Déséquilibre du microbiote (en qualité et/ou quantité).

4 « Jonctions serrées » qui scellent les cellules épithéliales et endothéliales entre elles.

5 Maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

6 Hausse des espèces réactives de l'oxygène (EROs).

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1715

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