Menace sur l'arsenal antibiotique vétérinaire : la mobilisation a porté ses fruits

La résolution finalement rejetée menaçait près d'un tiers des antibiotiques disponibles notamment en France, jugés critiques et pourtant essentiels à la pharmacopée vétérinaire, comme les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations mais aussi les macrolides ou l'association amoxicilline-acide clavulanique.

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Michel JEANNEY

Médicament

Réuni en séance plénière le 15 septembre, le Parlement européen a finalement rejeté la résolution de sa commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire, qui menaçait l'arsenal antibiotique vétérinaire. La mobilisation des vétérinaires et d'autres professionnels soucieux de la santé et du bien-être animal a porté ses fruits.

C'est un soulagement pour la communauté vétérinaire européenne qui s'était mobilisée au nom du bien-être animal et de la santé publique. La résolution portée par le Vert Martin Hausling avec l'aval de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Envi) du Parlement européen a été rejetée en séance plénière le 15 septembre vers 21 heures par les eurodéputés.

Un vote positif aurait conduit à une interdiction de près d'un tiers des antibiotiques disponibles notamment en France pour la médecine vétérinaire, jugés critiques et pourtant essentiels à la pharmacopée vétérinaire, comme les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations mais aussi les macrolides ou l'association amoxicilline-acide clavulanique (lire DV n° 1582).

Net rejet

Le rejet de la résolution Envi est net : 450 eurodéputés ont voté contre cette résolution et seulement 204, pour (32 abstentions).

Cette résolution s'élevait contre un acte délégué présenté par la Commission européenne sur les « Critères de classification des agents antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l'Homme ». Son rejet laisse donc la voie libre à l'entrée en vigueur de cet acte, qui pourrait intervenir à partir du 26 septembre. Ces nouvelles dispositions seront appliquées à compter du 28 janvier prochain dans le cadre du nouveau réglement européen sur les médicaments vétérinaires.

Cet acte retient trois critères pour définir les molécules à réserver aux traitements humains : « grande importance pour la santé humaine »,« risque de transmission de résistance » et « besoin non essentiel pour la santé animale ».

Proposition de la Commission basée sur la science

C'est sur ce troisième critère que les eurodéputés de la commission Envi s'étaient montrés réticents, en considérant que la santé humaine devait prévaloir, même si cette approche devait mettre en danger la santé animale.

Pourtant, la proposition de la Commission, basée sur la science, avait été techniquement coordonnée avec toutes les organisations compétentes : Agence européenne du médicament, Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments, Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Organisation mondiale de la santé animale et Organisation mondiale de la santé.

Face à la menace que faisait peser sur l'arsenal antibiotique vétérinaire la résolution de la Commission Envi, les professionnels de l'élevage et de la santé animale se sont largement mobilisés.

Ainsi, la plate-forme européenne Epruma* (réunissant vétérinaires (avec notamment la Fédération vétérinaire européenne (FVE) et la Fecava**), agriculteurs et coopératives, fabricants de médicaments et fabricants d'alimentation animale) avait fait savoir qu'elle regrettait cette prise de position de la commission Envi, estimant qu'elle est « fondée sur des croyances dépassées quant à l'utilisation abusive des antibiotiques dans le secteur animal et sur une interprétation totalement erronée des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé ».

Sensibilisation du public

En parallèle, des associations de vétérinaires en Europe ont proposé à leurs confrères de signer des pétitions (comme en Belgique, en Allemagne ou encore en Pologne) demandant aux eurodéputés de voter « contre » la « dangereuse motion » qui devait leur être proposée en séance plénière.

L'expérience montre cependant qu'une telle démarche ne peut aboutir que si une large adhésion, au-delà des seuls professionnels concernés, est réalisée.

C'était le but de la tribune, en France, d'un collectif de vétérinaires***, animé par le président du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL), publiée dans Le Monde et intitulée « Les vétérinaires ne doivent pas se trouver dans l'impossibilité de soigner les animaux qui leur sont confiés ».

Plus récemment, toujours dans cette optique, le SNVEL a mené une campagne de communication sur les réseaux sociaux - Twitter, Facebook, Instagram et LinkedIn - que les vétérinaires étaient engagés à relayer largement (lire DV n° 1585). 

Une autre adoption

En outre, la FVE et le SNVEL avaient alerté, via un document de position**** et un lobbying actif, les eurodéputés de l'importance, pour la santé et le bien-être des animaux, de l'acte de la Commission européenne adopté par elle le 26 mai 2021.

Lors d'un échange avec les eurodéputés de la commission de l'Agriculture, le 9 septembre, la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, avait exhorté les députés à ne pas rejeter cet acte délégué. Ce rejet serait « un pas en arrière dans notre travail », avait-elle prévenu.

Le Parlement européen a finalement entendu raison. Il a également validé le même jour un autre acte délégué dans le cadre de ce règlement européen sur les médicaments vétérinaires : celui interdisant l'utilisation d'antibiotiques en tant que facteurs de croissance dans les importations de viande de l'Union européenne (UE) alors que cette utilisation est interdite dans l'UE depuis 2006.

* Epruma : European Platform for The Responsible Use of Medicines In Animals.

** Fecava : European Federation of Companion Animal Veterinary Associations.

*** Cette tribune , en ligne à l'adresse https://bit.ly/3heIAhI, est réservée aux abonnés du Monde mais est aussi en accès libre à l'adresse https://direction7530.wixsite.com/website.

**** Le document complet est accessible à l'adresse https://bit.ly/3hxku1B.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1586

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